Ce 6 novembre 2012, Aerosmith sort son nouveau disque. Quinzième LP et authentique album studio depuis… onze ans (si on considère que le disque de cover blues “Honkin’ On Bobo” (2004) n’est pas un véritable opus d’Aerosmith). “Music from Another Dimension” succède donc à “Just Push Play” (2001) qui s’était très bien vendu, aux Etats-Unis en particulier.
Durant l’enregistrement, Joe Perry confessait dans “Billboard” : “Les gens demandent toujours quelque chose qui sonne comme les vieux trucs, mais on ne peut pas réécrire “Mama Kin” ou “Same Old Song And Dance”. Tout ce qu’on peut faire, c’est de revenir là où on a commencé, quand on a fait ces enregistrements !”. Ils ont donc décidé de retravailler avec Jack Douglas, producteur des premiers albums du groupe dans les années 70, et plus récemment “Honkin ‘On Bobo”, un album de reprises blues pouvant aussi figurer une envie de retour aux sources. Premier signe qu’Aerosmith est baaack in the saddle, leur premier nouveau titre écrit apès huit ans de silence, la B.O.F. de “G.I. Joe”, “Legendary Child”, est jouée lors de la finale de “American Idol” (“Nouvelle Star” version américaine dans laquelle Steven Tyler était juré). Un avant-goût qui laissait entrevoir que nous allions avoir droit à du traditionnel. Accrocheuse, la jaquette met en scène le célèbre logo d’Aerosmith dans un paysage urbain peuplé de créatures fantastiques, simulacre de vieilles affiches illustrées de science fiction fifty’s. En écho, l’intro de mise en garde façon “4ème Dimension” de Jack Douglas. Et schlac ! Une frappe de batterie tout droit sorti de “Toys in The Attic” (1975), un riff bien caractéristique de Joe Perry par-dessus, le décor est planté : du Aerosmith pur jus. A cela s’ajoute les textes qui, comme d’hab’, regorgent d’allusions sexuelles plus ou moins explicites. Alors bien sûr, on retouve les fameuses slows MTV dont Aerosmith est passé maître. Dans cette catégorie, on relève les mid tempo “Tell Me”, “What Could Have Been Love” (plutôt réussie dans son genre), “Can’t Stop Lovin’ You” (ballade country en duo avec une ex gagnante de “American Idol”, Carrie Underwood), “Another Last Goodbye”, et surtout “We All Fall Down” offert par Diane Warren (qui fournit aussi Elton John et Céline Dion), déjà auteur du tube “I Don’t Want to Miss A Thing” (1998). Mais finalement ce pavé de quinze morceaux (dix-huit pour la version deluxe) contient des pistes assez différentes les unes des autres. Parfois ils sortent les jouets du grenier : guitares brûlantes ou entêtantes, qui déferlent et qui claquent, basse affutée, gémissements slide, étayés ou propulsés par la rythmique de Joey Kramer. En témoigne le réussi “Lover Alot” martelé par la section rythmique, “Something” riff 007 et orgue interprété par Perry, ou “Oh Yeah” qui démarre par un riff à la “Jumping Jack Flash”. Chaque instrument est finement ciselé, le son est propre, classique. Cependant, on peut aussi regretter un déballage de moyens. Sur “Tell Me”, “Oh Yeah”, ou “Out Goes The Lights”, les chœurs féminins sont superflus. Ils peuvent se justifier en texture blues sur certains passages d'”Out Go The Lights” par exemple, mais pas en saillies mastoc à la Miss Dominique. Car le chanteur en place n’a pas besoin de cet étalage. Si Aerosmith a du style, Steven Tyler a du chien. Le Toxic Twin a toujours cette voix animale, inimitable, à multiple facettes. Râpeuse, rêche, rauque, mais sensuelle et souple. Il gronde, grogne, rugit, joue sa propre partition, se baladant à son rythme sur les morceaux. “Beautiful” en est une bonne illustration : il aboie les couplets avant de s’envoler vers un refrain modelé sur la ligne de guitare de “Sweet Child O’Mine” (Biiiyoutifoul). Notons qu’il abandonne le micro à Perry sur tout de même quatre titres (dont deux parmi les bonus). L’un d’eux est un blues dépouillé figurant sans conteste parmi les plus intéressants du disque (“Oasis In The Night”). Ajoutez à cela quelques guests prestigieux aux choeurs comme Johnny Depp (sur “Freedom Fighter”) ou Julian Lennon (sur “Luv XXX”) et vous obtiendrez un disque bien fait, plaisant.
La mécanique bien huilée d’Aerosmith ronronne, mais la berline est un poil trop lustrée. On aimerait entendre ce que donnerait ces nouvelles compos servies plus sèches, épurées, brutes de rock ; un peu à l’image de cet “Oasis”, sans ces pans de productions grandiloquentes et emphatiques. Mais c’est avec l’élite qu’on est le plus exigeant, et beaucoup de groupes rêveraient d’avoir à leur catalogue ne serait ce qu’une seule mauvaise chanson d’Aerosmith.
Notre sélection
- Oasis In The Night
- Lover Alot
- Oh Yeah
Note RUL
4/5