Après la chute du hard rock décimé par le grunge, puis le décès de Kurt Cobain qui entraînera la mise en pierre de ce mouvement, toute une génération se lancera corps et âme dans un nouveau genre : le néo metal. L’histoire du rock est ainsi faite, un genre en enterre un autre. 1996, le nom de Korn est sur toutes les lèvres, mais déjà une dissonance se créée dans les rangs des fans de metal. Trop moderne, trop hype pour certain. Beaucoup penseront que le groupe ne tiendra pas la longueur. Pourtant vingt ans après sa création, et onze albums à son compteur, le combo est toujours là malgré les embûches inhérentes à la vie. 2003, alors “Untouchables”, leur guitariste décide de quitter la messe pour s’asseoir à la droite de Dieu. Fatigué de la routine habituelle et du processus qui fait enchaîner albums et tournées sans relâche, Korn sort un “Take A Look In The Mirror” (2003) en demi-teinte. Le groupe se cherche alors (“See You On The Other Side” – 2005), se perd (“Untitled” – 2007) avant de se retrouver avec le bien nommé “Korn III : Remember Who You Are” (2010). Mais ce retour aux sources ne sera total que lorsque Brian “Head” Welch, leur guitariste d’origine, décidera de revenir dans le droit chemin après huit années d’abstinence. Pendant tout ce temps Korn aura été un groupe fidèle. Jamais il n’aura établi de véritable second guitariste, préférant laisser le remplaçant dans l’ombre de la scène. Alors que peut-on espérer de ce retour ? Un coup d’œil dans le rétroviseur ? Faire un bond en arrière de deux décennies n’aurait servi à rien car le monde de la musique a évolué et le néo metal a bien mal vieilli. D’autant plus que Korn s’est toujours donné pour maître mot, et ce depuis le début, d’apporter fraîcheur et nouveauté à chaque album. Et c’est certainement cette envie d’évoluer sans jamais se trahir qui en a fait sa longévité.
Alors voilà, en quelques mots “The Paradigm Shift” est tout simplement une synthèse entre les influences grandissantes pour la musique électronique/dubstep de Sir Davis et l’envie électrique de Head. Aucun compromis n’a réellement été fait. On renoue ENFIN avec les riffs métalliques grande époque, soulignés par quelques touches électro inspirées par le dernier album (“The Path Of Totality” – 2011). Mais par chance ces dernières sont suffisamment discrètes et bien incorporées pour ne pas déranger, et donc diviser. On retrouve également l’aspect sombre de “Issues” (1999), mélangé avec le côté plus heavy et mélodique de “Untouchables” (2002). Ces dernières sont vraiment travaillées, avec des gammes loin d’être basiques, mais la structure des morceaux est beaucoup trop systématique. Couplet avec guitare saccadée, et refrain avec accords lourds plaqués. On a parfois l’impression que Korn se retrouve prisonnier dans sa formule caractéristique. Un bémol vient également diminuer la partition : la basse. Là où Fieldy a toujours occupé une place de choix dans la musique, et dans le groove caractéristique de Korn, sa prestation est en grande partie noyée par la fréquence des autres instruments (les boucles électro, les guitares accordées très basses). On sent par moment l’envie que Don Gilmore (Linkin Park, Pearl Jam) a eu de mettre en avant la basse dans le mixe, mais sur la globalité de l’album elle est nettement reléguée au second plan. Si Jonathan a récemment confié que durant cet opus, il avait traversé une période difficile du à son addiction pour les médicaments, ces derniers semblent l’avoir anesthésié de tout sentiment. Non pas que sa prestation soit médiocre. Sir Davis reste et restera ce chanteur au timbre et à la diction si particuliers, mais son interprétation est tout bonnement moins primitive, bestiale, et en ce sens moins “humaine”. Même si l’on ressent toujours son malaise, à travers des textes introspectifs, et ce malgré sa puissance et sa technicité vocale, l’interprétation du chanteur est un peu moins impériale et moins inspirée. Lui qui a toujours chanté avec ses tripes semble peu à peu devancé par ses influences plus “aseptisées”. Pourtant lors de la création de “Korn III” il avait renoué avec ses démons d’antan en décidant de laisser la production à Ross Robinson, leur premier producteur. Il faut croire que l’on aime le duo Jonathan Davis/Ross Robinson, et que Don Gilmore n’a pas la même manière de pousser à bout le frontman pour lui faire sortir sa haine et sa frustration d’une façon vraiment unique et rare.
Mis à part cela, cet essai est tout de même une belle surprise pour les fans qui avaient tourné les talons au groupe suite à une orientation dubstep trop marquée. Car malgré les critiques évoquées, “The Paradigm Shift” est un très bon album de Korn, voire le meilleur depuis “Untouchables”. Il aurait même pu faire partie du podium si Ross Robinson avait pu y mettre son grain de magie.
Informations
Label : Caroline Records
Date de sortie : 08/10/2013
Site web : www.korn.com
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