Truckfighters – Universe

Entre “Gravity X” (2005) et “Mania” (2009), le groupe de stoner rock à l’effectif mouvant, a fait évoluer sa musique partant de racines rock fuzz heavy metal vers un aspect plus progressif. Depuis cette dernière dérive stylistique, la formation suédoise a enchainé les tournées, mais nous aura fait attendre cinq ans, deux fois plus longtemps que pour les précédents albums, pour nous livrer leur nouvelle création, “Universe”, paru le 24 janvier sur leur propre label, Fuzzorama Records.

L’opus ouvre dans le sentiment d’urgence de “Mind Control”, et la teinte de l’ensemble, plaintive et solide, est déjà donnée. On retrouve, à un degré de puissance près, le grondement du mur de guitares propre au stoner fuzz de Truckfighters, qui avait été spécialement découvert et adulé dans “Gravity X”, auquel s’ajoute le développement d’un aspect blues rock, qui n’est pas sans rappeler celui de leurs homologues suédois de Graveyard. L’ébranlement de ce mastodonte sonore formé par la bourrasque de cordes, détruisant les frontières entre son de basse et son de guitare, et le claquement d’une batterie musclée, nous fait retrouver le ton stoner doom de leur premier effort studio. Le chant de Oskar “Ozo” Cadermalm semble avoir suivi une ligne droite depuis la création du combo, mais apparait plus sobre dans cet essai, sans forcément tomber dans un chant édulcoré, et joue d’une lamentation incantatoire. La puissance de l’album se trouve dans ses trois premiers titres, “Mind Control”, “The Chairman”, “Convention”, et dans la pièce finale de 13:53, appelée sans équivoque “Mastodont”. La parution du clip vidéo en décembre 2013 du single “Prophet”, à l’esthétique épurée et ésotérique, tout comme l’artwork de l’opus, nous fait retrouver la sonorité fondamentale de la formation d’Orebro, donnée par la texture vrombissante de leur guitare de caractère, mise tout en avant. La composition, très aérienne, nous projette brusquement contre les cordes qui engloutissent tout le corps instrumental. Le même procédé est employé dans “The Chairman” où la batterie nous saisit pour mieux nous brutaliser contre le mur grésillant de ces cordes infernales, dans un morceau à la densité impénétrable, survolé par une ligne de guitare au grain rock pop. Après cette entrée en matière d’une puissance écrasante et pénétrante, l’opus s’apaise, mais s’affaiblit presque, dans la dynamique apathique de “Get Lifted”, et fait indéniablement passer à la trappe “Convention”, à la suite de ses huit minutes de rythmique trainante. Le disque se termine avec sa pièce maitresse, “Mastodont”. Une composition complète, qui commence par un riff de guitare aux airs du “New Noise” de Refused joué à blanc et qui, avec sa puissance dramatique, joue du passage saisissant entre la légèreté du chant et le plongeon tête la première dans le grondement obscur des cordes, parfois précédé d’une phase d’apparente discordance. Le morceau finit par nous déposer naturellement, après ces minutes d’impulsions épiquo-tragiques, dans la délicatesse de guitares sèches aux senteurs “Majestic” (“Mania”, 2009).

“Universe” opère à un retour aux racines stoner fuzz du groupe tout en tirant avantage du penchant progressif des derniers albums et retrouve une énergie heavy qui en fait un album de caractère. Sans manquer à leur tradition de tournées, Truckfighters sera de passage en terre française le 28 février pour faire vrombir le Divan du Monde.