Fin février, RockUrLife faisait partie des quelques médias français à découvrir en avant-première le projet de Till Lindemann (Rammstein) et Peter Tägtgren (Pain/Hypocrisy). C’est donc sous haute surveillance que nous avons découvert “Skills And Pills” avant de pouvoir nous entretenir avec les deux musiciens.
Bonjour Peter, comment vas-tu ?
Peter Tägtgren : Je vais mieux, Till et moi avons la grippe. Je vais mieux, ça empire pour lui, car je l’ai eu avant lui. Mais ça va passer, j’ai entendu dire que toute l’Europe y fait face. Donc allons-y mollo, reste à prendre beaucoup de vitamines et beaucoup de repos.
Vous êtes ici pour nous parler de votre nouveau projet commun appelé Lindemann. Le premier album sortira le 17 juin. Comment vous-sentez-vous à quelques mois de la sortie ?
P : Nous en sommes très satisfaits. Depuis le début, nous étions seulement censé faire quelques chansons. Son cerveau et le mien se sont rencontrés car nous sommes amis depuis un bon moment, et il devait toujours chanter sur un album de Pain mais nous n’avions jamais le temps. C’était le juste moment. Voici l’homme du projet.
(Till entrant dans la pièce)
Till Lindemann : Désolé je suis un peu malade donc j’ai pris mes médicaments.
Nous lui demandions justement comment vous vous sentiez avant la sortie.
T : Je suis excité, vraiment excité, car nous ne savons pas comment ça va être reçu, peut-être que les gens le détesterons, et nous renverront à nos racines, d’où nous venons. Peut-être qu’ils le prendront comme une nouvelle collaboration entre le metal et le gothique. C’est, à mon avis et en quelque sorte, une nouveauté sur le marché.
Comment était le processus de composition et d’enregistrement ? A quel moment avez-vous décidé d’y consacrer du temps ? Y avait-il d’autres personnes impliquées ?
P : C’était juste moi et lui. Dès le départ, c’était lorsque Rammstein s’était mis en pause, puis il m’a dit : “maintenant je suis prêt, faisons-le”. Donc nous avons commencé avec une chanson et nous n’avons pas pensé à faire un album. Ni même une photo, ou peu importe. Voyons voir ce que nous pouvons faire lorsque nous collaborons ensemble. Donc la première chanson qui est née était “Ladyboy”, puis c’était un effet boule de neige. Tout est allé si rapidement, c’était facile. Ce n’était pas comme si nous devions tout préparer et nous arracher les cheveux. C’était juste du gros plaisir tout le long.
T : Et à propos des personnes, nous avons juste eu de l’aide d’un hollandais, Clemens.
P : Oui.
T : Il joue dans Carach Angren. C’est un…
P : Groupe black metal néerlandais.
T : Du black metal avec beaucoup de parties orchestrales et c’est incroyable. Il est dingue.
P : Oui il a vraiment amélioré mes parties orchestrales car il travaille également sur des films et la musique, donc il avait les bons outils, mais aussi les bonnes connaissances.
T : Vous pouvez l’entendre dans quelques morceaux, il y a d’énormes parties de cordes, de trompettes, de flûtes.
C’était la prochaine question. Il y a beaucoup d’éléments classiques.
P : Oui.
Etait-ce une façon de rendre cela encore plus solennel ?
P : Absolument rien n’a été prévu, j’aime juste… *son ventre fait un énorme gargouillement* Oh mamma mia!
(rire général)
Peter imitant le son : Je veux rentrer à la maison !
(rire général)
T : Ne pètes pas hein !
(rire général)
P : Non, j’aime juste mélanger des mélodies classiques, mais aussi des cordes avec des guitares, elles se marient si facilement et si bien. Cela donne une atmosphère différente lorsque vous l’écoutez. Donc je pense que je suis devenu un plus fou sur quelques chansons et il m’encourage toujours : “maintenant je veux quelques tatatata” et je lui dis “ok cool !”. Je commence à le faire. Les compositions étaient bonnes, mais je savais qu’elles ne l’étaient pas, nous avions besoin d’un véritable orchestre, donc c’était juste une coïncidence, car je mixais son groupe à ce moment-là, et j’ai entendu ses parties orchestrales et je me suis dit “wow, c’est ce que j’ai besoin”. Donc je lui ai demandé, “non c’est moi tout seul, je le fais pour vivre” et je me suis dit “wow, donc tu le fais ?” Je lui ai envoyé une chanson et mes parties orchestrales et il me l’a renvoyé avec ces trucs énormes qu’il a construit autour de ce que je lui avais envoyé. Tous deux on s’est dit : “oh, c’est ce que nous avons besoin.”
Il y a comme une ambiance boite de nuit, mais avec des sonorités d’horreur ou gothique.
P : Je ne sais pas. Ce que vous entendez sur l’album est influencé par moi ou par lui. C’est vraiment un mec gothique, dans le genre Sisters Of Mercy. Et je suis peut-être un peu plus un mec metal. Mais lorsque vous écoutez le disque, je pense qu’il y a tout et évidemment, nous aimons tous ces trucs cool.
T : Certains titres y vont jusqu’au bout, comme la première, elles vont de l’avant vraiment.
P : Le beat est toujours important pour moi. Vous pouvez vraiment le ressentir. C’est en quelque sorte une situation type boite de nuit. Ensemble avec le metal et le gothique, tout.
Nous avons remarqué qu’il n’y avait pas de solo de guitare.
P : Non.
T : Je déteste les solos de guitare donc.
P : Pas seulement parce qu’il déteste ça, mais c’est aussi parce que mon pouce est au milieu de ma main. Non, je ne suis pas un bon guitariste qui fait des solos. Personnellement je m’en fous. J’admire tous ces grands guitaristes comme Malmsteen, Steve Vai, Satriani et ceux sont vraiment des guitaristes de légende. Je les admire tous. Mais ce n’est pas ma tasse de thé, d’être assis durant huit heures par jour pendant dix ans… et ce n’est pas important pour moi. Je veux dire, ici il n’y a pas d’égo, car je vois toujours la musique du point de vue du producteur. Je veux voir l’ensemble de la chose, et pas seulement chacun des instruments.
T : Les solos de guitares ne sont-ils pas démodés ? Qui fait des solos de guitare de nos jours ?
P : Et bien, ceux qui savent jouer des solos de guitare je pense.
T : Oui.
Qu’en est-il de l’artwork ? Est-ce que ce sera la seule photo de vous grimé en un couple bizarre ?
P : Non, ce sera comme un livre. Maintenant, nous avons tellement de photos de fou. La plupart d’entre elles sont liées à chacun des morceaux.
Et par rapport à la photo que nous avons vue sur Facebook, pourquoi as-tu un corps de chèvre ?
P : Qui sait ? (rires) Parce que nous le pouvons ! Il n’y a pas de réponse à tout. C’est juste une photo barrée et cela colle parfaitement bien, c’est plus un mariage entre… pas deux mecs, mais entre deux sortes d’inspirations différentes ne faisant qu’un.
T : Et le nouveau couple est sur le marché.
P : Yeah.
T : Elle montre quelque chose et cela donne aux gens de l’espace pour penser à peu importe leur interprétation.
P : Sont-ils gay ?
T : Si nous vous racontons l’histoire maintenant, ce serait trop facile pour tout le monde, laissons cela ouvert, je sais que tout le monde peut avoir quelques idées et nous en avons eu tellement, surtout avec les paroles. C’est marrant de voir comment les gens réagissent, ce qu’ils pensent sur ce qui se passe. Les chansons, ensuite les photos. Ce livre de photos sera vraiment vraiment bien. Chaque photo est liée à un titre, au final, évidemment, il y a le CD, mais c’est comme une œuvre d’art et vous pouvez vous assoir et écouter que c’est pour “Fat”.
(Peter montrant la photo)
T : Donc c’est comme un livre de conte, vous pouvez suivre les paroles de la prochaine chanson, et vous pouvez regarder l’artwork.
P : Celle-ci est pour “Fish On”. Donc vous savez à quoi vous pouvez vous attendre.
Il y a quelques mois, nous avons rencontré M. Krupse pour son propre projet aussi et il nous a dit qu’il avait plus de liberté, et ne pas se sentir “trop enfermé”. Ressentez-vous la même chose avec Lindemann en comparaison à vos autres groupes ?
P : Nous ne pensons même pas de cette façon. Nous composons juste. C’est un loisir. Certains établissent des plans à respecter et d’autres foncent sans trop réfléchir. Nous écrivons juste de la musique. Il n’y a rien d’autre derrière cela, nous l’avons gardé secret car nous ne voulions pas que tout le monde commence à nous mettre la pression en nous disant soit de faire ci ou cela. Nous voulons juste faire notre propre truc.
T : Pour Richard, c’était très important. C’est un fou de travail, il a tellement de ressources et je ne supporte pas si vous restez assis et travaillez tout le temps et évidemment toutes les choses liées à Rammstein sont limitées, parce qu’il y a six personnes apportant des idées et autres, et il a besoin d’être soulagé des autres choses, pour son travail et je pense qu’il bosse déjà sur le troisième album d’Emigrate.
P : Vraiment ?
T : Oui. Il est tellement dedans, il fait ça 24h/24, sept jours sur sept, il est vraiment ambitieux et très concentré avec la musique, et il fait des musiques de film, c’est la seule chose, mais ce n’est jamais en empiétant sur Rammstein, ce qui est cool pour nous. En une semaine, il est arrivé avec dix idées, et pour en saisir une vous devez vous concentrer pour au moins une chanson et y aller, mais si quelqu’un se réfère à une autre séquence et vous ne pouvez pas le supporter, c’est vraiment trop, donc normalement nous disons que nous ne faisons jamais de projets solos dans Rammstein mais quelque chose cloche peut-être. Mais c’est bon pour lui et c’est totalement différent de ce que nous faisons. Et ce que nous faisons est totalement différent de ce que fait Rammstein. Pour moi, il était clair comme du cristal depuis le début. Je chante en anglais pour m’éloigner des similitudes dans le chant, et au moins, je veux que Peter sache de quoi parlent les paroles.
P : C’est comme être inspiré.
T : Surtout sur “Yukon”. Vous voulez mettre en son une description de grands espaces, un horizon ouvert, des routes, des montagnes et cette rivière qui coule, et il est arrivé avec d’imposants chœurs au début. Il est nécessaire pour lui de savoir sur quoi ce je chante.
P : Juste en lisant les paroles je me suis dit “oh, je sais déjà comment cela va sonner”.
Si vous devez choisir trois titres pour décrire au mieux “Skills In Pills”, quels seraient-ils et pourquoi ?
P : Wow ! Je pense que “Praise Abort” est totalement différent de tous les autres titres de par sa structure.
T : Et parce que c’était le tout dernier.
P : Oui c’était le dernier que nous avons composé et nous sommes totalement lâchés. Je veux dire, chaque fois que nous composions une chanson, nous la faisions d’une différente façon. Mais pour cette dernière nous étions vraiment courageux je pense, la manière dont nous l’avons faite et ça a bien marché !
T : Je l’oblige toujours à aller dans différentes directions. J’arrive avec une séquence : “qu’est-ce que tu veux ? Quelle séquence ?” Commence juste la chanson avec une séquence et rien ne se passe, ensuite il me surprend. J’oublie toujours que j’ai un dossier de Peter, je l’ai ouvert et je chante déjà quelques lignes seulement avec la boite à rythme, puis il édite le tout et cela se transforme en une très belle intro pour la dernière chanson. C’est devenu “Praise Abort”.
P : Donc celle-là était unique, d’une certaine façon.
T : Et il n’a jamais écrit de ballade auparavant dans sa vie : “allez, nous avons besoin d’une ballade sur cet album” “quoi ?” “Je ne fais pas ça, non” “allez, s’il te plait, prend une guitare acoustique et jam, essaye au moins !” Ainsi est née cette belle ballade, il est comme une boite de poissons, pleine de morceaux de ballades… en papier.
P : Il n’est pas aussi facile mais parfois les choses se passent. Donc pour nous, je pense que le ciel est la limite lorsque nous composons. Nous ne pensons pas car tout est tellement frais, et nous n’avons personne à satisfaire. Nous avons seulement besoin de nous faire plaisir à nous-mêmes. Nous ne pensons pas à ce que nous composons, nous pensons juste si c’est bien, tant mieux. Et nous ne pensons pas que nous avons fait un album unique ou que nous avons réinventé un style musical ou autre. Nous écrivons juste dix chansons cool que nous aimons. Et si cela sonne un peu plus comme ci ou comme cela, ok, bien, aucun problème, nous aimons ces chansons.
Et si vous deviez décrire ce disque en trois mots ?
P : Grotesque. Drôle.
T : Drôle, évidemment.
P : Et sérieux.
T : Ou courageux, quelque chose comme ça.
P : Oui !
T : Parce que nous étions assis, quand les paroles rédigées sur papier sont différentes de ce qui est enregistré et tout d’un coup vous entendez “cunt” (ndlr : chatte) dans les chœurs, putain !
P : (rires)
Till (chante “I praise abort”) : Ok, on en a pour deux heures pour ça. Au moins, on est d’accord, ensuite nous devons manger de la merde et la laisser. Ok on la laisse.
P : Oui.
T : Et cela peut-être sérieux et courageux.
P : Oui.
Considérez-vous cet album parfait à écouter pour faire l’amour ?
P : Je ne pourrais pas baiser et écouter sa voix. Je suis sûr que d’autres personnes pourraient le faire ! (rires) Donc pourquoi pas !
T : Oh oui. J’ai hâte d’être à Berlin à ces énormes parades gays et peut-être qu’ils joueraient très fort “Ladyboy” tout en haut, ça me ferait plaisir.
P : Oui ! Le festival de la fierté ou peu importe comment ça s’appelle en Suède.
Comment considérez-vous Lindemann ? Est-ce un projet parallèle ou un groupe à part entière ?
P : Actuellement c’est un projet parallèle. Et nous le faisons quand nous avons le temps pour y consacrer. Quand nous ne sommes pas occupés avec les deux autres groupes, alors nous pouvons davantage nous y consacrer. Maintenant que nous avons du temps libre pour le faire, alors nous le ferons aussi longtemps que nous pourrons. Je veux dire, en septembre/octobre, il retournera avec Rammstein, ensuite ils vont commencer à prévoir la prochaine étape, et je vais commencer à penser à ce que je ferais aussi, de mon côté. Mais nous allons probablement avoir cela comme une chose sans pression. Lorsque nous avons quelques idées folles que nous ne pouvons pas faire au sein de nos autres groupes.
Qu’en est-il des concerts ? Une chance de vous voir en Europe et peut-être en France ?
P : Juste quelques visions dans la tête pour le moment. Nous verrons ce que les gens vont penser de cela. Peut-être qu’ils nous diront de retourner à nos travaux normaux.
T : Nous attendons la sortie et ensuite nous verrons ce qu’il adviendra. Ici, il n’y a pas de grosses responsabilités, il n’y a aucune raison d’aller en tournée. Alors ce sera comme être un égoïste, je veux jouer à des choses.
P : Oui.
T : A voir.
Mais avez-vous eu une approche du live ? Par exemple, tous ces éléments sur scène sont différents qu’en studio.
T : Si nous devons faire ça en live, ce sera davantage statique et plus des éléments et lumières à la punk rock. Pas de pyro, nous voulons nous éloigner des concerts de Rammstein, vraiment.
Qu’en est-il du statut actuel de vos groupes respectifs ? Il y aura-t-il de l’actualité autour de Rammstein et de Pain/Hypocrisy prochainement ?
P : Oui. Comme j’ai dit auparavant, en septembre, il retourne dans sa famille et je vais également commencer à penser sur ce que je vais faire, si je fais un album de Pain ou si je veux faire un album d’Hypocrisy. Je ne suis pas encore sûr. Tout peut changer très vite pour moi concernant ces deux groupes.
Un message à ceux qui attendent pour écouter votre album ?
P : Et bien, j’espère qu’ils apprécieront et pourront lire entre les lignes, et voir l’humour dans l’ensemble. Et oui c’est un album pour faire la fête. Et j’espère que tout le monde sera de bonne humeur quand ils l’écouteront.
T : Oui, nous savons que c’est grotesque d’une certaine manière. Mais d’un autre côté, il y a beaucoup de lignes ironiques et je pense qu’il est facile de lire, mais peut-être que certaines personnes vont être dégoûtés.
P : Oui.
Le titre de l’album est “Skills In Pills”, est-ce que cela se réfère uniquement au premier morceau ou cela définit également les autres pistes ?
T : Qu’en penses-tu ? Pour moi c’est évident. L’ensemble est fou, donc chaque chanson a peut-être une différente pilule. Pour quelque chose pour la tristesse, une pour l’excitation et pour une signification sexuelle, vous pouvez comparer avec la pilule bleue. Donc c’est une grande boite de pilules, et je pense que cela comprend vraiment la diversité des chansons dans cet album.
P : Vous ne pouvez pas être normal et écrire ce genre de paroles !
T : Cela concerne Pain !
(rire général)
Il y a quelques jours (ndlr : au jour de l’interview), Iron Maiden a posté que Bruce Dickinson avait fait de la chimio, un message pour lui ?
P : Oui, j’espère qu’il va vaincre cela et j’espère que ce n’est pas méchant. L’un de mes amis est décédé il y a dix jours d’un cancer, donc je sais à quel point c’est difficile.
Pour conclure, notre question traditionnelle : notre site s’appelle “RockUrLife”, qu’est ce qui rock vos lifes ?
P : Mon fils rock ma life, vraiment.
T : Sebastian, non ?
P : Oui.
T : Sur ce disque je suis plus dans le classique. Je veux m’éloigner de tout rock de ma vie. J’y vais mollo.
P : Le bon vin rock ta life !
T : Oui peut-être. Oui nous sommes en France !
P : Il devient dingue quand il en boit !
Mais il n’y a que très peu de référence à la France dans les paroles.
T : Oui, comme je disais à la personne précédente, nous avons filmé notre premier DVD ici, un live à Nîmes et nous allons sortir un autre de Bercy, où nous avons joué deux fois. Ce public est en quelque sorte unique en France. Je n’aurais jamais pensé que cela me toucherait autant. C’est fou. Ils sont vraiment à fond dans la musique et oui c’est en quelque sorte une situation spéciale en France, vraiment.
Voilà c’est fini, merci beaucoup !
P : Merci à vous !
T : Je vous en prie.
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