Quelques jours avant la sortie de son nouvel album “Suis-Moi”, le chanteur-guitariste Louis Bertignac a accepté de nous rencontrer dans un grand hôtel parisien, à deux pas du Panthéon. Très accueillant et ouvert, le musicien répond à toutes nos interrogations sur ce disque.
Pour commencer, comment te sens-tu, à la veille de ton grand retour ? Trois ans se sont écoulés depuis ton précédent album “Grizzly (Ca C’est Vraiment Moi)”, et tu présenteras dans quelques jours ton nouveau disque, “Suis-Moi“. Heureux, anxieux, impatient ?
Louis Bertignac : Surtout impatient, oui. Je suis heureux, parce que je suis content du disque, je suis content de mon boulot. Mais il y a une certaine impatience, parce que j’ai un petit côté qui me dit que ça va plaire aux gens. Les quelques personnes à qui je l’ai montré, ça leur a plu. Je le vois comme un genre de joie au quel j’aurai bientôt droit. J’ai vraiment cet espoir que ça plaise aux fans, parce que j’ai toujours envie de leur faire plaisir, et je sens que celui là, ils vont prendre pas mal de plaisir à l’écouter.
Impatient de le présenter sur scène, aussi ?
L : Oui ! Ceci dit, j’ai déjà commencé. Depuis quelques concerts je joue quatre, parfois cinq titres de cet album. Et effectivement, l’accueil est top. On sent que ça marche. Bien sûr, c’est pas comme quand je joue “Cendrillon”, ou un truc que les gens ont entendu plein de fois, ça reste assez nouveau. Mais pour un truc nouveau, c’est un très bon accueil.
Tu as enregistré ce disque “à la maison”…
L : C’est ça. A peu près tout, sauf la partie basse/batterie.
Une tradition chez toi ?
L : J’aime bien, ouais. Maintenant qu’il existe du matos pour faire des vrais disques, il suffit d’avoir un bon ordinateur. C’est un plaisir; j’ai toujours bossé chez moi, mais dans le temps, pour le vrai disque, il fallait tout refaire. Maintenant, tout ce que je met sur mon ordi, ça fait partie du vrai disque. J’ai aussi fait plein de trucs en voyage. Souvent, simplement dans mon téléphone, j’enregistre la plupart des thèmes dès le début parce que c’est vraiment facile. Dès que j’ai une idée, il me suffit d’allumer mon téléphone ou un enregistreur. Je garde des idées importantes, et ensuite je fais tout un tri, que ça vienne de mon Zoom (ndlr : un type d’enregistreur), de mon téléphone ou de n’importe où. Je rassemble tout ça, et je met tout dans l’ordi. Ensuite, je repère des trucs qui peuvent devenir une chanson, peut être même sur l’album suivant.
Justement, tu avais une idée précise en démarrant cet album, ou tout s’est fait spontanément ?
L : Pas du tout d’idée, sur cet album ça s’est juste fait comme ça. Autant, sur l’album précédent, j’ai suivi les conseils d’un copain qui m’a dit “c’est bien, mais il faut faire des riffs, c’est ce qu’on attend de Bertignac”, alors j’ai pris un mois et j’ai fait des riffs, c’était assez facile à faire finalement. Je trouvais que c’était une bonne idée. Mais là pas du tout, ça n’a pas été réfléchi, il n’y avait aucun concept, c’est juste les morceaux que j’ai fait pendant des quatre dernières années. Les meilleurs que j’avais fait.
Du coup, certains de ces morceaux étaient déjà écris à l’époque de l’album précédent ?
L : Oui, tout a fait, il y avait “Embrasse-moi”, “Je Dis Oui”, “Le Pouvoir De Dire Non”, et “Cathédrales”. Toutes celles-là, je les avais déjà.
Tu as choisi de t’entourer de musiciens américains…
L : Ouais, j’ai été voir un copain à Austin (ndlr : Texas), et il m’a fait rencontrer plein de musiciens; je me suis vraiment éclaté. J’adore la musique de là bas. Quand j’écoute leurs radios, c’est un bonheur, que du rock, du country rock, tout est agréable à entendre. Donc j’ai rencontré des bons mecs, et quand je suis rentré à Paris j’ai eu envie de retrouver cette musique là. J’en ai réécouté. Je suis très fan d’un groupe qui s’appelle Blackberry Smoke. Leur premier album surtout. Et j’avais envie de ce genre de son. Je trouvais que ça irait vraiment pas mal sur mes chansons. Un jour j’ai traîné sur YouTube, il y a un mec qui avait mis une vidéo sur mon site. Et j’ai souvent les mêmes goûts que mes fans. (rires) Il avait mis un enregistrement de Keith Richards qui jouait “Dead Flowers” avec Willie Nelson, entre autres. Et je me suis dit qu’il y avait un grand mec là, c’était le batteur. Et que si un jour j’avais la possibilité, il fallait que je travaille avec ce mec. Donc quand l’album est arrivé, j’ai demandé à Patrice Cramer, avec qui je bossais, s’il pouvait me retrouver ce mec. Et il s’est débrouillé, il a appelé du monde et finalement on lui a dit “ce mec, c’est Chad Cromwell”. Alors on a appelé Chad, et Chad a dit oui. Et il m’a conseillé, tant qu’à faire, de prendre Leland Sklar à la basse. J’ai été voir son palmarès et j’ai dit “aucun souci”. On s’est retrouvés tous les trois à Miami, on m’avait déjà tout installé pour que je joue, mais j’ai réfléchi, et comme j’avais déjà enregistré dix fois mes parties sur mes maquettes je me suis dit qu’ils allaient jouer sur mes enregistrements et que moi j’allais plutôt être là en tant que coach, pour leur dire ce qui allait ou pas. Et en fait j’ai quasiment rien eu à dire. Cette musique là, ils sont nés dedans.
Le mixage aussi s’est fait aux Etats-Unis ?
L : Oui, en fait après ça je suis rentré à Paris, et j’ai refait beaucoup de guitare. Parce que c’est quand même plus excitant de travailler sur ces nouvelles basses et batteries que sur les boîtes à rythme que j’avais jusque là. J’ai aussi fait les voix. Et je me suis dit “il me faut vraiment ce son”. J’ai demandé à Patrice s’il savait faire ce son là. Il me dit “je vais essayer”. Il essaye. Puis c’est pas exactement ça. Donc j’ai pris un mec pour le faire (rires). J’avais plusieurs possibilités. J’ai pensé à Blackberry Smoke, mais comme ce sont les musiciens eux-mêmes qui s’en occupaient, ils avaient pas vraiment le temps de mixer mon disque. Puis j’avais écouté un album sur lequel Chad avait participé, et il y avait vraiment ce son comme j’aimais. Alors je me suis débrouillé pour retrouver le mec qui l’avait fait. J’ai mis son nom dans Google, j’ai retrouvé son site, j’ai envoyé un mail en disant “voilà, je suis un musicien français, mais j’ai quand même enregistré avec Chad Cromwell et Leland Sklar (rires) et j’aimerais bien que tu mixes”. Il m’a demandé de lui envoyer des enregistrements, et le lendemain il m’a répondu “ça va être génial, avec plaisir je bosse dessus ! Je te fais même un prix comme tu es français”. (rires) Mais lui je l’ai jamais vu, on a discuté par Skype, donc on sait la gueule qu’on a, et qu’on s’entend vachement bien.
Parmi les gens dont tu t’es entouré, il y a aussi Mélanie Laurent, pour un duo…
L : Ouais ! Pour ce duo j’avais plusieurs possibilités, mais j’avais flashé sur elle dans “Inglorious Basterds” (ndlr : film de Quentin Tarentino, 2009), elle avait un truc que je trouvais vraiment craquant. Et c’est Nagui qui m’a dit qu’il la connaissait, et qui m’a filé son contact. Pendant ce temps, j’ai écouté son album et j’ai trouvé ça très bien, elle avait la voix qu’il fallait. Elle m’a finalement répondu, je lui ai envoyé le morceau et elle m’a dit “bah oui, quand tu veux”. Elle est venue chez moi, on a enregistré ça. Elle a vraiment été adorable, comme j’aime. Simple, joyeuse, tranquille, donc on a bien bossé. En deux heures, c’était plié.
Tu as un morceau préféré sur l’album ?
L : J’aime beaucoup “Embrasse-Moi”, parce que j’aime beaucoup ce genre de riff. “Suis-Moi” aussi bien sûr, parce que c’est vraiment agréable à jouer. Mais j’aime vraiment beaucoup “Confidences De Ma Junior”. Parce que sur pratiquement chaque album je fais une chanson hommage à ma guitare. Et là c’est le contraire, c’est elle qui me remercie. On me l’a écrit et j’aimais bien l’idée que enfin, ma propre guitare me remercie de lui avoir fait vivre toutes ces aventures.
Quelle relation as-tu vis-à-vis de cet instrument ?
L : C’est mon instrument. Je connais mes mains depuis soixante ans, et mon manche de guitare depuis quarante-cinq ans. Elle fait à peu près partie de moi, cette guitare. Quand j’ai une guitare dans les mains, je me sens chez moi. Mais celle-là encore plus. C’est très simple en même temps. Je la connais depuis très longtemps, on fait un joli petit couple (rires), on s’est jamais engueulés, elle n’est pas jalouse… Je peux jouer sur une autre guitare, je le retrouverai toujours après. Vraiment, c’est un bel objet.
Tu parlais tout à l’heure du morceau “Suis-Moi”. Pourquoi l’avoir choisi comme titre à l’album ?
L : J’ai fait un sondage sur Facebook, en fait. Je me suis dit “tant qu’à faire, il y a tellement de monde, qu’ils m’aident !”. (rires)
Il y a aussi “Mes Icônes”, un hommage aux Rolling Stones. Un groupe très influent sur ta carrière ?
L : Oui, bien sûr. Ce ne sont pas les seuls, mais j’aime beaucoup ce genre là. En fait, c’était une chanson que j’avais enregistré sur mon téléphone, avec des percus, et je faisais juste “ouh-ouh… ah-ah… eh-eh”, et en l’enregistrant je me suis rendu compte qu’il y avais que les “ouh-ouh” qui sonnaient vraiment bien. Mais forcément, ça faisait penser à “Sympathy For The Devil”. Et je pouvais pas, ça allait être du pompage. Du coup, j’ai montré ça au mec qui m’écrivait des textes et je lui au dit “bon, quand même, celle là ce serait bien qu’elle parle des Rolling Stones” (rires). Donc on en a fait un hommage.
Et aujourd’hui, il y a des groupes ou des artistes qui t’influencent ? Un coup de coeur récent peut être ?
L : Ma dernière trouvaille, vraiment, depuis quelques années, c’est Blackberry Smoke. C’est vraiment bon, et royalement produit.
Déjà des projets pour le futur ? Des morceaux déjà composés ?
L : Non, j’ai rien composé depuis que j’ai fini l’album (rires). Ca va revenir après. J’ai quelques concerts de prévu dans le mois à venir, puis une tournée en janvier-février. J’aurais peut être de nouveaux morceaux à ce moment là, on sait jamais ! C’est vrai que je compose souvent sur scène, pendant les balances. “Embrasse-Moi”, c’est arrivé comme ça. Et comme j’enregistre tous les concerts, il suffit que je demande d’enregistrer pendant les balances et à la fin je repars avec. (rires)
Quelque chose à rajouter ?
L : Pas vraiment, si ce n’est que c’était peut être l’album le plus pépère à enregistrer. “Grizzly” l’était déjà, mais là j’ai pris mon temps, ça a été tranquille, j’ai fait ça chez moi, à la campagne. Il n’y a pas eu un moment désagréable.
Dernière question, traditionnelle chez nous : on s’appelle “RockUrLife”; qu’est-ce qui rock ta life ?
L : Avant tout, jouer de la musique. Je remercie le gamin de dix-sept ans qui a dit “moi j’arrête le reste, je veux faire de la musique”. Ce gamin que j’ai été, je le remercierai toute ma vie. Après, il y a d’autres trucs, il y a l’amour, il y a mes deux petites filles. Elles sont très rock n’ roll, elles m’éclatent. En gros, c’est ça. La musique, l’amour, et mes enfants.
Site web : bertignac.com