Au début du mois sortait “Monuments To An Elegy”, le nouvel album des Smashing Pumpkins. Depuis sa chambre d’hôtel à Berlin, le chanteur-guitariste Billy Corgan a accepté de nous accorder cette interview par téléphone, pour nous en dire un peu plus sur le disque, sa collaboration avec Tommy Lee, et le futur de l’industrie musicale.
Le nouvel album des Smashing Pumpkins, “Monuments To An Elegy”, fait partie du projet “Teargarden By Kaleidyscope”. Es-tu toujours certain de la direction que ça prend, ou si ça prendra la forme que tu imaginais au départ ?
Billy Corgan (chant/guitare) : Oui, en fait ça a pris la direction que j’avais imaginée, peut-être pas musicalement mais émotionnellement. Quand j’ai commencé le projet en 2009, je doutais beaucoup, je me disais “OK maintenant je vais faire vivre le groupe, juste moi”, et bien sûr je savais que ça allait poser problème, parce qu’avant il y avait moi et Jimmy (ndlr : Chamberlain, batterie) pour continuer, et maintenant il n’y a plus que moi. Donc je me suis demandé “qu’est-ce que je ressens vis-à-vis de ça, qu’est-ce que je ressens vis-à-vis de la musique, est-ce que j’ai même encore une raison d’en faire ?”. Ça a peut-être l’air plus déprimant que ça ne l’était, dit comme ça, en fait je me disais surtout “il me faut un nouveau plan”. Et en mettant en place ce nouveau plan, cette nouvelle approche, j’ai pensé “au moins je vais avancer”. Et ça a bien marché, puisque ça m’a remotivé, et je me sens engagé dans ce que je fais musicalement. C’est une bonne époque pour être dans un groupe, parce que c’est un gros engagement, tu vois, avec les attentes, et tout ce qui va avec.
Et si l’album fait partie d’un travail global si long, est-ce que tu avances pas à pas, ou est-ce que tu avais déjà des morceaux écris, ou des idées il y a deux ans, ou même avant ?
B : Non, c’est plutôt pas à pas. Ça va peut-être avoir l’air un peu grandiloquent, mais si tu te dis “la vie ne me passionne pas, donc je vais faire un voyage quelque part où je peux retrouver cette passion”, alors tu vas, je ne sais pas, en Egypte, pour voir les pyramides. Et là tu penses “wow, c’est beau, mais ce n’est peut-être pas encore ce que je cherche”, il faut en quelque sorte se rendre quelque part pour comprendre que ce n’est pas là que tu veux être. Mais c’est en le faisant qu’on apprend, comme on dit, c’est le voyage qui importe, pas la destination. C’est comme ça que je le vois, c’est pour ça que c’est intéressant, c’est le voyage de la chose, pas le résultat.
Quand “Oceania”, l’album précédent, est sorti, tu as dit dans une interview à “NME” que c’était ton meilleur album depuis 1995. Tu dirais que celui-là est encore mieux ?
B : Je ne suis pas sûr d’avoir dit ça, avec NME, je n’ai pas trop confiance en ce qu’ils rapportent de ma bouche. (rires) Donc… Est-ce que je pense qu’il sonne mieux que “Oceania” ? Oui, je le pense. Avec “Oceania” je crois que je cherchais toujours quelque chose, je crois qu’on a commencé à le trouver, je ne crois pas qu’on l’ait entièrement trouvé. Mais ce n’est pas non plus comme si je pensais une chose et que maintenant j’en pensais une autre.
Est-ce qu’il y a quelque chose dans cet album que tu apprécies en particulier (un morceau préféré, ou une partie), ou est-ce que tu le considères seulement comme un travail d’ensemble ?
B : Je ne sais pas. On a toujours des morceaux préférés. J’aime particulièrement “Drum + Fife”. Je crois que lorsque je fais un album, ce qui m’enthousiasme le plus est de sentir que je fais quelque chose de nouveau. Il y a des fois où tu dois juste accepter que ce que tu dis, le message que tu écris, c’est peut-être une variation d’un message plus ancien. Tu dis la même chose, mais peut être sous un autre angle. Mais parfois tu dis quelque chose de nouveau et tu penses “oh c’est intéressant, j’ai jamais dit ça avant, OK ça c’est passionnant”. Mais après j’aime aussi “One And All”, et certains me disent “oh ça sonne comme du vieux Smashing Pumpkins”, mais je trouve que ça ressemble plus à du metal des années 80. J’ai l’impression d’avoir déjà écrit des morceaux comme ça avant mais ça me va parce que j’aime ça.
Tu l’as dit, mais on entend un peu plus de claviers et de guitare qu’avant, et en effet, ça nous a rappelé la musique des années 80/90. Une raison en particulier, ou c’est juste arrivé comme ça ?
B : Quand on fait un album, surtout aujourd’hui, on voit que les gens ont un temps d’attention très réduit. Le fait que tu utilises une guitare ou un clavier ne veut pas dire grand-chose, parce que s’ils n’aiment pas, ils vont cliquer très vite sur le prochain morceau. Donc je pense que ce que tu te dis surtout c’est “qu’est ce qui va le mieux avec ce titre ?”. Un morceau comme “Dorian”, on l’avait enregistré très conventionnellement au départ. Et en l’enregistrant, on a vraiment écouté et on a pensé “c’est trop ennuyant”. Alors on a fait la version qui est sur l’album qui est… Je ne sais même pas comment l’appeler, peut-être plus années 80 ou quelque chose comme ça. Et j’ai pensé “OK, ça c’est vraiment mieux”. Je me dis pas “fais comme ci, fais comme ça”, mais “qu’est ce qui va sonner le mieux ?”.
Parle-moi de ton travail avec Tommy Lee.
B : Ça fait longtemps que je le connais, et je me suis dit que c’était le batteur parfait pour l’album alors je lui ai demandé. Bon, je ne l’ai pas appelé en lui disant “tu vas faire cet album” (rires), je lui ai demandé “tu veux bien jouer là-dessus ? Je pense que tu peux vraiment aider”. Et je trouve qu’il a vraiment fait une contribution incroyable. Quand j’écoute l’album, ça façon de jouer me fait sourire. Il joue avec tant d’enthousiasme. Il fait vraiment ce qu’il faut.
Et les sessions d’enregistrement ? Il y a un processus habituel ?
B : Honnêtement, ce n’est pas une histoire très intéressante. Tu viens juste tous les jours pour travailler, dans notre cas dix heures par jour. Il y a le moment où tu essayes de comprendre où tu vas et puis il y a la partie technique. Quel amplificateur ? Est-ce que c’est le meilleur son ? Comment ça sonne avec la voix ? Maintenant est-ce qu’on a besoin d’en faire une autre version ? On ne fait pas beaucoup de montage sur “ProTools”, donc quand tu entends une guitare sur le disque tu sais que c’est vraiment nous en train de jouer. On ne coupe pas, du coup ça prend un certain temps pour avoir la bonne prise. On joue jusqu’à ce que ce soit bon. C’est un processus très long. Il y a des démos qui remontent à deux ans. J’avais une idée et je l’enregistrais avant de passer à la suivante. Mais je n’étais pas vraiment concentré sur la chose, j’essayais juste d’accumuler les morceaux. Et peut-être six mois avant de finir l’album, on a commencé le travail depuis ces démos. Mais on n’enregistrait pas tous les jours, on était plus en train de tester des choses, des trucs différents. C’était très détendu pendant quatre mois, et les deux derniers ont été très intenses.
Vous avez déjà prévu le prochain album et conclusion pour le projet. Tu as une idée de ce que tu feras après “Teargarden by Kaleidyscope” ?
B : Je ne sais pas. Je pense que la façon dont on fait des albums et dont on les vend devient ringarde. J’aimerais trouver quelque chose de plus contemporain. Quand on regarde les jeux vidéo, les films, et comment marche la télévision, tout ça essaye vraiment de suivre la vitesse d’internet, et j’ai l’impression que l’industrie musicale est vraiment loin derrière, alors j’aimerais vraiment m’inscrire dans l’idée de ce qu’est la musique aujourd’hui.
Tu as sûrement entendu parler de ce qu’a fait Thom Yorke sur BitTorrent pour son nouvel album, peut être que tu te diriges aussi dans cette direction ?
B : Je trouve que c’est une bonne idée, mais ce n’est pas nécessairement par-là que je vais. Parfois je pense que le business de la musique doit repartir de zéro. On sait que les gens aiment la musique, ça ne changera jamais. Les gens en écoutent tous les jours. Le problème n’est pas là. Le problème est comment on dépense de l’argent, et comment on demande aux gens de nous payer. Et en dix ans c’est un processus qui est devenu très flou. Personne n’a trouvé une meilleure façon de faire. Mais on voit que les magazines, les journaux changement leur fonctionnement, les films commencent aussi. Parce qu’il n’y a pas de problème au niveau des artistes et il n’y a pas de problème au niveau du public. C’est ce qu’il se passe entre les deux qui devient confus.
Dans la musique actuelle, il y a un morceau ou un artiste qui t’a marqué récemment ?
B : Il y a une chanson, par un groupe qui s’appelle Phantogram, ça s’appelle “Fall In Love”. C’est le single qu’ils ont sorti de l’album, et c’est vraiment un morceau fantastique.
Dernière question, cette interview sera publiée sur “RockUrLife”, alors qu’est-ce qui rock ta vie, Billy ?
B : Hum… (rires) Je vais dans le jardin. Je rock dans le jardin. C’est ma réponse. Je vais dans le jardin.
Site web : smashingpumpkinsnexus.com