Le premier jour de juin a offert à La Maroquinerie un nouveau sabotage, quelques jours après le concert qu’y donnait les Français de The Earl Grey. Mais promis, cela s’est fait dans le respect et rien n’est cassé, car le respect de l’autre était le mot d’ordre de cette soirée passée en la compagnie des Anglais de Brawlers et des Américains d’Anti-Flag. Nous n’avions pas d’étendard, et encore moins sanglant, mais une chose est sûre, c’est que nous marchions ensemble pour la même cause.
Le concert débute de façon non-conforme, étonnante. En effet, les garçons de BRAWLERS entonnent a capella des “you belong to me, you belong to me”, avant de faire exploser les baffles. Il n’en faut pas plus pour faire naitre l’ambiance dans la salle, et ce, à l’étonnement du petit chanteur au bonnet rouge qui s’exclame à la fin de la première musique : “wow, nous avons conduit onze heures pour être ici et…vous êtes là ! Bon, disons nous tout, qui est là pour Anti-Flag ?” et de continuer face aux cris insuffisamment puissants à son goût “c’est bien, mais ce n’est pas assez. Qui est là pour voir ces p*tains d’Anti-Flag ? Merci d’être là en tous cas ! Merci d’être présents, si beaux et si bien habillés. J’adore Paris pour cela. Ceux qui ont une boisson, levez vos verres ! Très bien. Maintenant, si vous vous intéressez à la mode, baissez-le !”, un nombre assez conséquent de verres se baissent, ce qui leur vaudra un “ah, la capitale de la mode, j’adore vraiment cette ville, de la part de Harry Johns (chant). Et puisque l’heure est aux confessions et à la rigolade, il continue, après quelques chansons, de déclamer son amour pour les Parisiens : “j’adore jouer ici, simplement parce que vous ne vous prenez pas la tête. Je vais vous raconter une anecdote qui s’est réellement passée il y a quelques semaines : nous étions en train de faire notre soundcheck, et l’ingénieur du son nous a interrompu pour nous dire que peut-être nous jouions un peu trop fort… Vous imaginez ? Je vous mets au défi de dire ça à Anti-Flag ce soir ! Je paye six shots à ceux qui le feront ! Je vais finir ruiné, je le sens”, ce qui déclenchera les rires de la salle. Continuant son numéro, il enchaine “Vous buvez, à Paris ? Oui ? Mais nous ne sommes que lundi ! Oh attendez… C’est vraiment lundi ? Un p*tain de lundi ? Je n’ai pas besoin de vous le dire pour que vous sachiez ce que représente le lundi… Oh allez, F*UCK MONDAY ! Criez-le avec moi ! Oh, je vous trouve bien trop polis, vous me faites penser à des Anglais… Je veux dire, cela peut être bien dans certaines circonstances, mais là…” en ajoutant “surtout lorsque l’on porte un T-shirt Slayer” en montrant un fan, ce qui déclenchera des “F*CK YOU” amusés de part et d’autre de la salle. Afin de sceller la proximité avec son public, le vocaliste descend dans la fosse pour les pistes suivantes, et profite de l’instant pour faire sa promotion spéciale “Nous sommes justes quatre gars normaux, on ne va pas vous faire un gros spectacle avec des lasers dans les yeux et tout, mais si vous nous aimez, vous pouvez acheter notre CD, et si vous n’aimez pas…allez vous faire voir ! … Non je rigole. Allez, high five à tous ceux qui veulent. Et d’ailleurs, faites en autant avec vos voisins, même si vous ne les connaissez pas. Et maintenant, des câlins ! Allez !”
Sur ces bonnes paroles, le groupe laisse la place aux tant attendus ANTI-FLAG. Malgré la demi heure d’entracte, la salle reste chaude, marquée par l’engouement suscité par Brawlers. A peine les pieds sur scène, les musiciens font surchauffer la fosse, et bondir ses fans à coups de “killer! liar!”. Avant toutes salutations, la bande somme son public de brandir leur signe de paix, à savoir l’index et le majeur levés au ciel. Non, ce ne sont pas des extraterrestres, ils ne viennent pas d’un autre monde, mais comptent bien changer celui-ci par leurs rêves pacifistes, et c’est pourquoi ce signe passe avant toutes choses. Malgré le chaos qui semble régner dans le pit qui pogote, surmonté de slammeurs, le respect est présent. Il n’est pas question de blesser qui que ce soit, et cela se voit. Toutes les chutes ont été rattrapées, et plusieurs excuses ont été présentées lors de bousculades un peu trop violentes. C’est d’ailleurs ce que demandera le bassiste Chris #2 -que nous avons récemment interviewé : “j’aimerais que ce soir, nous nous respections tous entre nous, et que tout le monde s’aime les uns les autres”. Avant d’ajouter plein d’enthousiaste : “c’est un honneur pour nous d’être dans une pièce dans laquelle il n’y a aucun racisme, aucun sexisme, ni aucune homophobie ou quelconque discrimination. MERCI BEAUCOUP !”. Sont ensuite lancés des “away away I can’t get away” qui seront repris par la salle entière, avant que le leader Justin Sane ne demande à nouveau que tout le monde lève son signe de paix, et d’entamer “This Is The End (For You My Friend)”. Plusieurs fois, il sera possible de voir la formation lancer la bouteille d’eau, fraîchement ouverte, afin de ne pas laisser leurs fans assoiffés. Parce qu’avec Anti-Flag, nous sommes tous égaux. C’est pourquoi il convient qu’il n’y ait pas de drapeau, car cela identifie, divise. Ce soir, que nous ayons dix ans ou cinquante, cela n’avait pas d’importance, que nous soyons en costard, looké punk, ou en jeans-baskets, cela ne comptait pas. Il fallait être soi, être entier, et surtout être humain et respectueux des autres. La soirée n’a vu aucun accro, le son fort n’a dérangé personne, et tout le monde semblait s’amuser. Les plus jeunes, tout comme les plus âgés, laissaient transparaitre comme une envie de se joindre à la folle jeunesse qui se bousculait, et certains ont brisé la frontière de l’âge pour se joindre à eux. Parce qu’après tout “no future” n’était pas la devine, mais bien plutôt “vivons l’instant présent”. C’était concert qui s’est vécu à fond, cinq ans d’absence rattrapés en une petite soirée. Les garçons ont su faire vivre un esprit punk comme il n’en existe presque plus. Rien n’était en trop, rien ne manquait, il n’y avait que l’énergie positive d’un combo qui aime ce qu’il fait, et qui respecte l’humanité, dont ses fans font partie. Ils aiment la vie, toutes les vies, et cela se ressent. Ils souhaitent secouer le monde, et en faire un lieu de tolérance et de respect, et c’est exactement ce qu’il s’est passé ce soir : beaucoup de bousculades, de force, un décrassage comme il se doit, mais le tout, dans le respect, afin de créer des moments d’amitié, de complicité et surtout d’amusement entre les êtres humains que nous étions.
Le show aura donc été un succès, aussi bien pour la première partie que pour la tête d’affiche. Entre rires et bonne musique, le copinage et les messages forts, tout y était. Mais surtout, tout cela respirait l’humanité et l’amour de son prochain, qui est aussi son égal. En tous cas, ceux qui étaient présents ont été pris en FLAGrant délit d’amusement.
Setlist :
Turncoat
Fabled World
The Press Corpse
Death Of A Nation
Sky Is Falling
Broken Bones
Fuck Police Brutality
All Of The Poison, All Of The Pain
This Machine Kills Fascists
This Is The End (For You My Friend)
Underground Network
1 Trillion Dollar$
911 For Peace
I’d Tell You But…
To Hell With Boredom
Cities Burn
—-
Hymn For The Dead
Brandenburg Gate
Die For The Government
Drink Drank Punk