Pour les amateurs de rock, la journée du dimanche des Eurocks était la plus attendue. En effet, si le genre n’a été que peu représenté la veille, aujourd’hui il était bien présent et dans toutes ses déclinaisons : le metal avec Mass Hysteria et Kvelertak, le stoner avec Red Fang, le hard rock de Graveyard, le punk avec Palma Violets, la noisy pop avec My Bloody Valentine, ou encore le post metal avec Neurosis. Avec une telle programmation, pour les festivaliers rockers venus quatre jours, la programmation du samedi peu portée sur le rock était finalement une bonne aubaine pour se reposer et attaquer la dernière ligne droite sans être trop fatigué.
Ayant séché le concert électro de DA OCTOPUSS, les festivités commencent à 16h sur l’esplanade de la Green Room avec le groupe PALMA VIOLETS. A l’allure des quatre hommes qui entrent sur scène, on se dit que le groupe rock qui était prévu au programme n’est peut-être pas si rock que ça. La chemise fleurie du guitariste que notre très cher Carlos national n’aurait pas renié, y est pour beaucoup dans cette première impression. Néanmoins, dès que les premiers riffs sortent, notre jugement était peut-être hâtif et que l’habit ne fait pas le moine. Même si à cette heure-là peu de gens sont déjà sur le festival, la formation parait très motivée et ne semble pas avoir envie de faire un concert au rabais. Donnant tout, le bassiste espère très certainement que le public est prêt à faire de même quand il lui demande de faire un circle pit. Mais visiblement soit il a oublié que la chose est peu rependue hors du cercle metalleux et donc qu’il ne s’est pas adressé à un public de connaisseurs, soit les gens ne sont pas suffisamment motivés, quoi qu’il en soit, en réponse à cette requête les festivaliers se contentent de sauter.
Après cette petite mise en bouche bien sympathique, direction la plage où les choses bien intéressantes vont s’y dérouler avec le concert de GRAVEYARD. Pour ceux qui ne connaissaient pas le quatuor, la première vision des musiciens (quatre blonds aux cheveux longs et raides) ne laisse aucun doute : on a affaire ici à des hommes venus des pays du nord. Plus précisément, Graveyard est un groupe hard rock suédois avec un son aux résonnances blues, heavy metal et psychédéliques. Les spectateurs sont nombreux à être venus écouter en live des titres issus des trois albums que le combo possède à son actif. Visiblement ces hommes du nord ont quelques notions de français -ou tout du moins connaissent des mots bien utiles- puisque après un final explosif, lorsqu’ils quittent la scène, le bassiste Rikard Edlund lance un “vive le vin rouge, vive la bière, vive l’amour, au revoir !”.
La suite du festival se passe maintenant à l’opposé du site, au Club Loggia où se produit un autre groupe venu lui aussi tout droit de Scandinavie : les norvégiens de KVELERTAK. Le plus souvent, leur prestation se résume, sur scène, à trois guitaristes qui jouent à fond, un bassiste lui aussi bien motivé, un batteur qui tape fort et un chanteur qui n’arrête pas de headbanger. Et de l’autre côté de la scène, c’est un public très compact, un pogo brulant et des slammeurs à gogo qui sont parfois rejoints par le chanteur Erlend Hjelvik qui vient lui aussi surfer sur les festivaliers. Il est à noter que visiblement les compères présents sur scène n’étaient pas les seuls norvégiens du festival ce jour-là puisqu’un grand blond, juché sur les épaules d’un compère, a traversé toute la foule armé d’un immense drapeau du pays pour venir le brandir au pied de la scène.
Dans le même temps, sur la Green Room THE VACCINES devait s’y produire, mais en raison d’un soucis de transport, concernant leur matériel, leur set aura environ une heure de retard…
Le concert de Kvelertak à peine fini, il faut déjà filler pour aller voir MASS HYSTERIA. Le quintette français n’est pas étranger sur le territoire de Belfort puisqu’après être venu en 1997, 1999, 2001 et 2005 c’est aujourd’hui leur cinquième passage aux Eurockéennes. Un peu plus tôt dans la journée, en conférence de presse, Mouss, frontman du groupe, confiait que Mass Hysteria était un groupe très scolaire et que la recette d’un concert réussi était la même que celle d’une dissertation réussie : “une bonne introduction, une bonne conclusion et après, au milieu, on rattrape comme on peut”. Une autre clé de réussite délivrée par le chanteur de ne pas utiliser trop d’artifices mais plutôt de “mouiller le maillot”. Tous ces bons conseils, la formation les mettra donc en application dès 18h45 sur la scène de la plage. D’entrée, il sera possible de sentir un frontman et des musiciens très proches du public. Mouss s’adresse comme à son habitude à l’assemblée, le nouveau bassiste du groupe Vincent Mercier (originaire de la région) brandit bien haut le drapeau franc-comptois et le batteur Raphaël Mercier se plaint de ne pas assez entendre le public. Les deux moments de communion les plus forts entre le groupe et son public sont très certainement d’abord lorsque Mouss explique aux festivaliers qu’il va, avec ses compères, descendre au milieu de la fosse et qu’alors les festivaliers tourneront autour d’eux en courant, en précisant “ça s’appelle un circle pit”. Et que dans la minute qui suit les musiciens descendent effectivement rejoindre le public comme ils le font très régulièrement depuis le Sonisphere 2011. Alors comme prévu, tout l’auditoire se met en mouvement, remuant par la même une quantité de sable impressionnante qui génère un large nuage de poussière au-dessus de la fosse. Le deuxième moment est lorsque le chanteur invite les “furieuses” à monter sur scène sur “Respect To The Dancefloor”. En parlant des titres joués, ajoutons : “World On Fire”, “Pulsion”, “Positif A Block”, “L’homme S’Entête”, mais aussi un bref extrait de Metallica et de Prodigy. Comme d’habitude, un message politique fort en faveur de la culture est distillé pendant tout le concert. A ce sujet, on notera qu’on est bien loin ici de l’image donnée des metalleux par “Le Petit Journal” lors du Hellfest. D’ailleurs, les membres de Mass Hysteria nous ont confié que lors du Hellfest les équipes de Canal+ les avaient approché avant leur concert et leur avaient demandé s’ils pouvaient, lorsqu’ils seraient sur scène le dimanche, demander à l’ensemble des festivaliers de “montrer leurs culs”. Demande que Mass Hysteria a bien évidement rejeté, ne cautionnant pas la stigmatisation des metalleux véhiculée depuis plusieurs années maintenant par Yann Barthes et ses équipes. Le concert fini en apothéose avec le traditionnel braveheart sur “Furia”.
A la fin de ce show brulant, direction la Green Room pour le concert de TAME IMPALA. Après ce que nous venons d’entendre et de voir, le son expérimental empruntant à la musique psychédélique proposée par les australiens semble bien fade.
A 21h sur la Grande Scène, c’est une tornade rock qui débarque. Cette dernière nous arrive tout droit d’Angleterre et est menée par la chanteuse Skin et ses compères musiciens de SKUNK ANANSIE. Dès son arrivée sur scène, la frontwoman se met à bouger, courir et sauter de partout. Comme à son habitude, elle porte une tenue très originale. Il s’agit en l’occurrence pour cette fois d’une combinaison à paillettes rouge, très moulante, qui la recouvre du cou aux chevilles. Sur celle-ci, pendant les deux premiers titres du concert, elle porte une “veste” difficile à décrire. On peut juste dire de cette “veste” est très bouffante et de couleur noire. Et, comme si cela ne suffisait pas, pour rajouter encore une touche d’originalité à sa tenue, la chanteuse porte des Doc Martens argentées à pics. Au-delà de l’intérêt esthétique de cette tenue, ses vêtements présentent un autre avantage : ils permettent de repérer rapidement la chanteuse hyperactive : un coup elle est à droite de la scène, un autre coup à gauche, elle part chahuter Ace (guitare), pour ensuite se frotter les fesses sur les caméramans et puis la voilà déjà au pied de la fosse en train de taper dans les mains des spectateurs des premiers rangs. A deux reprises Skin vient même au cœur de la fosse. La première fois pour slammer -ou plus exactement pour chanter debout sur le public. La seconde sur, “Little Baby Swastikkka”, où à trois reprises, elle demande à l’ensemble de la foule de s’accroupir, elle fait de même et ensuite encourage tout le monde à sauter d’un coup comme un seul homme. La setlist de Skunk Anansie se compose bien évidemment des plus grands succès des années 90 mais également des titres du nouvel album “Black Traffic” sorti il y a quelques mois. Ainsi pêle-mêle citons “Heddonism”, “My Ugly Boy”, “Lately”, “ Weak”, “ I Can Dream” , “Spit You Out” ou bien encore “Yes It’s Fucking Political”.
On reste en Grande-Bretagne avec le concert qui suit puisqu’il s’agira des irlandais de MY BLOODY VALENTINE qui se produisent pour un peu plus d’une heure sur la Green Room. Là aussi le contraste est frappant entre l’énergie débordante d’une Skin en perpétuel mouvement et l’attitude des musiciens, ici, sur scène qui sont connus pour leur immobilisme en concert. Pour les néophytes la singularité du son de groupe : de la noisy très mélodieuse est une grande surprise. Pour les connaisseurs, c’est un régal.
Alors que les concerts n’ont cessé de s’enchainer depuis le début d’après-midi, à 23h30 vient alors le moment attendu par tout le public : le concert de clôture du festival où se produit la tête d’affiche de la journée (pour ne pas dire la tête d’affiche de ces quatre derniers jours). Apres, Skunk Anansie, c’est donc un autre groupe anglais qui a marqué la génération des années 90 qui va prendre place sur la grande scène : BLUR. Il s’agit ici de l’unique date française des anglais qui, comme les Eurocks, souffle cette année leur 25 bougies. Avec “Girls And Boys”, le fer de lance de la britpop fait une entrée en scène fracassante. Dès les premières notes, l’ensemble du public se met en mouvement. Damon Albarn est également déchainé. Comme un écho au clip de la chanson dans lequel, rappelons-le, on voyait des jeunes gens faire la fête dans une piscine, chaque fois que revient le refrain de la chanson, le chanteur s’amuse à asperger frénétiquement les premiers rangs du public. La suite du concert va être une alternance de morceaux tout aussi agités que cette première chanson et d’autres moment beaucoup plus calmes qui sont l’occasion pour le groupe et pour tout le public de reprendre ses esprits. Parmis les morceaux interprétés, “Parklife”, “Country House”, “Beetlebum”, “For Tomorrow”, “Caramel”, “There’s No Other Way”, “Coffee & TV”, “This Is A Low”, ou encore “Tender”. C’est dans les moments plus posés que les festivaliers peuvent se rendre compte de la simplicité du groupe. Les quatre légendes de la pop sont loin de se prendre au sérieux : le frontman a qui il manque une dent, porte tout simplement un jean et un T-shirt, le bassiste, Alex James, pour sa part, a certes sorti la chemise blanche mais la porte avec un bermuda et est pieds nu, quant à Graham Coxon (guitare) c’est la coiffure qui laisse à désirer. Pendant ces 90 minutes de show, Damon Albarn s’adresse à plusieurs reprises aux festivaliers, notamment pour leur rappeler qu’ils étaient déjà là il y a dix-huit ans. Ce concert majestueux se clôturera par un “Song 2” chaud bouillant.
Dans la demi-heure qui suit, un grand feu d’artifice embrase la presqu’île du Malsaucy et clos en beauté cette 25ème édition du festival.
Alors que les deux premières tentatives de passer de trois à quatre jours (en 1992 et 1999) n’avaient pas été des succès, pour leurs 25 ans, Les Eurockéennes auront réussi à rassembler 127 000 festivaliers, soit plus que nécessaire pour assurer l‘équilibre financier de l’évènement. Visiblement la politique de l’organisation que Jean-Paul Roland (directeur du festival) a résumé en conférence de presse, en disant que pour cette anniversaire il n’y avait pas une volonté d’inviter “une tête d’affiche qui écrase tout le reste de la programmation, mais (plutôt de proposer) une programmation simple et cohérente, dans l’esprit du festival”, a séduit le public. Au-delà des chiffres, ce qui est à retenir est que pendant ces quatre jours, l’ensemble des éléments garants d’un festival; que le public n’oubliera pas de si tôt et qui donnent envie aux festivaliers de revenir l’an prochain, étaient réunis : un très beau site, une météo idéale, une très belle ambiance et une programmation qui a fait la part belle au rock sous toutes ses formes !
Crédit photos : Nicko Guihal