Le week-end dernier se tenait le Mondial Du Tatouage au 104, une édition attendue depuis une dizaine d’années par tous. C’est un public dense qui se presse à l’entrée de la Rue Curial dans le XIXème arrondissement de Paris.
Vendredi 22 mars
A peine arrivés, nous sommes déjà dans l’ambiance. Les espaces s’articulent autour de la verrière centrale, les 270 meilleurs artistes tatoueurs du Globe sont présents, des shops entiers sont représentés (“La Leu Family”, “Black Heart Tattoo”, “La Cour Des Miracles”, “Mystery Tattoo Club”…). Il y en aura pour tous les goûts tant le panel d’artistes présents est varié, old school, réaliste, maori, tatau, japonais… Mêmes les antipodes sont présents avec les Borneo Head Hunters, tatoueurs malaisiens présentant les ornements traditionnels des tribus de l’archipel indonésien.
Le vendredi est déjà bien rempli autant dans les allées autant que sous la peau. La douce musique des dermographes en action est soutenue par la voix profonde de Mr Pascal Tourain, aka l’homme tatoué, à mi-chemin entre l’aboyeur royal cocasse et le commentateur sportif. Tin-Tin et Piero ont mis les petits plats dans les grands, rendant accessible au plus grand nombre ce qui était autrefois l’apanage des marginaux. L’organisation n’a rien laissé au hasard, tout est fait pour que les visiteurs se sentent dans les meilleures conditions possibles, stands reliés à l’univers du tatouage, espaces professionnels, de multiples bars pour éviter la cohue, parking à poussettes…
Se déroulant sur trois jours de midi à 23h30 (vendredi et samedi) et 19h30 le dimanche, les après-midi sont ponctués de défilés de tatoués présentant leur pièce dans diverses catégories. Un bon moyen de découvrir l’esthétique d’un tatoueur présent lors de cette convention. Des prix sont attribués par un jury composé de membres de l’organisation, de tatoueurs de renom, et aussi bien de personnalités françaises telles que Manu Da Silva.
Les soirées sont rythmées par des concerts, et ça commence très fort le premier soir avec LES PRODUCTEURS DE PORC. Le groupe officiel de la Présipauté du Groland se produit sur scène en revisitant les grands classiques du punk et du rock ! Son altesse sérénissime et immensité le président est bien entendu sur scène jouant du cor de chasse et scandant l’hymne nationale de notre bien aimée présipauté. C’est gros, c’est lourd, c’est carré, c’est grolandais d’aucun diront. On se régale de cette énergie punk au second degré. Le public est au rendez-vous, scandant mots obscènes et vindicatifs aux Producteurs De Porc dans la plus pure tradition inoculée par la chaîne cryptée tout au long de ces années. Bienvenue à Groville ! Un set qui impressionne et qui prouve que même pour déconner il faut être professionnel. Une première journée qui se clôt et de bonne augure pour la suite des évènements.
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Samedi 23 mars
C’est sous un temps printanier que le 104 se réveillent des festivités de la veille. Nul besoin de lutter pour se frayer un chemin en cette fin de matinée. En effet, les happy few qui ont eu la bonne idée d’acheter leur pass en prévente, se voient admis dans l’enceinte du Mondial à partir de 11h et non 12h. Une bonne occasion pour pouvoir s’intéresser plus au travail de tatoueurs repérés la veille, de discuter avec les membres du SNAT (syndicat national des artistes tatoueurs, fondé par Tin-Tin), de prendre le temps de s’immerger doucement dans ce qui s’annonce être une journée intense. Le lieu en est devenu si familier que l’on se surprend à saluer des gens rencontrés la veille comme de vieux copains de classe. Serait-ce un des aspects du tatouage que l’on oublie ? Le communautarisme. Une journée à la hauteur des espérances, les artistes rencontrés sont ravis, les visiteurs se massent dans les méandres des stands, curieux, afficionados, motivés pour se faire encrer, toute ce petit monde forme des bosquets infranchissables au travers desquels il faut se frayer un chemin d’une manière ou d’une autre. Les artistes rencontrés nous font part de leur satisfaction. Une unanimité rarement vue sur d’autres conventions. Les heures défilent à un rythme échevelé et déjà la nuit tombe et il est temps de se diriger vers la scène pour deux concerts prometteurs.
Le premier groupe à investir le spot est THOMPSON BEAT. Un power trio de blousons noirs, gominés et cachés derrière leur Ray Ban.Un groupe rockab/psycho arborant fièrement l’inimitable perfecto. Des riffs noyés dans la reverb ondulent de la scène vers le public situé en contre bas de la mezzanine où le groupe est installé. Majoritairement instrumental, les Thompson Beat font revivre la fièvre greaser en y ajoutant une touche de modernité avec un voicing newave. Ç’est efficace et soutenu, le quatuor se chauffe peu a peu sur la scène du Mondial Du Tatouage, la rythmique implacable et les guitares 60’s sont un cocktail détonnant. Un live qui donne envie d’enfourcher sa moto et de partir à travers une rue désertique en fuyant les rayons du soleil ! Le public semble peu réceptif cependant et c’est dommage tant cela pouvait être prometteur, peut être que l’envergure de la situation y fait pour quelque chose… A voir dans une cave humide et sombre ou club bondé, until then… Les Thompson Beat nous ont offert un set de qualité et ont créé la surprise dans le revival rock. Un groupe à suivre donc pour un public averti et qui sera pour la musique et non le divertissement.
Le second groupe à envahir la scène se nomme BURNING HEADS. Du pur garage/punk overdrivé tombe parfaitement sur le 1 de la cavalcade cyclique du 4/4 rock n’roll. Des chansons aux lyrics engagés, des riffs saignants, une rythmique tranchante comme la lame d’un coupe chou. C’est gras et c’est bon ! La rapidité d’exécution musicale se balade entre punk rock et reggae. On notera la dédicace à Piero, co-organisateur avec Tin-Tin de ce Mondial. “Menotté Comme Un Criminel”, un titre dub/rock à la ligne de basse assassine réchauffe cette froide soirée de la fin mars. Le quatuor s’offre à un public réceptif, la rampe centrale s’échauffe enfin. De bonnes surprises offertes ce soir ! De la dub au punk presque grunge, les Burning Heads ont porté leur musique aussi fièrement que leur tatouages. Une deuxième journée qui se termine, il est temps de rentrer dans ses pénates ou de se diriger à l’after party tenue ce soir à la Féline, bar rock de Ménilmontant.
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Dimanche 24 mars
Le dimanche se présente sous les meilleurs auspices, la fréquentation a été record sur les deux premiers jours, les mines sont fatiguées mais arborant un fier sourire. Dernier jour et démontage du lieu oblige, ce dimanche finira après l’apéro. Couvre-feu à 19h30, il est donc temps de prendre son RDV tardif avec l’un des 270 tatoueurs présents pour se faire un petit souvenir indélébile.
Il est 15h30 et les choses s’activent sur scène. Aujourd’hui c’est DEMI MONDAINE. Un quatuor rock parisien dont on entends de plus en plus parler. Le public profitant de ses derniers instants communautaires est bien présent. Le groupe arrive sur scène, des musiciens ultra lookés et une chanteuse vêtue d’un cat-suit uber sexy perchée sur de hauts talons argent pailletés. Rentrons dans le vif du sujet. Le premier titre soul/rock diffuse un gros groove. La voix de Béa est secondée par la guitare pleurant ses riffs et lignes lead. La batteuse offre une rythmique tout en nuances et laissant imaginer une simplicité hors pair. Les morceaux s’enchainent et l’énergie de cette formation irradie la verrière. Un titre en français, “Paris Sous La Neige” surprend au milieu d’un répertoire anglo-saxon. Béa se transforme en la fille issue des amours saphiques entre Piaf, Patti Smith, Debbie Harry et Courtney Love. La parfaite alternative à un dimanche après-midi morne et triste pour cette quatrième journée de printemps. Sans conteste un vrai groupe de rock qui s’offre aux visiteurs du Mondial Du Tatouage. Tout juste revenus d’une date suisse partageant l’affiche avec Alice Cooper et Black Rebel Motorcycle Club, le combo semble posséder une énergie shamanique, Béa saute sur les caissons de diff, et se love telle une panthère, ce n’est pas pour rien qu’elle et son compagnon ne soit autre que les tauliers d’un des vrais bars rock de Paris : La Féline. Une cover de “Phantom Of Paradise” rend l’atmosphère dingue. On notera notamment une reprise punk de “L’Hymne A L’Amour” de la Môme et “Private Parts”, qui n’est autre qu’une chanson offerte à Demi Mondaine par l’iguane, Mr Iggy Pop, qu’il avait enfanté du temps des Stooges et qui n’étais jamais parvenu à nos oreilles avant ce jour.
C’est sur les derniers défilés de tatoués que ce Mondial Du Tatouage 2013 s’achève.
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Un opus qui restera dans les annales tant tout s’est passé sans heurts. Des résultats prometteurs après cette décennie d’absence. L’édition de 2014 est d’ores et déjà attendue. Nous remercierons toute l’organisation, les artistes présents, les bénévoles et autres intervenants pour leur accueil, leur sympathie et le temps qu’ils ont pu accorder çà et là. La seule ombre au tableau sera de notifier que Le Mondial Du Tatouage a été victime de son succès et qu’à certains moments un claustrophobe serait tombé en apoplexie à certaines heures de la journée. C’est la peau encrée et les oreilles bien nourries que le public évacue le lieu en se donnant rendez-vous l’année prochaine.
Crédit photos : Serge Tenani, Virginie Schmidt et Jennifer Wagner