Une édition de Rock En Seine sans pluie, ce n’est pas Rock En Seine. Après les averses en fin de journée de la veille qui auront perdurées toute la nuit, il fallait s’en douter. Pour ce dernier jour du festival, on retrouve donc un Domaine de Saint Cloud sous la pluie et dans la boue. Fort heureusement, la programmation fera très vite oublier ce changement climatique entre vendredi et dimanche.
Notre journée commence à 14h30 avec TEMPLES, premier groupe à jouer. Alors que les parapluies, K-way et autres ponchos envahissent les premiers rangs, un vent de rock psyché souffle sur la Grande Scène. Les quatre britanniques chevelus, emmenés par James Edward Bagshwa (chant/guitare) et (guitare/claviers), distillent un rock psyché, à la fois rétro et moderne. Rétro pour le look pop vintage des 60’s et moderne pour l’instrumentation garage et expérimentale. A noter la présentation en live du nouveau single “Keep In The Dark”.
Direction ensuite la Scène Cascade pour SURFER BLOOD. Démarrant avec un léger retard, le quatuor floridien, qui n’était pas revenu dans la capitale depuis son concert à La Flèche d’Or en 2011, se présente à la foule avec son accent US : “Bonjour nous sommes Surfer Blood” avant “Floating Vibes”, un titre qui tombe plutôt bien vu la météo ! Hormis les quelques applaudissements et acclamations, la sauce power pop ne semble pas prendre auprès du public. Il faut dire que ni le temps, ni l’heure leur sont favorables. Les musiciens se contentent de faire le job tandis que la voix de John Paul Pitts ne suit plus et déraille au bout de quelques chansons (sur seulement dix morceaux joués !) et ce dernier se voit obligé d’hurler, ce qui n’est pas vraiment agréable.
16h05, retour sur la Grande Scène pour les compatriotes de Temples, THE COMPUTERS. Le quintette, vêtu en costumes bordeaux, chemises blanches et cravates noires, réveille enfin les quelques festivaliers avec un rock n’roll vintage, teinté de blues et de soul, le tout avec une énergie punk rock joviale. Une formation qui n’est pas censé rappeler The Hives. Si ces deux groupes ont en commun costumes, jeu de scène et l’attitude déjantée, The Computers se distingue des suédois par le son garage et rockabilly tout droit sorti des 70’s ! Excellente communication, bon retour du public, un bon set foutraque d’une heure en somme ! Pas tellement original mais divertissant !
On décide de traverser tout le Domaine de St-Cloud non sans mal, entendant le rappeur MAC MILLER au loin sur la Scène Cascade. Le temps de faire un petit coucou à nos amis de Vita Coco, on arrive à l’exposition Rock’Art, dont nous avions assisté au vernissage à la station de métro Duroc (rebaptisée Du Rock pour l’occasion) au mois de juin. Alors qu’une douzaine d’affiches étaient placardées dans la station de métro durant une semaine, ce sont l’intégralité des soixante visuels par soixante artistes et dessinateurs qui sont visibles tout au long des trois jours de Rock En Seine. Les illustrateurs proposent ainsi leur propre vision de l’univers des groupes invités sur l’édition 2013.
Direction le coin VIP de la scène Pression Live, juste à temps pour assister à la prestation de MS MR avec une bonne pinte de Kronenbourg* ! Le duo new yorkais, formé par Lizzy Plapinger (MS) aux cheveux verts et mèches rose/orange, vêtu d’une veste en cuir et un pantalon à motif tête de mort, et Max Hershenow (MR), est épaulé d’un claviériste et d’un batteur en live. Rythmes aériens et raffinés, lorgnant vers la new wave, textes tentés de romantisme sombre et voix cristalline, les mélodies électro pop à la Florence And The Machine, envoûtent de nombreux festivaliers massés devant la scène. Sans surprise, le seul et unique album “Secondhand Rapture” sera interprété dans sa quasi totalité et terminera sur le tube “Hurricane”. Même si les versions studio sont indéniablement meilleurs qu’en live, MS MR avoue que ce concert est de loin “le meilleur de ces deux mois de tournées”. Néamoins, l’une des découvertes de cette 11ème édition.
Après avoir fait une visite éclair de l’oeuvre de Claire Boucl, fabriquée avec une multitude de branchages récoltés sur le site et assemblés en un solide maillage évoquant les ondulations aquatiques, on quitte La Vague pour se frayer un chemin parmi tous les festivaliers pour atteindre à l’autre bout, la Scène Industrie.
17h50, c’est maintenant au tour de IS TROPICAL. Malgré leur enthousiasme et un certain dynamisme, Gary Barber, Simon Milner et Dominic Apa peinent à convaincre les festivaliers. Il faudra attendre l’arrivée sur scène de Kristie Fleck sur “Dancing Anymore”, dont la vidéo a buzzé il y a quelques mois pour que la performance du trio anglais, dominée par l’omniprésence des claviers et des cordes, décolle.
Tandis qu’on assiste à la conférence de presse bilan du festival tenu par les organisateurs François Missonnier, Christophe Davy et Salomon Hazot, on entend d’une oreille la prestation de EELS sur la Grande Scène. Tous vêtus de survêtements Adidas bleus identiques, le groupe emmené par Mark Oliver Everett alias E, la cinquantaine, proposera même une version revisitée du “Let It Be” des Beatles renommée à l’occasion “Let It E” !
18h45, “Allez là Paris !”, s’écrit comme à son habitude le charismatique leader Mat Bastard avant “People In The Shadow” avec en toile de fond le logo du groupe illuminé. La pelouse de la Scène Cascade est pleine à craquer. Après une tournée française de deux ans pour “Can Be Late“, les lillois de SKIP THE USE finissent donc en beauté à St-Cloud avant d’entrer en studio pour enregistrer un nouvel album ! Même si la prestation est plus ou moins identique aux précédents concerts (avec en prime un public s’asseyant dans la boue !), on notera néanmoins une surprise que STU a réservé aux parisiens avec une reprise survoltée de Nirvana, non pas “Come As You Are” comme aux Eurockéennes De Belfort, mais “Smells Like Teen Spirit” , comme au Zenith De Paris quelques mois plus tôt !
Non loin de là, nos chouchous parisiens de BLACKFEET REVOLUTION se produisent dans l’Espace Ile-De-France. Benoit Portolano (chant/guitare) et Fred Wissler (chant/batterie) font parties des neuf formations prometteuses de la scène francilienne. C’est donc sous un chapiteau bien garni que les Blackfeet présenteront leur tubes “Blackfeet Boy” mais aussi le dernier EP cinq titres “Blackfeet Revolution” paru en 2012. Le set se finira par “Little Suzy”.
Un peu de douceur dans ce monde de rockeurs avec la prestation intimiste de LIANNE LA HAVAS sur la Scène Industrie, alors que la majeure partie des festivaliers assiste au show de THE BLOODY BEETROOTS sur la Grande Scène. Seule à la guitare, la chanteuse anglaise, seulement âgée de vingt-deux ans, en robe blanche et talons compensés, est accompagnée sur scène d’une choriste et d’un batteur. Une Alicia Keys version soul avec une touche de folk à la voix douce et touchante !
21h50, MAJOR LAZER donnera le show WTF de ce Rock En Seine pour le plus grand bonheur des fêtards invétérés : des couleurs, des écrans géants avec des animations, confettis, poupée gonflable à l’effigie de G.I Jah, personnage fictif crée par le DJ et producteur Diplo, danseuses sexy, et même un ballon géant dans lequel le leader du trio s’est balladé dans la fosse ! De gros beats bien gras, mêlant rap, électro, jungle, reggae, se succèdent, parmi lesquels sont parsémés ici et là de covers de Sean Paul, Nirvana ou encore The Prodigy, entre deux de ses propres titres dont ceux de “Free The Universe”. Le clou du spectacle sera l’apparition surprise du phénomène belge actuel Stromae sur son tube “Papaoutai” repris par toute la foule. en délire. Une vraie fête !
Après un tour au stand argentin histoire de reprendre des forces, direction LA tête d’affiche, qui a permis d’écouler tous les billets du festival, SYSTEM OF A DOWN ! Inutile de dire que pour ce concert unique en France, la majorité des festivaliers répond à l’appel du metal (pas étonnant vu le nombre incalculable de T-shirt SOAD depuis le début de la journée !), la pelouse de la Grande Scène étant noire de monde. Pas de bol pour V V BROWN et TRICKY qui jouent au même moment. 21h45, les lumières s’éteignent et les premiers accords de “Aerials” grondent, les fans exultent et entonnent déjà en choeur, ce qui ne s’arrêtera plus durant l’heure et demi de show. La scène est recouverte de trois tapis persans éclairée de façon minimaliste. Serj Tankian (chant) en costume noir, Daron Malakian (guitare), élégant avec son chapeau et costume noir également, Shavo Odadjian (basse), plus décontract’ en maillot de football américain “22” et un John Dolmayan (batterie) qui a pris de la gonflette comme son ami Daron, livreront un set best of revisitant les tubes de leur cinq albums studios, du frénétique “B.Y.O.B” en passant par le cultissime “Chop Suey”, “Radio/Video” ou encore “Psycho” (avec une reprise de Donna Summer “I Feel Love” par Daron). Les ballades telles que “Lost In Hollywood” ou “Lonely Day” sont également au programme ! Malgré quelques soucis de retour pour le frontman en début de set, les musiciens se montrent davantage en forme que durant les deux Bercy en 2011 et ne se contentent pas d’enchainer les tubes. On notera par exemple la complicité entre les membres, que les fans pensaient avoir perdu depuis les quelques récents évènements autour d’un potentiel nouvel album. Mais aussi des moments imprévus dans une machine pourtant bien rodée, comme le “Joyeux Anniversaire” de Serj que reprendra le public, destiné à un des roadies du quatuor avant “Question!”. Contents d’être à Paris, les américano-arméniens n’hésiteront pas à communiquer et plaisanter avec l’audience, infatigable après tant de pogos et slams. Même si au milieu du set, les festivaliers connaissent cependant un coup de barre, le rythme reprendra sur les trois derniers morceaux.
Avant “Cigaro”, le backdrop avec inscrit le logo de SOAD se dévoile enfin, ce titre de “Mesmerize” sera suivi d’une déclaration du chanteur à la ville lumière avant le tube “Toxicity” : “Oh Paris je t’aime !” Sur ce titre éponyme du second album studio (2001), Daron demandera la formation de trois “ferocious circle pit”. Le set de vingt-trois chansons finira en apothéose sur l’un des premiers morceaux du groupe, “Sugar” enclenchant un gigantesque mouvement de foule dans les premiers rangs ! 23h, le show, tout en puissance, s’est passé à une vitesse folle, le terrain de la Grande Scène devient un véritable champ de bataille boueux sur lequel on retrouve encore les traces d’une guerre qui vient d’éclater !
C’est dans un état de grande fatigue après avoir sué toute l’eau de notre corps que nous quittons, sales, le Domaine de St-Cloud mais heureux !
Malgré des conditions météorologiques peu favorables à l’exception de la première journée, cette édition 2013 de Rock En Seine a, une nouvelle fois, battu son record d’affluence avec 118 000 festivaliers sur trois jours (contre 110 000 l’an dernier). 18 000 forfaits trois jours se sont écoulés, les samedi et dimanche sold out avec 40 000 billets vendus chaque jour, 38 000 pour le vendredi. Autre constat, sur les 56 groupes éclectiques du line up, allant du rock en passant par l’électro, le rap ou le reggae, vingt-sept d’entre eux défendaient cette année un premier album ou EP. Cette 11ème édition est indéniablement placée sous le signe de la découverte. Enfin, autre bonne nouvelle, malgré la crise économique et l’arrêt de la participation au financement du département des Hauts De Seine (265 000 euros de subvention) et grâce au succès de ce crû dont le budget s’élève à 6,5-7 millions d’euros (72% de recettes de billetteries, 8% de subventions, 15% de partenariats privés et 5% de recettes annexes (vente de T-shirts, boissons…)). Il y aura bel et bien un Rock En Seine en 2014, toujours dans les jardins dessinés par Le Nôtre !
*L’abus d’alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération.