Alors que le temps était clément vendredi, avant l’omniprésence de la pluie samedi, c’est dans un Hippodrome De Longchamp marécageux que nous entamons la troisième et dernière journée. De la gadoue, certes mais surtout le retour du soleil et quelques gouttes en plus, mais rien de bien méchant comparé à la veille pour la journée la plus rock de Solidays !
Surprise, l’appel de Luc Barruet, directeur-fondateur de Solidarité Sida a enfin été entendu depuis l’an dernier et à la conférence de présentation de cette 16ème édition début juin. Effectivement, après Bill Gates le premier jour, c’est donc au tour du Président De La République, François Hollande himself, entouré de Christiane Taubira, Jean-Paul Huchon et de Jack Lang, de débarquer à Solidays. Une grande première pour un président en fonction. Cette visite surprise a donc quelques peu fait paniquer le service de presse du festival, qui a organisé tant bien que mal son arrivée. Conséquence : le coin média est entièrement privatisé durant deux bonnes heures, au cours desquelles Hollande, arborant de nouvelles lunettes pour l’occasion, aura pris le temps de remercier les bénévoles en assurant “quoi qu’il arrive” le maintien de la contribution française au Fonds mondial dans la lutte contre le sida, fait un tour les stands de Solidays, mais aussi posé pour des selfies avec des festivaliers dans une ambiance bon enfant. Normal. Un geste symbolique de la part du chef de l’Etat.
TRIGGERFINGER (Paris) – Retour à la musique alors que la pluie fait son apparition, Ruben Block, Mr Paul et Mario Goossens, tous en costumes comme toujours, débarquent en faisant le signe du metal, avant d’entamer un premier extrait du dernier album, “By Absence Of The Sun” paru début 2014. Ce sera d’ailleurs la chanson titre qui sera le morceau suivant, “collant parfaitement au temps”, dixit le charismatique frontman. Alors que la foule se dandine timidement au départ sur ce son se situant entre rock n’roll, blues et stoner, les trois belges ne se laissent pas abattre pour autant, enchainant les poses pour le plus grand plaisir des photographes. En fond, aucun backdrop particulier, mais seulement une toile blanche/argentée. A force de faire participer le public pour frapper des mains, ce dernier se réveillera enfin, et éloignera également la pluie. Quelques rayons de soleil font enfin leur apparition, le show démarre finalement ! Grosse ambiance devant la grande scène de Solidays. Même si Ruben avoue avoir un petit peu trop fait la fête la veille et n’est pas au top de sa forme, le trio assure vocalement (“My Baby’s Got A Gun”) mais aussi techniquement comme le solo de Mario, toujours en train de faire le pitre derrière son kit ! La plupart des festivaliers tomberont sous le charme de cette énergie brute, à la fois rock et sensuelle, qui n’est pourtant pas à son premier coup d’essai, ayant joué plus tard en 2012.
FFF (Bagatelle) – 17h, la chaleur musicale électrisante de Triggerfinger ayant ramené le soleil, direction la scène voisine pour voir la formation de l’un des parrains de Solidays, Marco Prince, qui sera cette année, de l’autre côté de la scène. Cheveux dressés sur la tête, le chanteur, au look totalement déjanté, lunettes colorés sur le nez et kilt, est “heureux d’apporter le soleil”. Sur scène, ce dernier est accompagné de Yarol Poupaud (guitare), Nicolas Baby (basse) en tenu blanche tel un apôtre, Krichou Montieux (batterie), mais aussi des cuivres, sans oublier le clavier. D’entrée de jeu, le sextette demandera au public mais aussi aux photographes de s’asseoir dans la boue, ayant remplacé l’herbe du terrain, avant de de jumper ensemble. Ce qui n’est pas chose aisée… En faveur de la diversité culturelle et engagé contre le racisme, Marco Prince & Co appelleront à foutre le bordel en “réveillant le négro en toi” sur “Niggalize It” ou encore à “emmerder le FN”. Le grand retour de la Fédération Française de Fonck, fait plaisir à voir, avec un frontman très en forme, n’hésitant pas à piquer une tasse dans la fosse ! Une vraie fiesta, qui va bien au-delà des styles et des générations. A noter l’apparition sur scène de l’humoriste Claudia Tagbo, autre marraine de Solidarité Sida, mais aussi celle des soeurs de la perpétuelle diligence dont se souviendra Marco Prince ! Belle énergie communicative !
PATCHWORK DES NOMS (Paris) – Autre moment incontournable chaque année, Solidays se fige dans le temps et rend hommage à tous ceux qui sont décédés du sida, en présence des proches des victimes et des personnalités comme Sébastien Folin, Maïtena Biraben ou encore le président d’honneur de l’association, Antoine De Caunes, qui liront une liste de prénoms des victimes, tandis que sont déroulés de grandes banderoles. Emouvant.
VANESSA PARADIS (Paris) – 19h, dilemme du jour : aller voir Vanessa Paradis sur la scène Paris ou l’une des révélations française de 2014 ? Comme on est des warriors, on ira aux deux. Tout d’abord, on notera la présence surprise de Benjamin Biolay, producteur du dernier album “Love Songs” qui ne quitte plus l’ex de Johnny Depp, dont le sourire est reconnaissable entre mille. Biolay démontrera tous ses talents de multi-instrumentistes, changeant d’instruments au fil des chansons de ce show très millimétré, simple et efficace.
CHRISTINE AND THE QUEENS (Domino) Pas le temps de s’y attarder, Christine et ses Queens ont déjà entamé leur set sous le chapiteau bleu et rouge. C’est dans une tente blindée d’hipsters qu’Héloïse Letissier, de son vrai nom, proposera une performance scénique unique dans laquelle la danse tient une part importante. En compagnie de ses deux danseurs (les Queens) en costard, l’interprète de “Nuit 17 à 52” entamera des chorégraphies, un peu trop kitch, trop 90’s, mais qu’importe, l’interprétation, aussi théâtrale que touchante, des textes du premier album “Chaleur Humaine” séduit, même s’il est dommage de ne pas avoir prévu d’écrans sur les côtés de la scène pour mieux avoir une meilleur visibilité.
GIRLS IN HAWAII (Dôme) – Les indie rockeurs originaire de Belgique offriront aux festivaliers un live propre voir un peu trop, en partie inspiré du dernier album “Everest”, à la croisée de Radiohead et de leurs homologues de dEUS. Dommage que le son était moyen. En espérant que le prochain passage en novembre à La Cigale sera mieux.
METRONOMY (Paris) – 21h, Au moment du coucher du soleil, des nuages roses apparaissent en fond de scène. Il y a du monde, beaucoup de monde pour assister au set du quatuor anglais. Mais avant, les festivaliers auront droit à un habituel spot de prévention diffusé sur les écrans géant. Un pénis court après des vagins qui refusent tous de forniquer avec lui, car ce dernier n’est pas protégé par un préservatif, sous les applaudissements de l’assemblée. Place au concert : Les membres, tous en costume blanc, avec chemises/cravates et robe pour la batteuse/chanteuse, livreront une pop dansante, avec les tubes “Love Letters” ou encore “The Look” sans grande conviction. Le minimum syndical. Pour bouger les foules, ce n’est pas ça mais qu’importe, il y a déjà une ambiance peace and love dans la fosse. On se croirait à Woodstock ou Coachella !
WOODKID (Bagatelle) – Sur l’intro, c’est tout un orchestre, composé de cuivres, de cordes, de machines, qui envahit la scène, avant l’apparition de Yoann Lemoine. L’homme barbu tatoué à la casquette, proposera l’un des shows les plus épiques de cette édition avec sa pop symphonique aux multiples influences. La scénographie est impressionnante, les vidéos projetés en noir et blanc, combinées à la voix de Woodkid, instaurent un côté cinématographique aux morceaux de “The Golden Age”, dont la longueur ferait penser à du progressif. La musique, à fleur de peau, qui prend aux tripes, pour les uns, dépressive ou trop conceptuelle pour les autres, mais quoi qu’il arrive, ne laissera aucun festivalier indifférent. Une expérience sensorielle hypnotique, à la limite du culte religieux au vu du silence de l’auditoire et de la grâce du réalisateur converti en chanteur, à la voix douce et posée. Toutes les émotions y passent. Un spectacle grandiloquent à la hauteur d’une tête d’affiche pour clôturer Bagatelle de façon magistrale, qui aura fait vibrer les festivaliers.
SKIP THE USE (Paris) – Tous les festivaliers de l’Hippodrome de Longchamp se dirigent vers la grande scène pour le headliner, Skip The Use, qui aura la tâche de clôturer cette 16ème édition. Un jeu d’enfant pour ce groupe dont les concerts sont toujours un moment punk rock et festif à souhait. Alors que la foule se masse, celle-ci est déjà chaud bouillant, les chansons paillardes (Ch’Nord oblige !) et autres “Skip The Use ! Skip The Use !” fusent. Mat Bastard et ses acolytes débarquent sur l’habituelle intro avant “30 Years Ago”, ouvrant également le second album “Little Armageddon“, largement représenté ce soir. D’emblée Mat court partout sur la scène et ne cessera d’haranguer le public, faisant chanter et sauter. Fidèles à eux-mêmes, les rockeurs lillois retournent Longchamp une dernière fois à coup de tubes comme “Nameless World” ou encore “Give Me Your Life” sur laquelle le leader demandera aux festivaliers de faire une “image forte de Solidays” : “Est ce que vous êtes prêts à risquer votre vie ? Est-ce que vous êtes prêts à mourir ?”, hurle le chanteur. Selon les consignes de ce dernier, le public obéira et se déplacera tous à l’unisson. Une énergie toujours aussi bouillonnante qui aura retourné l’Hippodrome de Longchamp ! Comme la veille avec Rodrigo Y Gabriela, Skip The Use rendra également hommage à Metallica en entonnant les premiers riffs et refrain de “Seek & Destroy” avant une chanson. On ne pouvait rêver mieux que Skip The Use pour terminer le festival sous le signe du rock.
Quoi c’est déjà fini Solidays ? Ces trois jours sont passés à vitesse grand V ! L’édition de tous les records. Du 27 au 29 juin, les trois jours de solidarité auront permis de rassembler 175 237 festivaliers (contre 170 000 l’an dernier) autour de lutte contre le sida et de la qualité musicale éclectique. Grâce à ce record de fréquentation, les organisateurs ont ainsi pu récolter 2,2 millions d’euros de bénéfices, qui seront reversés aux associations luttant contre le VIH et accompagnant les victimes du sida. Cependant, seule point sombre : Solidarité Sida ne sait toujours pas sur quel site se tiendra la prochaine édition du festival, l’Hippodrome de Longchamp devant fermer pour travaux.