Dans la famille des groupes de rock psychédélique japonais, on connaissait déjà Flower Travellin’ Band ou les plus récents Acid Mothers Temple. Au sein de cette scène qui s’exporte tant bien que mal, il va désormais falloir surveiller Kikagaku Moyo, une bande de cinq chevelus qui réussit depuis 2012 à doser sans prétention rock et folk des années 1970 avec des touches extrême-orientales. Dès la sortie du très bon “Forest Of Lost Children” en 2014, ils avaient reçu des échos positifs venant de l’Europe et des Etats-Unis. Leur quatrième album, enregistré à Lisbonne avec le musicien de jazz Bruno Pernadas, devrait leur permettre de se hisser encore plus haut.
Les musiciens signent une entrée en matière soignée avec “Entrance”, où l’auditeur se trouve directement plongé dans un univers de sons mystiques, entre sitars et percussions. “Dripping Sun” ne creuse pourtant pas cette veine et engage l’album dans des sonorités plus rock, avec ses huit minutes pendant lesquelles se répondent des envolées électriques et rythmées et de longs moments plus apaisants, voire carrément relaxants, où on peut sentir les musiciens se faire plaisir avec leurs instruments. Fondé d’ailleurs à l’origine pour être un jam band, les Japonais se concentrent avec ce nouvel album sur des compositions plus rigoureuses mais non dénuées de souplesse. C’est particulièrement le cas avec les morceaux les plus enjoués de l’ensemble comme “Gatherings” aux relents de krautrock, et “Fluffy Kosmisch” dont les dernières minutes se perdent dans une irrésistible accélération de tous les instruments.
Les longues parties instrumentales contribuent à poser l’ambiance planante et sereine qui règne de bout en bout. Maîtrisant l’art de la répétition, les musiciens évitent l’écueil de la monotonie grâce à des morceaux plutôt courts, ne dépassant que rarement les cinq minutes, et à des nuances bien placées, comme le jeu de guitares de “Nana” et son solo de sitar final. Mais dans les quelques titres où les voix paraissent prendre plus de place que le reste, comme dans “Nazo Nazo” et “Orange Peel”, la mélodie de la langue japonaise et le timbre doux et neutre du chant principal et des choeurs participent tout autant au sentiment de tranquillité qui traverse tout le disque, qu’on l’écoute en fond ou qu’on soit véritablement concentré sur la musique.
“Masana Temples” est probablement de l’effort le plus abouti des Japonais à ce jour. Avec des compositions hypnotisantes et soigneusement travaillées, il s’écoute comme un petit voyage spirituel qui pourrait se dérouler dans une autre réalité que la nôtre.
Informations
Label : Gurugru Brain / PIAS
Date de sortie : 12/10/2018
Site web : geometricpatterns.bandcamp.com
Notre sélection
- Dripping Sun
- Orange Peel
- Gatherings
Note RUL
3.5/5