“Sempiternal” étant incontestablement l’un des albums les plus attendus de l’année, Oliver Sykes et Jordan Fish sont donc venus passer une journée dans la capitale pour nous le presenter quelque peu. Oli nous recoit donc dans sa chambre d’hotel en milieu d’après-midi pour répondre à nos questions.
Hey, pour commencer comment vas-tu ?
Oliver Sykes (chant) : Ca va super et toi ?
Ca va merci ! Content d’être de retour à Paris ?
O : Ouais mec !
Bon, nous voilà arrivé à votre quatrième album et vous continuez à vous renouveler tout en gardant votre touche Bring Me The Horizon. Aucun de vos albums ne se ressemble jusqu’à présent, est-ce la volonté première lorsque vous composez un nouvel album ou est-ce naturel ?
O : C’est un peu des deux ! Tu as raison, pour commencer on se dit toujours qu’on doit innover, on ne sait pas comment on va le faire mais on va le faire. On jam ensemble, on partage des idées et c’est un processus assez long car on ne sait pas où on va mais petit à petit on y arrive. Pour ce nouvel album, on a accueilli un nouveau membre, Jordan. Au début il nous donnait simplement un petit coup de main pour les parties électro. Au final, sa qualité de travail nous a apporté tout ce qu’on avait toujours attendu jusque là et cela avait un réel impact sur les nouvelles compositions qu’il a fini par rester avec nous !
Effectivement, cela fait un moment que les parties électroniques prennent de plus en plus de place dans votre musique. Peut-on en savoir un peu plus sur le thème de l’album et l’univers autour de “Sempiternal” ?
O : “Sempiternal” signifie “éternel”. C’est tout le processus qui suit un album, chaque chanson est différente et apporte une chose particulière, c’est une étape dans l’évolution de l’album. Les onze titres de l’album sont onze étapes à franchir mais tout tourne autour d’un seul et même but. Pour ma part, “Sempiternal” est une façon d’accepter ce que je suis. Il y a des choses en moi que je n’aime pas mais que je ne peux pas changer, je me dois donc de les accepter pour pouvoir avancer. Je pense qu’on a tous, au fond de nous, des choses que l’on aime pas et qui peuvent nous détruire si on se focalise trop dessus. Pour moi ça été ma façon de sortir de la, j’ai considéré cette partie de moi comme sempiternelle, je ne peux pas la changer alors je dois faire avec et trouver un juste équilibre. Tu retrouves cet esprit dans l’artwork qui représente tout ce qu’il y a dans l’univers, plein de parties assemblées les unes dans les autres. Il fallait donc que j’accepte cette idée là pour que je puisse aller mieux.
En parlant d’artwork, il y en a un qui est sortie en même temps que “Shadow Moses”, on retrouve d’ailleurs cet esprit d’assemblage dont tu nous parles n’est-ce pas ?
O : C’est très compliqué à expliquer car c’est très conceptuel. En fait, on a fait un artwork pour chacune des chansons de l’album. C’est une interprétation artistique de la musique, c’est comme quand tu regardes un film et qu’on te demande de quoi il s’agit et ce que tu en as pensé, tu l’interprète à ta façon. On a travaillé avec un artiste belge qui nous a représenté visuellement ce qu’il entendait, il a retranscrit l’émotion qu’il percevait dans notre musique. Celui de “Shadow Moses” est le plus abstrait mais les autres seront beaucoup plus perceptibles. On s’est vraiment compris sur ce qu’on cherchait à faire passer et c’était une superbe expérience.
Après quelques écoutes on a eu l’impression que l’album avait été fait en deux fois, une première partie qui rappelle l’album precédent, “There Is A Hell Believe Me I’ve Seen It, There Is A Heaven Let’s Keep It A Secret” dans la composition et les parties électroniques, et une seconde partie vraiment nouvelle où l’on te découvre au chant clair. Est-ce que je me trompe ?
O : Je pense effectivement que les deux choses qui caractérisent l’album sont les parties électroniques qui sont vraiment beaucoup plus travaillées et le chant clair. On peut même croire à l’arrivée d’une nouveau chanteur dans le groupe.
D’où t’es venu cette idée de travailler ton chant clair ?
O : On est allé tellement loin musicalement, dans la composition, dans les guitares et les autres instruments sur l’album précèdent que j’ai estimé que c’était à mon tour de repousser mes limites. Rien que sur un aspect technique, on voulait pouvoir écrire ce style de passage épique et mélodique, même des sortes de ballades et les incorporer à cette musique. On a du réfléchir à la façon d’y arriver, ça a été très compliqué pour moi parce que je n’avais jamais fait ca. Ca m’a demandé beaucoup de travail et vous pouvez maintenant écouter le résultat.
Ton scream est lui aussi en constante évolution n’est-ce pas ?
O : Partout où on compose et où l’on enregistre, on doit faire face à différentes conditions qui peuvent être épuisantes tant pour soi que pour la voix elle-même. Cette fois-ci j’ai fais très attention, la préserver tant que possible. Evoluer dans un lieu sain et passer du temps à travailler m’a permis de pouvoir oser plus, je contrôle bien mieux ma voix à présent. Encore une fois, c’est une histoire de cercle vicieux, si tu es dans un environnement positif tu obtiens le contrôle de bien plus de choses que si tu passes ton temps à sortir à droite, à gauche. Ca affecte tout ce qui t’entoure donc le simple fait que je sois dans un lieu favorable au travail m’a permis toutes sortes de choses physiquement, mentalement, je pouvais pousser mes idées au maximum tout en restant très confiant. Mon scream reste agressif mais est à présent bien plus clair, plus propre, on peut plus aisément comprendre ce que je dis et je peux à présent faire passer beaucoup plus d’émotion.
Ca semble réussi ! Vous aviez annoncé cet album aux influences “post rock”, on l’a retrouvé dans ce coté “ambient” avec des influences “Metal Gear Solid” bien exposés dans “Shadow Moses”, d’où vous est venu cette idée ?
O : C’est vraiment due à l’arrivée de Jordan. Sa créativité en musique électronique nous a vraiment ouvert des portes qu’on ne pouvait pas ouvrir avant. On avait les idées avant son arrivée mais pas la technique pour le faire donc, s’il avait été là dès le début on aurait surement essayé ça plus tôt donc on en a alors profité. Et bien entendu, on est des gros fans de jeux vidéos et c’était une sorte d’hommage à “Metal Gear Solid”. (rires)
Quelle est ta chanson préférée de l’album ?
O : C’est vraiment difficile de répondre à ce genre de question mais je dirais “Can You Feel My Heart”. Je suis vraiment pressé de pouvoir la jouer en live parce qu’elle est vraiment différente et elle m’est très personnelle.
Dans le processus d’écriture, vous prenez en compte le rendu live aussi ou cela se fait a posteriori ?
O : Sur certains plans on y pense en amont mais c’est assez aléatoire. Bien sûr, sur des titres comme “Antivist”, “House Of Wolves” et “Go To Hell, For Heaven’s Sake” on fait en sorte que le public puisse reprendre les choeurs.
En revenant sur cette envie de créer quelque chose qui n’avait jamais été fait auparavant, d’où tires-tu tes influences, quels artistes t’inspirent ?
O : Je pique un peu de tout partout. Je pense que la clé pour ne pas s’enfermer dans un style, voire même ne pas écouter du tout de metal. Il ne faut pas se mettre de barrière, écouter de la plus pop des pop jusqu’à du hip hop, de l’électro ! Je n’ai aucune restriction musicale. Je pense que certaines personnes prennent un malin plaisir à catégoriser la musique et te laisse croire que si tu écoutes du rock et du metal tu n’as pas le droit d’écouter telle ou telle musique, personnellement je m’en fous. Si j’aime une chanson de Britney Spears alors je vais prendre ce que j’aime bien dans cette chanson de Britney Spears et je vais tenter de l’amener dans une chanson de Bring Me The Horizon. Je pense que t’ouvrir musicalement t’apporte énormément de créativité.
En tout accord avec ton discours, ça reste malgré tout surprenant de voir Britney Spears collé à Bring Me The Horizon ! (rires)
O : Tu serais vraiment surpris de connaitre certaines de nos influences. (rires)
Sinon, un des grands changements pour ce nouvel album, votre signature chez RCA. Qu’est-ce que cela va vous apporter ?
O : Nous avons atteint nos limites avec Visible Noise. Ils ont fait énormément de choses pour nous mais on était arrivé au maximum de nos possibilités avec eux, ils ne pouvaient plus nous offrir d’autres choses que ce qu’on avait déjà. Rien que des expériences comme aujourd’hui, venir en France pour faire la promo de l’album on aurait jamais pu envisager cela auparavant ! On l’a perçu comme une façon de pouvoir continuer à faire ce que l’on aimait à une échelle encore plus importante. Au début j’étais plutôt inquiet des intentions d’une major mais lors de la signature, ils nous ont tout de suite rassuré en nous précisant qu’à leurs yeux on était aussi important que Metallica. Nous même on y croyait pas ! On nous a laissé tout le contrôle sur nos projets, simplement le soutien financier est nettement plus important pour envisager des clips et toutes sortes de démarches du genre. Cela n’a pas d’impact sur la musique, cela va juste nous permettre d’atteindre nos fans plus rapidement.
Après avoir abordé le sujet de la major, on aurait aimé avoir ton avis sur la situation du disque ces derniers temps avec les cas Virgin et HMV ?
O : Pour être franc, ça m’effraie un peu mais je pense que c’est simplement la direction que prend la société actuelle. Ensuite, en tant que musicien, ca reste très important pour moi de voir la finalité de mon travail sur un CD, tenir l’objet et contempler l’artwork, avoir les paroles dans un livret mais d’un autre coté, je me dis que le vinyle fait son comeback donc rien n’est fait. Le coté puriste reprend peut-être le dessus. C’est vrai que même Apple a arrêté d’inclure les lecteurs CD dans ses ordinateurs, ça n’aide pas non plus et c’est triste mais on ne peut rien n’y faire. C’est l’évolution, on est passé de cassettes à des CDs et maintenant on passe des CDs aux mp3, on ne peut pas l’arrêter mais juste essayer de l’accepter et fonctionner avec. Si les kids n’achètent plus nos albums mais, dans le même temps, leur permet d’acheter un ticket pour venir nous voir en concert, alors cela me me va d’autant plus ! Ce n’est pas quelque chose qui m’énerve ou qui me rend malade, j’ai accepté cette idée que les choses allaient dans ce sens.
Est-ce que cela change donc votre façon de travailler ?
O : Cela ne nous a jamais directement atteint dans le processus de composition. On compose des albums afin de pouvoir faire des tournées, on ne compose pas des albums dans le but premier d’en vendre en masse.
Comment justifiez-vous alors ce désir de faire un artwork pour chacune des chansons de l’album par exemple ?
O : On fait ce qu’on peut pour continuer à entretenir l’importance du CD. Le visuel, on va aussi ajouter des chansons gratuites qu’on ne pourra se procurer nulle part ailleurs qu’en achetant le CD, des messages particuliers qui sont passés dans les livrets que tu ne retrouvera pas en ligne. On cherche à donner des raisons à nos fans de continuer à acheter les CDs parce qu’on reste convaincu qu’il est important d’avoir l’objet physiquement. J’adorais me dire que plein de personnes pourront avoir l’album mais je peux aussi comprendre que chacun ne peut pas forcement se le permettre.
D’accord ! Bring Me The Horizon va prochainement souffler sa dixième bougie, vous avez joué sur les plus grandes scènes, dans les plus grands festivals, auprès des plus grands artistes à travers le monde, quels rêves vous reste-t-il ?
O : Je n’ai jamais eu vraiment de rêve à proprement parler. Le fait de rêver de quelque chose, le désirer au plus profond de soi peut amener à la déception alors que si tu te laisse surprendre par les événements c’est d’autant plus agréable. Cela fut une énorme surprise pour nous de voir le groupe grossir de plus en plus et on en est super content. On a franchit toutes les étapes et espère simplement que cela va continuer.
Et si tu devais citer des groupes actuels que tu affectionnes particulièrement ?
O : Il y en a plusieurs. Il y a un groupe pop anglais assez récent qui s’appelle Everything Everything qui sont très bons. J’aime beaucoup Bonobo qui est assez nouveau pour moi. Jordan a des connaissances en musique électronique beaucoup plus importantes que moi et il m’a permis pas mal de découvertes. En ce qui concerne notre scène, je citerais We Are The Ocean avec leur nouvel album qui super, ils ont de quoi devenir très gros.
Justement, en ce qui concerne la musique électronique, vous avez été surement dans les premiers à tenter de populariser la dubstep avec le remix de “Suicide Season” et à tourner avec des groupes comme Tek-One par exemple. Que penses-tu de ce qu’est devenu la musique dubstep aujourd’hui ?
O : Je pense que c’est cool pour la dubstep ! C’est hyper agressif et je pense que c’est pour cette raison que les personnes appartenant à notre scène apprécie. Ensuite bien évidemment, cela mène à des excès, c’est comme avec la nourriture, si tu veux aimer ce qui est épicé tu vas cherché de plus en plus épicé, et là c’est pareil. Donc, on a exagéré tout ça, on a donc laissé place à pas mal de mauvaises choses aussi mais je pense que dans l’ensemble ca reste très cool ! Dans notre musique par exemple, tu n’as pas de dubstep a proprement parler mais il y a des parties qui sont très inspirées du groove dubstep, des passages très lourds, certains breakdowns ne sonnent pas comme des breakdowns typés hardcore mais plutôt dubstep. Ensuite il y a une façon de faire les choses, certaines personnes incorporent de la dubstep dans leur musique simplement parce que ça donne un “coté cool”, mais ce n’est pas la conception que j’ai de la musique.
Concernant le live, vous revenez en France cet été dans le cadre du Sonisphere. Vous êtes contents d’être de retour ? Est-ce que vous allez venir faire quelques dates en salle avant la période des festivals ?
O : Il me semble qu’on va venir faire quelques dates dans les alentours un peu avant oui. J’adore jouer en festival, face à des milliers de personnes, mais lorsqu’on joue dans des petits clubs on retrouve une proximité et une chaleur tellement particulière. Il reste important pour nous de pouvoir faire les deux.
Et en abordant le sujet du live, sans vouloir paraître déplacé, je me sens obligé de te demander ce qu’il s’est passé lors de votre dernière date en headline à Paris, au Bataclan ?
O : Aucun problème ! Quand je t’ai expliqué que dans la conception de l’album je m’étais énormément remis en question et que j’étais passé par une période très noire, cet événement fait partie de cette période. J’étais au mauvais endroit, au mauvais moment. Je ne pourrais pas vraiment t’expliquer ce qu’il s’est passé dans ma tête, je ne m’en souviens pas vraiment parce que j’étais dans un très mauvais état. J’ai de gros blackouts de cette période, je sais juste que ce que je faisais à ce moment là n’était pas bon. Encore plus particulièrement pour la date parisienne, c’est un des pires moments de ma vie. Ce que je peux juste dire aujourd’hui c’est que je suis vraiment désolé, cet épisode fait maintenant partie du passé.
Merci ! Pour finir, notre webzine s’appelle “RockYourLife!” donc : qu’est-ce qui rock ta life ?
O : Qu’est-ce qui rock ma life ? La Xbox !
Site web : bringmethehorizon.co.uk