Il rocks sa vie et Scorpions en fait tout autant ! Nous avons eu le plaisir de rencontrer le seul et l’unique Rudolf Schenker, quelques jours avant la sortie du nouvel album, “Return To Forever” !
Bonjour Rudolf ! Comment vas-tu ?
Rudolf Schenker (guitare) : Ah très bien ! Car nous n’arrêtons pas de recevoir des retours à propos de l’album et c’est tout simplement extraordinaire ! Japon, Nouvelle-Zélande, Australie, l’Asie et l’Amérique du Sud, ils sont totalement surpris et c’est une très bonne chose. Suite à notre tournée d’adieu, c’est une manière d’en profiter à nouveau avec ce retour dans les bacs. Nous n’étions pas certains que cela arrive mais le fil de nos vies en a décidé autrement. C’est à la fois très surprenant mais cela nous a une fois de plus incité à être encore plus créatif, sortant de la routine dans laquelle nous étions à savoir studio/album/tournée etc. et tu ne t’en rends certainement pas compte mais toi qui pensait gravir les marches, il en était tout autre en fin de compte. Voyant à quel point nous étions importants pour nos fans et vice versa, c’était juste incroyable. Voir ces gens pleurer à notre arrivée à l’aéroport, nous offrant des fleurs, c’est fou ! Lorsque MTV est venu pour la session unplugged, nous avions également un album composé de titres bonus et voilà qu’il est temps de fêter les cinquante ans du groupe. Il était impensable de ne pas les fêter sachant que peu de groupes ont atteint cette longévité mis à part The Rollings Stones, The Who et The Beach Boys. Venant d’Allemagne, il y a tellement à faire ! Nous aurions eu beaucoup trop de regret à faire l’impasse sur cet événement.
“Return To Forever” est votre nouvel album. Tout d’abord peux-tu nous dire davantage à propos de sa dénomination ?
R : Chaque semaine nous avions une nouvelle idée à proposer à la maison de disque et la confusion était au rendez-vous. “Tous ces titres sont superbes mais pas assez encore” puis l’un de nos collaborateurs m’a appelé “Rudolf pourquoi ne pas appelez votre album “Return To Forever”” “Oh !” Le titre de notre film “Forever And A Day” collait parfaitement avec cette idée “Oui pourquoi pas !”. Notre musique vivra à jamais d’où cette déclaration.
Et concernant la couronne qui figure sur la pochette, y a-t-il un lien ?
R : C’est le symbole définissant cinquante années de rock n’roll et d’amitié. Lorsque j’étais gosse, et donc naïf, je pensais à ces quatre/cinq potes voyageant le monde entier et jouant de la musique partout où ils allaient, je trouvais ça juste incroyable. Je voulais faire la même chose. Ayant choisi ce chemin-là, je cherchais de bons musiciens pour m’accompagner mais également des personnes avec lesquelles je pourrais bâtir une solide amitié. Depuis 1965, c’était l’idée fondatrice de ce groupe. Nous avons solidement bâti notre foyer. (ndlr : en référence au titre “We Built This House”)
Vous avez retravaillé d’anciennes démos. Cette manière de travailler n’a-t-elle pas joué sur la vibe des compositions ? C’est à dire qu’un titre composé dans les années 80 retravaillé aujourd’hui, ne serait-il pas dénaturé en quelque sorte ?
R : A l’ origine, nous avions démarré ce projet en simple bonus. Lorsque notre dernière a pris fin, nous voulions offrir quelque chose de spécial à nos fans, quelque chose qui n’est jamais apparu sur un album. Les sessions “MTV Unplugged” terminées, nous avons réécoutés tout ce que nous avions et cela sonnait particulièrement bien et nous sentions une proximité avec notre période la plus créative à savoir la fin des années 70 et le début des années 80. C’était d’ailleurs une sacrée ruse car en sortant de notre routine, écoutant ces vieux titres, rencontrant de vieux fans nous composions déjà avec cet état d’esprit et cette vibe. Néanmoins notre producteur était également très heureux car Mikael Nord Andersson, a grandi dans le nord de la Suède et l’un de ses premiers albums achetés fut “In Trance” (1975) et devint rapidement fan tout en comprenant l’ADN de notre musique. Avec “Sting In The Tail” (2010), il a fait face à notre plus intense “période”. Nous sommes revenus à nos origines à l’aide d’une astuce et celle-ci fit de nouveaux fans, 80%, entre 16 et 28 ans, 80% de 6,5 millions. Ils nous ont permis de rafraichir notre musique et avons maintenant des fans allant de tout âge, sans oublier les anciens bien évidemment.
Avez-vous une fois de plus essayé de réinventer le son qu’avait le groupe dans les années 80 ? Comme tu le disais lors de la sortie de “Sting In The Tail”.
R : Voilà justement pourquoi j’ai parlé de Mikael. Il a étudié notre musique et a défini que si nous composions de cette façon-là, nous étions plus efficaces encore. Dans ce cas-ci, ce fut très naturel et tu sais, lorsque quelqu’un te vois maintenant et observes de vieilles photos qui ont vingt-cinq ans, il devient fou “mon gars, qu’as-tu fait ?” “Change ta veste, met une veste en cuir et ne porte pas ça, met des T-shirts” Tu vois le truc ? “Met des lunettes, oh et ta coupe de cheveux, qu’est-il arrivé ?” “Ok tu te souviens à l’époque, tes cheveux n’étaient pas ainsi, si tu fais comme ça, peut-être que ça irait” En gros, c’est comme à l’époque mais avec des quelques touches modernes et actuelles.
(Regardant notre photographe) Oh tu as des vieilles machines en main ! Un Hasselblad non ? Lors du précédent album, j’avais pris toutes les photos du groupe. J’étais l’homme selfie. (rires) J’activais le timer de l’appareil et ensuite je courrais les rejoindre de l’autre côté pour la photo. (rires)
Quantitativement parlant, combien aviez-vous de démos ? Les choix furent-ils difficiles à faire lors de la sélection ?
R : Nous avions trois CD à disposition. Nous avions déjà sorti deux titres pour un best of destiné au marché américain, en 2002 : “Bad For Good” et “Cause I Love You”. Dans le cas présent, nous avons juste transmis les trois CD à notre producteur en lui disant “écoute, tu connais l’ADN musical de Scorpions, dis-nous quels titres collent avec celle-ci” puis il nous a dressé la liste des titres concernés, nous les avons passé en revue et tout le monde a commencé à changer-ci, changer-ça et voilà le résultat !
Comme tu l’as dit Scorpions souffle cette année ses cinquante bougies. As-tu toujours la même énergie et la même envie lorsque tu entres en studio même après toutes ces années ?
R : Bien sûr ! Comme dit précédemment, les fans tiennent tant à nous, sans parler du succès de notre tournée d’adieu, idem avec le “MTV Unplugged”. Cependant ces années sont maintenant passées. Il est évident que de sortir de sa routine sublime ta créativité, la trame principale était les anciennes démos et nous avons juste amené de nouveaux éléments, sans se forcer, de manière naturelle. Nous avions également de nouveaux titres prêts, mais il y avait tellement que le producteur nous a dit qu’il fallait terminer l’album sous peine de voir sa sortie repoussée.
Quels titres de cet album figureraient dans ton top 3 ?
R : Le top 2, je dirais “We Built This House” c’est l’histoire même de Scorpions. J’aime la façon dont le couplet tend à amener le refrain or ce n’est pas le refrain mais un pré-refrain et j’aime beaucoup son effet à l’écoute. Ce titre est une déclaration forte et un titre rock par excellence ! Ensuite je choisis “Rock My Car” qui date de 1985. Pourquoi ce titre ? Tout simplement car après une tournée, lorsque je rentre chez moi, j’adore prendre la route, en voiture, accélérant comme un fou furieux. (rires) Et enfin, “House Of Cards” et “Gypsy Life”. Cette dernière car cela renvoie à nos vies tout simplement et “House Of Cards” car c’est une superbe chanson que nous avions délaissé alors, en 1999.
La fois passée nous avions interviewé Klaus, lors de la sortie du “MTV Unplugged”. Il nous disait que des discussions étaient en cours avec un promoteur afin que Scorpions joue en unplugged en France, quid de ces plans ?
R : Cela devenait bien trop cher. Le promoteur nous a dit que cela coutait beaucoup trop cher à organiser avec tous les musiciens à amener etc. Mais en voilà une bonne nouvelle : Scorpions était le premier groupe de rock à jouer à Bercy en 1984 et sera également le premier à jouer suite à sa rénovation ! C’est fantastique ! Tu vois, il y a une fois de plus un lien entre le passé et aujourd’hui !
Et d’ailleurs Europe sera de la partie !
R : Oui ! Les Scorpions ont inspiré Europe, je m’en souviens car nous avions les mêmes managers il y a vingt ans. J’adore leur musique et que dire de “The Final Countdown”, elle est remarquable ! Mais cela pose un problème, si tu as une chanson de cet acabit, tu sais qu’il te sera très difficile de faire pareil à moins d’avoir la chance à tes côtés. D’ailleurs je me rappelle de Joey jouant quelques titres en acoustique et nous avions demandé à avoir Europe avec nous lors de notre tournée unplugged en Allemagne, mais le promoteur avait déjà investi énormément d’argent et ne pouvait répondre à cette demande. Nous sommes impatients de démarrer cette tournée !
T’imaginais-tu un jour fêter cinquante années de rock n’roll ?
R : A vrai dire non. J’ai toujours rêvé d’une vie construite autour de la musique, mais je n’aurais jamais pensé faire ça durant cinquante ans ! La fois précédente, nous faisons une interview, Klaus était assis là et le journaliste lui demanda quels étaient nos projets à venir. Dorénavant tout vient à nous. MTV est venu, maintenant les cinquante ans. Après avoir tant fait par le passé, certains projets nous parviennent naturellement entre les mains. La production scénique pour la prochaine tournée sera phénoménale. Nous en avons discuté avec notre maison de disque et nous allons célébrer cela comme il se doit, nous allons jouer quelques titres jamais joués encore, parcourant toute la discographie, ça va être fantastique ! Bien évidemment nous voulons en profiter et la tournée démarre le 1er mai, en Chine ! Fantastique n’est-ce pas ?!
Quid de ta première expérience guitare en main ? T’en souviens-tu ?
R : (Après réflexion) Oui. C’était ma première guitare Framus. Petit, j’avais montré l’image d’une moto à mon père en lui demandant de me l’acheter mais il me dit “tu veux te tuer c’est ça ?! Je ne t’achèterais jamais ça” Puis les Stones et les Beatles sont arrivés, et j’étais à fond dans le football, et je n’arrivais à choisir entre les deux. C’était un dur choix car la musique, c’était le samedi et le football les dimanches. Bref je suis allé voir mon père et je lui ai dit “je veux devenir musicien comme les Beatles et les Rolling Stones, je veux une guitare” et il me dit “Ok, je ne voulais pas t’acheter de moto mais une guitare c’est bon, allons-y”. Puis j’ai commencé à tester la guitare, je n’étais pas sûr de son fonctionnement et je me suis rendu compte que ce n’était pas si facile. Mais ces grands groupes m’ont aidé, motivé afin de créer ma propre musique, trouver les bonnes personnes et la bonne formule voilà pourquoi j’ai entrainé mon frère car je ne voulais pas jouer tout seul. Avant de jouer avec d’autres, j’ai surtout joué avec lui.
Quels conseils donnerais-tu aux jeunes groupes qui ne cherchent qu’à faire du rock n’roll ?
R : Crois en ta personne. Suis tes désirs et trouve les bonnes personnes. Il n’y a aucune raison de faire de la musique en compagnie de connards car le résultat sera mauvais. Il faut que l’osmose soit bonne entre chacun, il faut donc un amitié forte. Les guerres d’égo n’ont rien à faire dans la musique. La musique va de pair avec l’amitié, l’envie et l’âme que tu y mets. Si tu trouves les bonnes personnes, tu composeras la bonne musique, si tu as la bonne musique, tu auras de bons fans. Lorsque tu as de bons fans, tu auras une bonne carrière.
Enfin, une question qui te sera spéciale (ndlr : en raison de son livre) : nous sommes “RockUrLife”, donc qu’est-ce qui rock la vie de Rudolf Schenker ?
R : La vie car elle est si passionnante. Tout ce que tu peux faire durant celle-ci. Par exemple, certaines personnes n’en font pas beaucoup au premier abord mais espère gagner le maximum possible tout de même, et malheureusement au final, ils n’ont rien. Mon père et moi-même cherchions LE parfait boulot. Il me dit d’ailleurs “n’en deviens pas fou, fait quelque chose qui te procure du plaisir et l’argent suivra” voilà une chose très importante. Ma vie m’a toujours rocké, cette façon de croire en mes possibilités, de trouver les bonnes personnes et de vivre cette aventure. Ceux sont les fondations qui permettent de faire du rock n’roll durant cinquante années. La première fois où nous sommes allés jouer en Asie, par exemple, outre l’aspect financier, nous y sommes allés pour l’aventure. Réaliser ce qui semble impossible au premier abord, la créativité t’aidant à cela. Voilà pourquoi je n’ai jamais eu de plan B. Il suffit de croire en soi, la vie est faite ainsi.
Site web : the-scorpions.com/