Lors d’une journée promotion à Paris, RockUrLife a eu le plaisir de rencontrer Amine, accompagné de Reda, tous deux membres du groupe franco-algérien Acyl. L’occasion d’évoquer leur différentes influences et leur nouvel album, “Aftermath”.
Pour commencer, qui est Acyl et quelle est sa signification ?
Amine (chant/guitare) : Donc “Acyl” c’est le mort arabe pour dire “authentique”, qui se traduit un peu par notre musique, qui est une musique très traditionnelle metallisée si je puis dire. Le groupe existe ici en France depuis 2005-2006.
Car vous étiez ailleurs ?
Amine : Oui en Algérie, mais il existait sous d’autres noms. On est arrivé ici, on a reformé un peu le groupe, avec d’autres musiciens qui venaient d’autres projets en Algérie, et on a décidé de lancer Acyl pour continuer sur la même lancée de mon ancien groupe qui s’appelait Mass à l’époque. Du coup, on vit ici en France depuis une bonne douzaine d’années et on se fait plaisir à faire découvrir notre culture à travers notre musique.
Comment vous est venue l’inspiration de mélanger metal et musique traditionnelle algérienne ?
Amine : C’est là où on n’a pas de mérite en fait, dans le sens où, déjà on n’a pas mélangé le metal avec la musique traditionnelle, on a fait l’inverse : on a commencé d’abord par la musique traditionnelle, qui est spontanée chez nous, qu’on a metallisé. Du coup, ça se fait naturellement et spontanément, la musique traditionnelle fait partie de nous comme la variété française chez un français. Même s’il n’est pas fan, il l’a toujours écouté, il l’aura en lui. Pareil pour nous, la musique traditionnelle fait partie intégrante de nous et derrière le metal. Moi personnellement, c’est parce que j’avais faim une fois et je me suis dit “putain j’ai trop faim, j’ai trop la dalle”, je me suis énervé et Reda m’a dit “ah tiens tu peux faire du metal”. (rires) Et voilà, je suis parti dans ce sens-là. (rires) Donc voila, le truc s’est fait par lui-même, c’était très spontané.
Au premier abord, c’est vrai que lorsqu’on pense Algérie on ne pense pas directement au metal. Avec quelle atmosphère et quelles influences as-tu grandi ?
Amine : En Algérie, on a eu une période qu’on a appelé la “décennie noire”, entre 1990 et 2000. C’est une période durant laquelle tout le terrorisme intégrisme, qui prend vie actuellement partout dans le monde, et bien nous on l’a vécu en concentré pendant dix ans. On a eu pratiquement 250 000 morts en dix ans, c’était assez dure. Nous personnellement, c’était notre période d’adolescence. Je pense, mais je n’en suis pas sûr, c’est peut-être ce qui a influencé le fait qu’on s’est peut-être orienté vers une musique qui permettait un peu de s’exprimer de manière intégrale. Histoire d’évacuer certaines frustrations, ou certaines peurs. Dans mon cas personnel en tout cas, pour les autres, je ne pourrais pas m’exprimer à leur place, mais c’était une période assez difficile qui nous a forcement façonné d’une manière ou d’une autre, et qui a fait qu’on a fini par être algérien avec notre musique traditionnelle et de s’exprimer en faisant du metal, bien qu’on ne fasse pas que du metal, car, moi personnellement, je fais encore autre chose. Mais le metal reste quand même, on aime bien le rythme, on aime bien l’énergie, l’atmosphère.
Quelles ont été vos références musicales plus jeunes ?
Amine : Déjà la musique traditionnelle, ensuite, moi personnellement, et je pense que Acyl aussi, le groupe en général, on peut aller du Tool, on passera par Nevermore, on arrivera à Meshuggah. Je pense que ces trois groupes expriment plus ou moins les tendances en matière de metal. Après, en musique traditionnelle, il y a une telle variété chez nous. Là, on a fait un album avec dix titres, avec pratiquement dix styles traditionnelles différents, et on en fera un autre album et on aura encore l’occasion d’en faire dix que ça ne sera toujours pas suffisant.
Quels sont les différents instruments que vous utilisez ?
Amine : L’essence même du groupe c’est de pouvoir présenter une culture à travers sa musique, à travers ses instruments, à travers ses danses, ses personnages. Donc, il est important pour nous de communiquer dessus. Pour les instruments, ça dépend du style traditionnel abordé. Par exemple, il y a un titre sur l’album qui s’appelle “Finga” : ce titre vient d’une musique traditionnelle chaoui. Les Chaouis sont une ethnie en Algérie à l’Est. C’est un style qui est à base de bendir et de gasba, qui est une flûte traditionnelle faite à base d’une sorte de bambou mais pas très large, qui est façonnée de manière traditionnelle, c’est très saturé comme son de flûte, il y a beaucoup de sifflements dedans. Les Chaouis, ce qu’ils font c’est que, tu as la mélodie un peu répétitive et tu as la percussion derrière. Le bendir, c’est une sorte de percussion, on l’a utilisé lors du concert (ndlr : le 5 mars dernier au Petit Bain, en première partie de Eths). C’est une percussion qu’on attrape avec les mains. Dans ce style de musique, on a le rythme, on a ce genre d’instruments, et à partir de là, on cale un style musical dans le metal, c’est pour cela que dans notre musique on a plusieurs style de metal, c’est-à-dire, on peut sauter du djent au prog, au stoner, parce que le metal est défini à la base par le style de musique traditionnelle qu’on utilise. On utilise également des instruments du Sahara, parce que les Chaouis, par exemple, sont un peu dans le Nord-Est. Il y a des musiques du Sahara, utilisées par les Touaregs. Le goumri, une sorte de basse acoustique à trois cordes, tu as aussi des karkabou, des sortes de castagnettes métalliques du Sahara, qui se jouent avec les mains de manière très cyclique, et redondant, qui fait que les gens rentrent en trans. Sinon, il y en a beaucoup d’autres.
Beaucoup de gens l’ignorent mais il y a une scène metal orientale qui se développe énormément depuis ces dernières années. Comment expliquez-vous cela ?
Amine : On faisait du metal dans les années 90, bien sûr on a 22 ans, mais on fait du metal depuis les années 90. (rires) La scène, elle existait déjà avant, en pleine période de terrorisme on faisait du metal. Rien que le fait de faire de la musique à l’époque, tu risquais ta vie, alors faire une musique où tu es en train de gueuler avec des piercings et des tatouages, ce n’était pas très recommandé. (rires) À l’époque, c’était à la vue et aux yeux de tout le monde : quand c’était risqué, c’était risqué, marcher dans la rue était risqué. Comme le disait un écrivain algérien : “quand tu parles tu meurs et quand tu ne parles pas tu meurs, donc autant parler et mourir”. La scène existe, elle a toujours existé, il y a eu un petit creux, mais c’est reparti début des années 2000. On a fait un festival en décembre à Constantine en Algérie. Mais dans les années 90, les festivals existaient déjà comme Cap-Rock, il y avait des groupes précurseurs du metal en Algérie comme Votre Serviteur, il y en avait pas mal. La scène était assez fournie mais ça restait underground, ce n’était pas un metal à grand échelle. Mais la télévision publique faisant passer ce genre de musique, ce qui était assez paradoxal dans les années 90.
Parle moi un peu de “Aftermath”, quelles étaient les conditions d’enregistrement ?
Amine : C’était assez spartiate dans le sens où c’était long, dans le sens où, il fallait aller chercher les musiciens là où ils sont. Il y a d’autres musiques en parallèle, et nous on ne joue pas toutes les musiques, donc il y a beaucoup d’intervenants. Si je fais une musique chaoui, je suis obligé d’aller en Algérie, dans la région des Chaouis pour trouver un musicien là bas. C’est le côté laborieux du truc. Ensuite, tu as le côté proprement metal qui, rien qu’en lui-même, est déjà beaucoup de boulot. Donc on a eu cette étape de travail ici : il fallait enregistrer en Algérie, la partie prise en charge par Acyl Production, on est arrivé ici, on a enregistré chez Frederic Gervais dans les Studios Henosis. Il nous a fait du super bon boulot, on est vraiment satisfait. La combinaison de tout ça, c’est une oreille occidental qui l’a faite, Frédéric Gervais qui a très bien compris les sensibilités de ce qu’on voulait. Après, il nous fallait également une autre spécificité scandinave, pour masteriser on voulait une vision autre, on est passé par les Studio Fredman. Donc on a réussi à le rendre le maximum universel possible, mais avec son aspect très singulier qui est celui d’Acyl.
Qu’évoque-il ?
Amine : Cet album parle de neuf personnages historiques algériens qui ont vécu dans des ethnies différentes, depuis l’Antiquité jusqu’à maintenant. En gros, c’est chacun, ce qu’il a pu faire dans sa vie qui a fait qu’il a influencé qui nous sommes maintenant. “Aftermath”, c’est en gros les conséquences. On voulait dire : voila qui nous sommes à travers l’Histoire.
A quand les prochains concerts ?
Amine : On a un concert le 28 mai, on en aura un autre en septembre. Pour le moment, on se concentre plus sur la mise en place du prochain set. Le prochain clip sortira normalement dans un mois. Mais pour le moment, on est en train de travailler le prochain set, tu as vu l’un de nos concerts, il y a de la danse, il y a pas mal d’instruments, donc on essaye encore de retravailler tout ça, en préparation de la tournée européenne qui est en train d”être mise en place pour la fin de l’année. L’été sera consacré au boulot à proprement dit, au travail scénique.
Notre webzine s’appelle “RockUrLife”, donc tu ne peux pas échapper à cette question : qu’est-ce qui rock ta life ?
Amine : Moi ? Je me fais chier en fait, (rires) je tente des suicides, j’essaye de rentrer ma tête comme ça dans la baignoire mais j’y arrive pa,s parce que j’ai besoin de respirer. (rires) Qu’est-ce qui rock ma life ? C’est dur comme question ! Je pense qu’on est incapable de répondre à ça comme question. Déjà du rock, et… moi je suis un boulimique du boulot, donc je travaille beaucoup dans tout ce que j’entreprends donc du coup c’est peut-être ça qui rock ma life.
Site web : acyl.fr