Bertrand Cantat, Shaka Ponk, Refused, Jack White, The Cure, The Mars Volta, Mastodon et Alabama Shakes partagent un point commun : être invités aux Eurockéennes de Belfort en 2012. Jouissant d’une notoriété croissante à l’échelle internationale, les Eurockéennes parviennent à réaliser ce type d’irrésistibles tours de magie. Pour cette 24ème édition, artistes cultes, succès populaires et révélations underground se sont partagés les quatre scènes montées sur la Presqu’île du Malsaucy – Grande Scène, Club Loggia, Esplanade Green Room et La Plage. Cette année, plus de 100 000 festivaliers se sont déplacés pour festoyer dans la sueur, la pluie, la bière, sous le soleil et avec bonne humeur. Parce que notre conscience professionnelle nous l’a dicté, et parce que nous adorons faire la teuf en Franche-Comté, nous nous sommes rendus sur place pour apprécier la programmation toujours plus pointue et l’atmosphère toujours plus peace des Eurockéennes de Belfort… authentiques depuis 1989.
Belfort, presque 17h. Venus de la France entière, de la Grande Bretagne, et même d’Allemagne, les festivaliers se désaltèrent dans l’une des premières navettes qui les emmènent sur le site des Eurockéennes. Débarquant à l’arrache sous la chaleur caniculaire qui assèche la Franche-Comté depuis un mois, mon photographe et moi nous délectons déjà du cadre de la Presqu’île. Le coup d’envoi de la programmation très axée indé est donné sur la scène de La Plage, montée sur le lac du Malsaucy. Les festivités sont ouvertes par Los Disidentes Del Sucio Motel... que nous ratons. Mais nous avons une bonne excuse pour ne pas nous presser sur la plage artificielle : Omar Lopez-Rodriguez de The Mars Volta nous file rencard pour une interview simple et funky au bord du lac.
Après avoir taillé une bavette avec l’un des guitaristes les plus barrés et pluridisciplinaires des années 2000, nous arrivons suffisamment tôt à l’Esplanade Green Room pour apprécier le live de HANNI EL KHATIB. Classe en toutes circonstances, le californien garde sa veste alors que le thermomètre affiche une température de presque trente degrés. Et son rock pur, hypnotique et sexuel n’arrange rien. Les corps se déhanchent lentement sur “Fuck It. You Win”. C’est le début d’un bon week-end de festival, le début de la saison estivale, et les filles et les garçons en tenue légère s’en donneront à coeur joie.
Mais les Eurockéennes de Belfort ne sont pas uniquement l’opportunité pour les jeunes en rut de forniquer allègrement au camping. C’est d’abord une manifestation fédératrice. A ce titre, la programmation d’une prestation de AMADOU ET MARIAM avec Bertrand Cantat en special guest est porteuse de sens. Véritable événement phare de cette édition, le concert attire une foule importante à l’Esplanade Green Room. Timidement, l’ex-leader de Noir Desir, qui a participé au huitième album du duo malien, accompagne le groupe au chant, joue de divers instruments… prend littéralement son pied lors de ce retour à Belfort. Et ça paye. Finalement, bien que Cantat éclipse (scéniquement et médiatiquement) le reste du groupe, les festivaliers profitent des compositions rock-blues-musique malienne d’Amadou & Mariam, de “Oh Amadou”, premier extrait de “Folila”, à “Taxi Bamako”.
Alors que HOLLIE COOK apporte sa dose de bonne humeur sur des rythmes reggae vieille école au Club Loggia, Mathias Malzieu, la fraîche Babet et leur bande bondissent sur la Grande Scène.
Armés de leur décalage et de leur générosité habituels, DIONYSOS marquent leur retour avec une excellente performance sur le thème du “Bird’N’Roll” (du titre de leur album-concept sorti au printemps). Trois choristes en costume rouge de french cancan interviennent notamment en reprenant la chorégraphie imaginée exprès pour la tournée. Entre une reprise électrisante de “Smells Like Teen Spirit”, le tube “Song For A Jedi” et la populaire “Métamorphose de Mister Chat”, le chanteur évoque avec émotion le premier concert du groupe, qui se produisit… au camping des Eurockéennes, à 5h du matin. C’était “magique”. Le soleil était en train de se lever. Aujourd’hui, (des années) et quatorze heures plus tard, le soleil est en train de se coucher.” Le groupe remercie le public et reprend son délire rock’n’roll.
Pendant ce temps, MICHAEL KIWANUKA, révélation folk blues de cet hiver, gratte sa guitare sèche et envoûte l’auditoire de la Plage avec ses chansons teintées d’espoir. C’est le moment que nous choisissons pour nous reposer. Une première pause (et une binouze) s’impose après tous ces allers-retours.
Un petit crochet vers l’espace réservé à la presse s’avère gagnant. En live acoustique pour Le Mouv’, LOS DISIDENTES DEL SUCIO MOTEL offrent une petite séance de rattrapage aux privilégiés et aux auditeurs. Ils gratifient nos oreilles de leur stoner rock aux évidentes influences.
Nous reprenons notre parcours et nous calons quelques temps face à THE KOOKS. Les quatre jeunes de Brighton affolent leurs groupies avec leurs parfaites interprétations de “Always Where I Need To Be”, “Ooh La” ou encore “Naive”.
“Vous allez pas voir HUBERT-FELIX THIEFAINE, vous ? Vous êtes trop jeunes.” Loin de nous une forme de snobisme à l’égard du sieur Thiéfaine; cependant, la fascinante présence de THE MARS VOLTA sur la scène de la Plage, la nuit, agit comme un aimant sur nos cinq sens. La formation progressive-rock-psyché-électro-jazz-et-plus-encore entame son set avec “Aegis” et “The Whip Hand”. Tous deux extraits de leur dernier album, “Noctourniquet“, les morceaux sont joués avec une intensité et un rythme qui leur donnent une résonance étrange, dans ce contexte chaud, nocturne et naturel. Les spectateurs les plus réceptifs reprennent les paroles par coeur et se lancent dans des danses et mouvements lents. Impossible de ne pas sourire au commentaire avisé d’un festivalier : “C’est encore un truc de drogués !”. Excité comme une puce et haranguant le public, Cedric Bixler-Zavala secoue son popotin serré dans un pantalon moulant tandis qu’Omar paraît plus réservé. Les autres membres, dont Deantoni Parks l’éclateur de fûts, interprètent allègrement les titres. En réalité, il semble qu’un écran plus ou moins invisible existe entre The Mars Volta et le public. Cet écran, il s’appelle : communion du groupe. Ou barrière, c’est selon.
Certains spectateurs, déçus, lassés par la dimension hermétique de The Mars Volta, hyperactifs ou tout simplement bourrés, se dirigent vers la Green Room où officie C2C. Vu plus tôt en conférence de presse, le groupe électro/hip hop français enflamme le public. Dotés de plusieurs tubes dont le puissant “The Beat”, les quatre DJ nantais captivent les festivaliers pendant plus d’une heure de mix effréné.
Du côté de la Scène principale, les populaires SHAKA PONK referment la boucle. Le public des Eurocks accueille chaleureusement le groupe électro rock français. Complété par les animations projetées sur un écran circulaire, le show transporte les spectateurs qui reprennent par coeur les paroles de “I’m Picky”, “Let’s Bang” et “My Name Is Stain”. Notons l’intervention de Cantat sur “Palabras Mi Amor”, pour le plus grand bonheur des fans.
Cependant, pour ceux qui ne seraient pas sensibles au spectacle des écumeurs de salles de concerts et autres festivals, il existe une alternative de choix : FACTORY FLOOR. Le groupe électro noise londonien transforme la Plage en piste de danse jusqu’à trois heures du matin.
Nous quittons le site du festival fébriles et impatients de revenir. Lors de cette première journée, nous avons retrouvé tout ce qui fait le charme des Eurockéennes et comptons prolonger la fête au camping. Classique, diriez-vous ; mais après les événements de ce vendredi, nous sommes convaincus qu’en quelque sorte, c’est aussi là que “ça se passe”…
Crédit photos : Pierre Gregori