Archspire est sur le point de sortir un nouvel album, faisant suite à l’excellent Relentless Mutation (2017). Que peut-on en attendre ? Comment le groupe a-t-il géré la pandémie et ses nombreux projets ? Tobi Morelli nous en dit plus !
Dans quelle mesure cette pandémie a-t-elle affecté vos projets ? Même si vous avez travaillé sur un nouvel album, êtes allés en studio. Comment avez-vous réussi à vous adapter au mieux par rapport à la situation ?
Tobi Morelli (guitare) : A vrai dire, quand le monde entier est parti en co****** (rires), pendant la pandémie, nous avions un tas de projets de tournée. Et nous avons évidemment dû les annuler. Nous avions prévu une tournée canadienne et nous avions prévu d’aller en Australie et quelques autres tournées aussi, et nous avons dû toutes les annuler. Cela nous a mis dans une situation difficile, comme tous les autres groupes qui vivent des tournées, mais cela nous a donné plus de temps pour travailler à la composition de l’album. En fait, pendant la première partie de la pandémie, comme vous, nous ne pouvions pas vraiment sortir ou interagir physiquement, et quand nous composons de la musique, nous nous retrouvons tous dans notre local de répétition. Nous travaillons tous ensemble, enregistrons des parties et les écoutons, nous avons une approche très simple de ce côté là. C’est vraiment un travail d’équipe. Étant dans l’impossibilité de bosser de cette manière, je suppose qu’on avait plus de temps pour travailler sur des parties pour nous-mêmes et des idées. Et puis finalement, nous nous échangions les fichiers.
Tout d’abord, c’était un peu étrange de ne pas pouvoir aller jammer avec les gars avec qui j’ai joué ces dix dernières années. En dehors de l’annulation des plans de tournée et autres, cela nous a donné plus de temps pour travailler sur les détails de notre album et de son écriture, et ensuite, une fois que les choses ont commencé à bouger un peu, et que nous avons pu interagir et nous réunir à nouveau, nous avons pu passer beaucoup plus de temps à peaufiner notre album, avant d’aller au studio. On peut voir cela telle une bénédiction et une malédiction à la fois. Cela craint car tout le monde s’est fait avoir, mais d’un point de vue “égoïste” disons, cela nous a permis de nous concentrer un peu plus sur l’écriture. Nous n’étions pas en tournée non plus, car il peut être très difficile de composer en tournée. Donc, nous n’avions qu’un seul objectif ici. (rires)
Si les tournées que tu évoques avaient eu lieu, auriez-vous sorti l’album cette année ou plutôt en 2022 ?
Tobi : Le projet initial était de sortir l’album en 2020/2021, et il a fallu deux ans et demi pour le concrétiser. C’est long car nous étions en tournée la plupart du temps. Nous nous attendions peut-être à ce qu’il sorte plus tôt, à être en studio plus tôt, mais je veux dire, avec tout ce qui a été dit et fait, cela a bien fonctionné, nous avons quand même atteint l’objectif. Nous ne l’avons pas repoussé trop loin, comme au milieu de 2022 par exemple, et nous sommes à la fin de 2021, donc avec un peu de chance, cela nous préparera pour une meilleure année 2022.
Heureusement nous ne l’avons pas sorti le 1er janvier 2021, car il aurait été impossible de partir en tournée pour le promouvoir correctement, ce qui est, vous savez, un élément très important pour le genre dans lequel nous évoluons. Et pour ce qui est d’annuler des tournées, nous avons pu le faire à temps pour ne pas perdre trop d’argent. Beaucoup de groupes que nous connaissons, des amis à nous, avaient tous des plans de tournée réservés, vols, salles, bus, merchandising, etc. et puis la pandémie est arrivée, et ils ont perdu des dizaines de milliers de dollars. Nous avons eu de la chance, car nous n’avons pas perdu d’argent au départ, seulement des revenus futurs.
Cet album est très efficace en termes de durée, puisqu’il dure trente minutes, comme le précédent. Cela signifie-t-il que seules les idées parfaites/excellentes ont été retenues, et que beaucoup ont été écartées ?
Tobi : En fait, comme tout, dans cet album, c’est le meilleur que nous pouvions élaborer et créer. Nous filtrons tout, donc, chaque riff, chaque partie vocale, la batterie, nous y avons tous contribué et nous sommes tous, en tant que groupe, satisfaits. Le produit final est absolument le meilleur qu’on puisse avoir. Il n’y a pas vingt sections géniales que nous avons juste coupées pour que l’album dure trente minutes. En fait, nous nous battons toujours pour faire un album complet, avec des chansons super longues, mais c’est une musique très intense. Cela pourrait être trop pour l’auditeur avec un album d’une heure. (rires) Nous ne voulons pas que les auditeurs soient confus ou s’ennuient. Nous espérons que vous aurez envie de l’écouter encore et encore. Nous apprécions nos albums rapide, concis et précis.
Peut-on dire que, même s’il s’agit toujours d’Archspire, cet album est plus accessible ? Presque accrocheur par moments, même dans le sens Archspire du terme. Il y a un sens de la mélodie qui est vraiment présent, on peut l’entendre mis en avant, mais même en arrière-plan, comme une disposition tout au long de la chanson. Par exemple, l’intro de “Acrid Canon” qui touche presque au metal symphonique, sans parler des intros acoustiques.
Tobi : Oui, nous voulions vraiment pousser plus loin les accroches et les mélodies pour cet album. Je pense qu’on a toujours essayé d’avoir cela quelque part dans notre musique, quelque chose d’accrocheur et de mémorable. Quelque chose qui resterait dans la tête de l’auditeur. Même si c’est vraiment fou par moments, je pense qu’on a essayé d’avoir plus de ça sur cet album. Pas nécessairement des structures de chansons traditionnelles, mais tu vois le truc. Nous ne voulions évidemment pas du schéma de chanson pop “couplet, refrain, couplet, refrain, etc.”, mais plutôt l’idée d’avoir une mélodie répétitive qui peut être accrocheuse pour les auditeurs. Nous avons sans doute répété ce genre de mélodie plus souvent sur cet album, par rapport aux précédents.
Donc oui, notre musique est aussi extrême qu’elle peut l’être, rapide et folle, mais je suppose, plus accessible, en ce qui concerne le death metal technique. (rires) Bien sûr, nous devons aimer la musique que nous composons, mais nous avons aussi une grande base de fans, et nous voulons qu’ils apprécient clairement notre musique. Et avec un peu de chance, s’étendre à d’autres personnes.
Penses-tu que c’est parfois un équilibre difficile à trouver ? De faire plaisir d’abord à vous, au groupe, et ensuite aux fans ?
Tobi : Carrément. Cela l’est, parce que, vous ne savez pas ce que les gens, leurs goûts peuvent avoir changé avec le temps, ils peuvent se lasser de ce que vous faites si c’est pareil, ou si ce n’est pas assez fou. Vous savez que vous finirez par décevoir quelqu’un, mais tant que nous ne nous décevons pas nous-mêmes. (rires) Et je parle pour moi, mais je suis extrêmement fier de cet album. De toute façon, nous ne sortons pas quelque chose dont nous ne sommes pas très enthousiastes. Je sais que beaucoup de groupes disent : “oh, c’est notre meilleur album etc.” à chaque fois qu’ils sortent un nouvel album, mais vous savez que certains albums ne fonctionnent pas pour tout le monde.
Mais, comme nous ne sortons pas d’albums très souvent, je pense que nous avons le temps d’être vraiment très pointilleux et critiques envers nos propres trucs. Mais oui, c’est un défi parce qu’on veut avoir de nouveaux fans, on grandit en tant que groupe, mais on veut aussi en garder. On ne veut pas se vendre, on ne va pas commencer à avoir des chants d’opéra ou des flûtes. (rires) Ce n’est tout simplement pas Archspire. On s’en tient à notre formule mais on est ouvert à l’expérimentation, tant que cela reste dans le genre.
Pour ce disque, tu as également utilisé une guitare à huit cordes, ce qui est un peu nouveau pour toi. Qu’est-ce que cela a apporté à tes créations et à l’association avec les parties de Dean ?
Tobi : Cela rendait les choses plus lourdes. Quand on a commencé à composer pour cet album, on expérimentait déjà des accords différents, comme le drop A, qui est cool. Accorder une corde vers le bas, et instantanément, ça rend les choses plus lourdes. Jouer sur huit cordes ne m’a jamais plu au début, cela ne m’a jamais trop attiré. Mais ensuite, je me suis dit : “donnons-lui une autre chance” et le résultat est vraiment cool pour les parties lourdes que Dean (Lamb) et moi jouons dans le même registre. Nous devions déjà nous répartir les choses, parfois je joue plus haut, une octave plus haut et d’autres choses encore, et cela a plutôt bien fonctionné pour nous, mais je veux m’accorder avec la partie basse des choses, et rendre les choses encore plus lourdes.
Nous sommes endorsés chez Kiesel Guitars, et ils ont eu la gentillesse de m’en prêter une pour un moment. Et je me suis dit, si je l’aime assez, peut-être qu’ils m’en fabriqueront une, et si ce n’est pas le cas, au moins, je n’ai pas perdu leur temps avec quelque chose que je ne vais pas utiliser. Je l’ai utilisée pendant un an et demi et j’ai commencé à écrire avec elle, en essayant différents accords, et elle a bien fonctionné et m’a ouvert à différentes idées. Donc, je suis passé à la huit cordes pour cet album, uniquement à la huit cordes, et Dean l’utilise depuis le début. Ce n’est pas comme si notre musique était super orientée vers la huit cordes, cela nous a juste donné un registre plus grave, sans pour autant devenir un groupe de djent ou autre. Ce n’est pas permanent, mais je pense que doubler avec deux guitares à huit cordes sur cet album a donné quelque chose de définitivement plus lourd. Parfois, c’est aussi par commodité, je pourrais jouer dans un registre plus aigu, et simplement parce que j’ai cette corde supplémentaire, je peux jouer juste des notes sans bouger mes mains partout. Même si cela peut paraître fou, cela aide un peu, cela rend le jeu plus facile.
Une fois de plus, vous avez travaillé avec Dave Otero pour enregistrer et produire votre nouvel album. Était-il un choix évident compte tenu de l’excellent travail que vous avez fait avec lui ? Est-il le meilleur pour capturer votre son et ce que vous recherchez avec votre musique ?
Tobi : Oui, je dirais que oui. (rires) Je veux dire, quand nous sommes allés chez lui pour l’album Relentless Mutation (2017), c’était génial, et comme nous voulions avoir un producteur différent et quelqu’un qui serait un peu plus impliqué, et quelqu’un que tous les groupes ne contactent en même temps. Surtout dans notre genre, il y a beaucoup d’excellents ingénieurs, mais parfois, quand vous allez vers les deux gars que tout le monde va voir, la production peut sonner un peu pareil que les autres.
Nous connaissions son travail avec Cattle Decapitation, Cephalic Carnage et tous ces groupes ont un son différent. Ils sonnent comme ils sont censés sonner. Il apporte vraiment quelque chose à votre album. Cette fois-ci, il était un peu plus préparé à enregistrer avec nous, et il connaît toutes nos forces et nos faiblesses. Il a rendu le tout presque transparent et nous connaissions son éthique de travail. Il était évident pour nous de le choisir à nouveau, car il a fait un excellent travail sur l’opus précédent. Nous avions déjà cette alchimie entre nous et il comprenait notre son. Se lancer avec un nouveau producteur aurait pu être difficile, partir de zéro, il aurait dû apprendre comment nous interagissons en tant que groupe, la technique de chacun, mais Dave connaît nos spécificités, et apporte de nouvelles idées. Et c’est aussi un gars génial avec qui traîner, donc cela aide.
Le débit vocal d’Oli est toujours très impressionnant et rapide. On a reçu le fichier PDF avec toutes les paroles. Il fait dix-neuf pages pour un album de seulement huit chansons !
Tobi : (rires) Oui c’est presque une nouvelle.
L’intro de la dernière chanson provient d’un enregistrement d’un de ses amis allemands ? Il dit qu’il faut “rendre la musique plus dangereuse“, est-ce votre nouvelle devise ?
Tobi : (rires) En fait, c’est l’un des amis de Spencer (Prewett, batterie). Spencer a vécu en Allemagne et aux Pays-Bas pendant un certain temps, il y a longtemps, donc il a beaucoup d’amis proches de là-bas. Et l’un de ses amis est un élitiste du metal, il est très… il n’aime pas beaucoup de choses. Il aime que son metal soit très spécifique. Et je pense qu’il y a eu des moments où il lui a envoyé des messages de temps en temps, et il s’est plaint de notre groupe : “c’est trop ceci ! vous essayez trop de faire ça ! C’est trop technique, etc“. C’est marrant parce qu’il se plaint à lui et c’est comme si notre groupe était un pote, et donc un jour, il a envoyé ce message vocal et il parlait de notre musique en général : “Je me fiche de la vitesse à laquelle vous allez, de votre technicité, c’est trop flashy, je veux du pur metal… rendez votre musique plus dangereuse“.
Et quand j’ai entendu ce message, je n’ai pas pu m’arrêter de rire. (rires) Et puis nous avons eu l’idée de l’utiliser comme intro pour une chanson, nous n’avons jamais fait d’intro comme cela mais cela pourrait marcher. C’est vraiment drôle et c’est une surprise cool. Ensuite, il fallait trouver la chanson pour laquelle l’utiliser. Nous ne voulions pas l’utiliser au début de l’album, car cela pourrait déstabiliser les gens, ni pour un single. Nous l’avons donc utilisée pour la dernière piste, et c’est aussi la chanson la plus rapide, ce qui est parfait. Vous avez la chanson la plus rapide avec l’intro d’un type qui se plaint. (rires) C’est assez génial que ce type, qui techniquement déteste tellement notre groupe, soit présent sur notre album. (rires) C’est assez ironique.
Même s’il a donné sa permission, a-t-il écouté le morceau ?
Tobi : Non, nous n’avons pas encore envoyé l’album à nos proches. Je ne sais pas s’il l’a déjà écouté. Il sait qu’il est sur l’album, mais bon, c’est tellement drôle, et c’est un vieil ami à nous. (rires) Notre musique est sérieuse mais nous aimons faire les fous, sur scène et tout. Nous avons donc mis un peu de l’humour du groupe sur cet album.
Durant cette période COVID, de nombreux groupes ont diffusé des concerts en direct, et certains d’entre eux les ont également sorti en Blu-ray. Avez-vous été tenté de faire de même ?
Tobi : Nous en avons parlé, et on nous a demandé de faire un livestream complet. Mais il faut trouver un endroit pour s’organiser, cela demandait beaucoup de préparatifs, et en plus nous étions tous confinés pendant un temps, et ensuite seulement autorisé à voir deux personnes, etc. Cela changeait tout le temps. C’était probablement trop complexe, et peut-être que cela n’aurait pas fonctionné comme nous le voulions, ou pas très bien. Vous savez, vous avez besoin du bon son pour ces choses-là. Si nous devons sortir quelque chose, il ne faut pas que la qualité audio soit mauvaise. Faire des guitares est une chose, surtout aujourd’hui où l’on peut faire des pistes de guitares très propres, mais la batterie est une autre histoire. Pour que la batterie soit parfaitement accordée, il faut trouver un bon endroit pour le faire et il faut engager des gens pour tout enregistrer. Cela semblait être un trop gros projet à entreprendre. Et c’est pourquoi nous avons pu faire des vidéos musicales à la place, pour la promotion. Peut-être qu’un jour nous le ferons, si nous arrivons à le faire correctement. La qualité est vraiment importante.
Cependant, un Blu-ray live serait cool.
Tobi : Oui, ce serait cool. Ce serait génial d’avoir un jour une sorte d’enregistrement live et des captations. On en a parlé, donc on peut certainement l’envisager plus tard.
Une fois que vous avez terminé le cycle Relentless Mutations, qui a plutôt très bien marché pour le groupe, vous avez commencé à composer pour cet album. Cela a démarré il y a quelques années, entre vos tournées. Etait-il difficile, d’une certaine manière, de ne pas se répéter au travers de ce nouveau disque ?
Tobi : On ne veut jamais se répéter, c’est sûr. Notre objectif principal est de ne pas sortir le même disque, et de reculer. Nous avons fait une longue tournée pour le dernier album, et cela nous a donné le temps d’être pleinement inspirés, d’expérimenter beaucoup avec nos instruments, de prendre le temps de ne pas nous y remettre tout de suite. Donc, quand il a fallu commencer à composer, beaucoup d’idées ont commencé à être différentes. Et pendant la COVID, où nous n’avons pas du tout joué les uns avec les autres, nous avons juste eu des réunions en visio. Nous avons enregistré des idées et les avons envoyées dans un fil de conversation. Nous pouvions définitivement travailler sur ces idées. Et nous pouvions enfin jouer ensemble, nous avions beaucoup de temps, alors nous avons décidé de le faire tous les jours. Donc on répétait et on écrivait cinq jours par semaine. Et c’est devenu super stressant à la fin. On a découvert que ce n’était pas la meilleure solution. Cela a fini par être frustrant parce qu’un jour on arrivait avec rien, pas d’idées fraîches, c’était beaucoup trop dur d’être toujours inspiré pendant des heures.
Le déclic a eu lieu lorsque nous sommes passés à trois jours par semaine, après une période de calme (deuxième vague de la pandémie). Nous avons commencé à assembler les titres, comme un groupe et tout s’est bien passé. Nous sommes passés de l’habitude de jouer à monter et travailler les enregistrements que nous avons faits, et c’est devenu fou aussi. En gros, nous nous retrouvions dans une pièce, nous nous disputions pendant quatre à cinq heures et finalement on arrivait à un résultat satisfaisant. (rires)
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