Après avoir rempli le Zénith le 5 novembre dernier, Yoann Lemoine, alias Woodkid, a remis le couvert en ce début du mois de février, face à une salle toujours aussi comble. L’enthousiasme soulevé par la révélation de l’année 2013 ne semblant pas prêt de retomber, quelle meilleure occasion que ce nouveau concert, déjà annoncé comme grandiose, pour constater le phénomène par nous-mêmes ?
Alors que le public, globalement assez mélangé, avec sa part de bobos et de hipsters, remplit progressivement la salle, les lumières s’éteignent une première fois pour accueillir le californien LAWRENCE ROTHMAN à 20h exactement. Accompagné d’une demoiselle choriste et d’un acolyte s’agitant sur son ordinateur, ce dernier propose au public parisien un son électro pop volontairement étrange, parfois même sombre, sur lequel le jeune trentenaire pose une voix de baryton assurée, se permettant tout de même quelques envols dans les aigus. Si la sauce ne prend visiblement qu’à moitié dans la salle, c’est au moins en partie parce que les conditions sont loin d’être optimales pour le trio, plutôt mal éclairé et confiné au petit espace qu’est l’extrémité de l’avant-scène. Mais il faut bien avouer que, si les chansons de Lawrence Rothman ont le potentiel pour retenir l’attention d’une foule, le garçon pêche un peu par son attitude, communiquant très peu et retenant ses mouvements. Si la prestation n’a donc rien d’exceptionnel, elle reste assez plaisante à entendre et dans le ton de la soirée, c’est pourquoi le public, sans s’être laissé vraiment emporté, y répond par des applaudissements chaleureux. Après six morceaux, presque tous tirés de son premier EP “Montauk Fling”, Lawrence Rothman fait ses adieux, sans avoir omis toutefois d’annoncer son successeur, le désormais très attendu Woodkid.
C’est une petite demi-heure plus tard que le frenchy, à la renommée désormais mondiale, fait son entrée sous les acclamations, devant un écran géant et tout un orchestre disposé en tribune. Autant dire que la seule vue de la scène est déjà assez impressionnante. C’est avec le morceau “Baltimore’s Fireflies” que l’artiste ouvre le bal, s’appropriant assez rapidement l’immense espace de jeu qui lui est dévolu, jusqu’à l’avant-scène, dont il fera large usage toute la soirée. Mais “The Golden Age” est peut-être le titre qui lance vraiment le concert, immédiatement reconnu et ovationné par la foule, tandis qu’écran géant et projections lumineuses entrent pleinement en action. Saluant son public, WOODKID se montre plutôt à l’aise, nous promettant quelques nouveaux titres et “peut-être même des guests”. Pour ce qui est des nouvelles compositions, on découvrira en effet “Go”, qui joue sur une ambiance aussi grave que mystique, et qui, selon le chanteur, représente bien la direction qu’il souhaite prendre par la suite. En matière d’invités, on comprend vite que ce dernier voulait parler de la troupe de tambours qui fait son apparition à plusieurs reprises pour accompagner certains morceaux, tels que “Conquest Of Spaces” ou le survolté “Volcano”, autre nouveauté du programme. Ce sont là deux temps forts de la soirée, la fosse s’agitant et les gradins se levant à l’unisson pour frapper dans les mains au rythme des tambours. Ceux-ci se livrent aussi à une démonstration des plus bluffantes vers le milieu du show, faisant preuve d’une puissance et d’une synchronisation à toute épreuve. Les projecteurs sont utilisés à tout va, balayant la scène comme la salle, avec l’inconvénient de se montrer parfois un peu gênants car carrément aveuglants. En fait, on pourrait décrire le spectacle de ce soir comme un enchaînement de tableaux lumineux et musicaux, alternant entre moments absolument épiques (“I Love You”, “Stabat Mater” ou “Iron”, pour n’en citer que quelques-uns) et vrais instants d’intimité, lorsque la puissance instrumentale se fait oublier pour laisser place à l’émotion, comme sur “Where I Live”, “Brooklyn”, sur laquelle le chanteur confie son amour pour Paris, ou “Boat Song”. Entre deux morceaux, Woodkid raconte un peu son parcours, ses projets, et présente les prochains titres avec simplicité et justesse, sans en faire des tonnes mais sans non plus se faire écraser par l’énorme dispositif qui l’entoure, réussissant sans mal à entraîner l’audience avec lui. Le glorieux “The Great Escape” vient mettre un point, ou plutôt une virgule, au set, puisque Yoann fait rapidement son retour pour un inévitable rappel, provoqué par les hourras de la salle toute entière. Et, comme on pouvait s’y attendre, c’est le tube “Run Boy Run” qui est alors entamé, grand favori des fans, qui le reprennent en chœur longtemps après que la musique se soit achevée, ce qui ne manque pas de toucher l’artiste. Finalement, après nous avoir présenté ses musiciens et remercié son équipe, il choisit de finir sur une note plus calme, avec le sombre et subtil “The Other Side”, à 22h40.
Pour ceux que les clips n’auraient pas achevé de convaincre, Woodkid a largement réussi ce soir à prouver le potentiel visuel de sa musique, en mettant la technologie au service de la poésie, mais aussi en donnant à l’instrumentation toute la place qui lui revient, pour un résultat sensationnel.