Les Alsaciens de Knuckle Head étaient de passage à Paris pour promouvoir leur album Holsters And Rituals. L’occasion pour RockUrLife de se plonger dans leur univers dark country.
Pour commencer, peux-tu nous parler un peu du concert de samedi à l’Empreinte (Savigny Le Temple) ?
Jack Escobar (chant/guitare) : C’était un très bon concert. On est supers contents de reprendre les concerts après cette longue pause. Pour être honnête, physiquement c’était un peu compliqué. Après une longue pause il faut que le corps se décrasse. On a tout de même réussi à balancer un super show.
Vous n’êtes que deux dans le groupe, mais vous faites des shows assez physiques, avec une énergie folle !
Jack : Un groupe qui est techniquement très bon, mais qui ne bouge pas sur scène, cela nous ennuie. Pour un concert de rock il faut qu’il y ait du show, il faut cela envoie. On balance notre énergie du mieux qu’on peut.
C’était aussi l’occasion de jouer les nouveaux morceaux.
Jack : Les premières dates dans le Nord nous permis de jouer ces morceaux oui. C’était un gros stress pour nous, même si on a une super équipe à nos côtés et qu’on a pu faire une résidence. On a pu tester le show, les lumières, le son, mais avec le public tu ne sais jamais à quoi t’attendre. Les retours de l’album sont très bons, donc on a espéré que ce serait la même chose en live et on ne s’est pas trompés.
Vous avez un univers musical très marqué, qui commence avec la pochette de votre album. Elle juxtapose un côté western avec un côté religieux, qui se retrouve dans le titre. Avec qui avez-vous travaillé ?
Jack : On aime travailler à l’envers. On aborde d’abord la question du visuel, puis on se lance dans la composition de la partie musicale avant d’écrire les paroles. Tout ce qui est visuel est très important. On a très vite pensé à cette pochette. On a fait une sorte de board avec toutes les idées que l’on avait. On a travaillé avec notre tatoueur à Strasbourg, qui a fait notre logo. Il nous a aiguillé vers une boite qui s’appelle Vade Retro. C’est deux gars sur Paris, que j’adore. Je leur ai envoyé mon projet avec des croquis, ils ont tout de suite cerné le projet et on a validé leur réalisation.
La pochette représente la scène, comme elle est lors de lives. Le logo dans le ciel est notre backdrop. On ne pensait pas être représentés, on trouvait cela prétentieux, mais c’est eux qui nous ont dessiné en mode statue. On a trouvé cela cool.
Il y a plein de significations. Par exemple, je tiens un épi de blé qui est synonyme d’abondance. Jock a un livre qui représente la bonne parole. On leur a donné le champ libre pour les vitraux, que l’on retrouve sur scène.
Il y a aussi un personnage qui se prosterne sur cette pochette. Quelle en est la signification ?
Jack : Comme tu l’as dit, il y a un petit côté religieux. L’être humain a toujours besoin de spiritualité. Que ce soit à travers des religions ou des courants plus mystiques et occultes. On a imaginé un univers postapocalyptique. On s’est posé la question de ce qu’il reste après une catastrophe quelconque. Il y aura forcément des sectes qui vont venir encadrer les survivants. On voulait faire réfléchir les gens sur leurs vies, sur ce qui se passe. Les sectes peuvent prendre de l’ampleur très vite.
Les Etats-Unis renvoient deux grandes imageries principales, celle de la conquête et du western et celle des dérives de la religion. On nous renvoie souvent cette idée de “sans foi ni loi” quand on pense aux westerns. Cela devient deux univers assez paradoxaux.
Jack : Oui tu as tout à fait raison. Ce qui est paradoxal aussi c’est qu’on avait une identité très biker américaine. Pour cet album, nous voulions explorer un côté plus dark, plus mystique, donc on est plutôt allés vers un western européen avec des forêts et des vieux châteaux. Cela nous correspond plus.
L’album s’ouvre sur un morceau instrumental, qui plante bien le décor. Il y a un gros travail sur les bruitages pour créer une atmosphère qui va servir de fil rouge dans la découverte des morceaux.
Jack : On voulait planter un décor général sur le groupe et le projet. On voulait placer un nouvel univers. On plante vraiment le décor avec cette intro.
Ce qui saisit l’oreille dès le premier “vrai morceau” c’est la densité qui se retrouve dans ton son. On oublie complètement que vous n’êtes que deux.
Jack : C’est un gros travail. Au début nous étions deux guitares acoustiques. Jock voulait passer à la batterie. J’ai dû recomposer les morceaux pour les jouer tout seul. C’était très intéressant niveau technique. Cela te pousse à aller chercher le meilleur de ta musique. Sans bassiste, pour que les morceaux soient entiers, il faut travailler sur le son. Nous avons effectué des recherches pendant deux-trois ans sur les sons, les différents amplis, les pédales pour arriver à cela.
Parfois tu poses des lignes de guitares lancinantes qui nous propulsent vers de grands espaces, parfois le son se fait très grave et grésillant, ce qui donne un autre corps au passage. Il y a toujours comme un jeu d’équilibre et de contraste, non ?
Jack : J’ai trois amplis et un pedal board assez classique. J’ai un câblage spécifique en live, qui me donne ce gros son. J’ai le même setup en studio. Les prises de guitares ont été fait en une fois, je n’ai pas fait de doublages pour avoir un son de basse derrière. C’est vraiment le son de live que j’ai mis dans l’album. Bien sûr il y a plein d’arrangements derrière. Le fait que j’utilise des guitares atypiques crée cette identité sonore.
Tu as quoi comme guitares atypiques ?
Jack : Par exemple, j’ai une guitare Eastwood resonator. C’est une guitare créée il y a très longtemps, quand il n’y avait pas encore d’ampli. C’était utilisé dans le blues pour amplifier le son. Eastwood c’est une marque américaine, qui fait des guitares atypiques assez folles. Faire une guitare électrique resonator c’est assez rare. C’est une guitare qui ne coûte pas trop cher. Ce n’est pas ultra fiable, le son est tellement intéressant. Jack White est parrain de la marque. Il aime aussi les sons ultra crades. J’aime bien cela, mais il faut que ce soit propre quand même ! C’est un peu paradoxal, c’est ce son qui nous a poussé à faire de la dark country.
Le côté country dans votre musique apparait un peu comme une toile de fond. C’est une invitation au voyage. Au-delà du travail instrumental, tu mets aussi beaucoup d’effets dans ta voix. Tu peux la pousser et aller chercher dans les graves avec un côté “Lemmy” ou alors aller taper dans un tout autre registre. C’est ce qui fonctionne avec la densité de tes riffs.
Jack : Tout à fait. On cherche le juste milieu partout. On veut que ce soit country mais pas trop, stoner mais pas trop, pop mais pas trop. On a testé plein de choses avec les derniers albums et là on savait où on voulait aller. Ce qui est intéressant, c’est que je peux faire écouter à ma grand-mère le riff le plus heavy de l’album. Comme il y a un chant clair, ce n’est pas super hardcore.
Votre site internet reflète bien votre univers. Il est sophistiqué et vous met vraiment en valeur. Cela vous démarque tout de suite. En ce moment, il met en avant le clip de “Burn”. Tourné en noir et blanc, avec la moto en acteur principal dans un monde apocalyptique. A quel point êtes-vous impliqués dans tous ces aspects ?
Jack : C’est énormément de travail. On savait vers où on voulait aller. Il y a un peu de chance aussi. On a eu la chance de travailler avec une équipe vidéo au top pour “Gasoline”. On ne peut pas les payer comme on le devrait pour leur niveau de travail. On essaie de se débrouiller et eux font cela parce qu’ils veulent investir leur temps dans le groupe et je ne les remercierai jamais assez. La cohérence est primordiale. Les paroles, les clips, la musique, la façon de parler, etc.
Et le site ?
Jack : Le site c’est moi qui l’ai fait. J’ai un master en développement informatique. J’ai toujours voulu faire de la musique, mais j’ai vite compris qu’il faut avoir un métier qui permette de vivre. Grâce à ce métier je peux financer ce que l’on fait. J’ai pu créer une plateforme de financement participatif. On n’a pas de commission à payer à une plateforme. Les fans sont heureux de participer à ce projet. On a une appli mobile, on a un site au top, parce que je peux apporter cela au groupe. Cela nous aide, cela fait pro.
Quand je vois les grosses productions, qui vendent leur merch sur des sites qui n’ont pas évolué depuis les années 90, je suis vraiment content d’avoir autre chose pour nous. Dans notre musique on fait du nouveau avec de l’ancien, mais on ne veut pas copier des groupes des années 70, on veut vraiment faire du nouveau. Sur la plateforme, c’est possible d’acheter nos vinyles en bitcoins. On est un groupe old school en web 3.0.
Pour terminer, nous sommes RockUrLife, alors qu’est-ce qui rock ta life ?
Jack : Il n’y a rien de mieux que le live. Rencontrer les gens. Leur envoyer toute l’énergie qu’on a. Toute la m**** que l’on a accumulée, on la balance sincèrement dans notre musique. Cela va dans le public et il nous le renvoie puissance mille. Ce qui est fort c’est d’arrêter le concert et de voir tout le monde avec un grand sourire.
Site web : knuckle-head.com
1 Commentaire
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J’ai découvert ce groupe en 2019 au festival du cabaret vert. Quel son, quel présence et quelle ambiance.
J’attendais leur passage à Paris pour emmener mes enfants. C’est chose faite à Savigny le Temple. Même si Jack avait la voix cassé (c’est lui qui le dit), on a passé un bon moment avec un gros son.