Plus d’un an après son dernier passage à La Flèche d’Or, La Dispute refoulait le sol parisien pour la dernière de cette tournée européenne qui annonce doucement, mais sûrement, la transition vers un nouvel album qui devrait voir le jour dans le courant de l’année prochaine. Preuve en est, cette setlist qui se balade dans les deux derniers albums du groupe et qui offre une surprise de taille en fin de set.
Les petits gars du Michigan étaient accompagnés sur toute cette tournée par TWO INCH ASTRONAUT, petite formation américaine qui joue un indie rock énergique. Le lien avec la tête d’affiche se fait instantanément tant la présence de mélodies, alambiquées mais hyper efficaces, est flagrante. Le trio met toute son énergie dans ce court set d’ouverture et le public semble vraiment emballé par ce qu’il entend. La formation, toute en simplicité, montre une maîtrise bluffante de ses chansons et de ses instruments ce qui fait que l’on assiste à de véritables interprétations des compositions et non pas une simple retranscription live comme c’est souvent le cas. La musique de Two Inch Astronaut n’est sûrement pas assez tubesque pour lui permettre d’un jour tutoyer les sommets, mais elle est suffisamment rafraichissante pour ne pas se trouver en face d’un énième groupe indie qui plait mais lasse. Le combo est assez discret sur scène, mais trouve quand même le temps de remercier La Dispute pour cette tournée commune que l’on imagine inspirante pour les deux groupes. Quarante bonnes minutes de set et puis s’en va, Two Inch Astronaut ouvre brillamment la soirée, tout en légèreté et bonne humeur : parfait pour accueillir La Dispute.
Sur les coups de 21h, les cinq garçons de LA DISPUTE font leur entrée sous un tonnerre d’applaudissement. Jordan semble touché par cet accueil, mais visiblement fatigué aussi par la longue tournée se terminant ce soir. Mais la fatigue laisse place à “King Park” et lorsque l’on se figure la densité de cette chanson, tant musicalement qu’émotionnellement, la placer en début de set est très audacieux. Et cette audace se transforme en génie devant l’incroyable interprétation de la bande. Pas le temps de dire ouf qu’en six minutes, La Dispute a déjà transpercé Paris de sa grâce et de son intensité. Le groupe est, comme à son habitude, blindé de talent et d’aisance. Jordan est transcendé par ses chansons alors que Adam joue constamment dos aux spectateurs sans pour autant pousser l’arrogance à son paroxysme. Brad, à la batterie, est diablement précis et fait groover les chansons comme jamais. Il fait chaud dans la salle et l’audience s’époumone à essayer de suivre le flow de Jordan. “A Letter” marque une pause dans ce début de set hyper énergique et instaure une mélancolie palpable dans la salle. Une mélancolie qui se transformera en rancoeur sur “For Mayor In Splitsville” : décidément, la formation sait y mettre les formes. Si La Dispute reste assez sobre, on peut noter l’ajout de bandes entre chaque chanson, souvent des conversations enregistrées ou des bruits d’ambiance qui appuient à merveille l’univers des musiciens. Le concert prend une dimension différente lorsque la sublime “Safer In The Forest” est jouée. Absente de la dernière setlist jouée par le groupe à Paris, cette chanson centrale de “Wildlife” reste l’une des plus grandes compositions du quatuor. Et elle est magnifiée lorsqu’elle s’enchaine avec la non moins sublime “Woman (Reading)” issue de “Rooms Of The House” (2014). Ce temps fort nous conduit, tranquillement mais avec énormément d’émotion, vers la fin d’un set conclu par cette “Hudsonville, MI 1956” que toute la salle connait par coeur. Pourtant, La Dispute a beau quitter la scène après cinquante petites minutes de set, une partie de la salle frémit toujours car elle sait que le meilleur est à venir. Attendue en Europe depuis de longues années, La Dispute décide d’inclure la fameuse “The Last Lost Continent” dans la setlist. Enfin. Morceau de bravoure de douze minutes, juste l’une des plus grande chanson que le petit monde du hardcore a pu nous offrir ces dernières années. Et Dieu que c’est bon. De ce “I felt your sickness” d’ouverture, des riffs géniaux de la guitare ou de la rythmique tribale de la batterie, ces douze minutes sont une route sinueuse et sombre vers un orgasme sonore parfait.
La Dispute a fait son concert annuel en France et a, une fois de plus convaincu, notamment grâce à une fin de set comme rarement entendue. Ce groupe est à part et, le restera, au moins jusqu’à ce prochain album que l’on attend déjà avec impatience. Two Inch Astronaut aura permis au public parisien de le découvrir et d’ouvrir une soirée qui, à défaut d’être mémorable, n’aura pas déçu et aura offert quelques gros frissons. Et c’est parfois suffisant.
Setlist :
King Park
First Reactions After Falling Through The Ice
The Most Beautiful Bitter Fruit
A Letter
For Mayor In Splitsville
Woman (In Mirror)
Stay Happy There
Harder Harmonies
Safer In The Forest/Love Song For Poor Michigan
Woman (Reading)
Extraordinary Dinner Party
HUDSONVILLE, MI 1956
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The Last Lost Continent