Machine Head – ØF KINGDØM AND CRØWN

Qu’il est difficile de répondre aux attentes engendrées par un grand disque. Après un Blackening (2007) adoubé comme une œuvre majeure des années 2000, les Américains de Machine Head ont connu bien des remous, au point de procéder à un lifting quasi-complet du line up. Dès lors, Robb Flynn, chanteur et dernier membre fondateur, a choisi d’innover en s’attaquant à un pari aussi risqué qu’intrigant : créer un album conceptuel inspiré d’un manga.

Welcome to the dark parade

Né du temps partagé avec ses enfants pendant la pandémie, ce dixième disque s’inspire de l’anime japonais l’Attaque Des Titans. Les treize morceaux racontent en effet ‘’histoire de deux antagonistes, convaincus du bien-fondé de leurs actes en dépit de leur frénésie meurtrière.

Cet univers dystopique voit ainsi évoluer Eros, entrainé dans la spirale destructrice d’une secte rejointe suite à l’overdose de sa mère. Son destin est lié à Ares, engagé dans une vendetta sanglante après que l’amour de sa vie ait été assassinée par cette même secte.

Entre cette influence japonaise et l’appétit de Flynn pour l’expérimentation, (le Dropkick Murphysien “Bastard”, présent sur l’album précédent, vaut à ce titre le coup d’œil !) les fans pouvaient légitimement se demander dans quelle direction le groupe allait se diriger. Ici, pas de Babymetal à l’horizon, mais un retour aux sources made in Bay Area.

Un Robb de gala

Oubliez le controversé Catharsis (2018), ØF KINGDØM AND CRØWN revient à ce qui a fait la renommée des Californiens : un groove metal du meilleur goût, où l’épique a toute sa place.

Ce souffle épique est directement injecté dès les premières notes du titre d’ouverture, “Slaughter The Martyr”. Cette chanson fleuve de dix minutes rappellera des souvenirs aux aficionados de The Blackening. Chant poignant, accélérations savamment placées et breaks dévastateurs, cette entrée en matière nous plonge instantanément dans une ambiance crépusculaire.

Si le quatuor montre son savoir-faire sur des titres à tiroirs, il sait aussi délivrer des morceaux concis et efficaces. Comme s’ils voulaient tout de suite lever les doutes sur leurs capacités, les nouveaux batteurs et guitaristes se déchainent sur “Chøke øn The Ashes øf Yøur Hate” et “Becøme The Firestørm” nous emportant dans une tornade de frappes et de riffs heavy jubilatoires.

Un récit tout en maitrise

Véritable point fort du disque, l’enchainement des compositions est un modèle du genre. Après nous avoir pris à la gorge avec ces deux déflagrations, l’interlude “Overdose”, marquant le décès de la mère d’un des protagonistes, nous permet de respirer (avec une paille, certes) avant que le groupe ne nous cueille avec les envolées mélancoliques de “My Hands Are Empty”. Cette alchimie d’une grande cohérence sert vraiment le propos, et nous embarque dans un univers que l’on imagine sombre, violent, sans être dénué de sentiment (le poignant “my hands are empty, kill me gently“).

Mêlant avec bonheur titres incandescents (“Røtten”, “Bløødshøt”), hymnes fédérateurs (“Nø Gøds, Nø Masters”) et morceaux plus mélodiques (“Unhalløwed”, “Arrøws In Wørds Frøm The Sky”), ØF KINGDØM AND CRØWN se révèle être un album très riche se dévoilant au fil des écoutes.

Machine Head parvient complètement à nous immerger dans un imaginaire post-apocalytique, où les quelques touches de lumières distillées donnent du relief à la violence ambiante. Avec cet album concept inspiré de l’Attaque Des Titans, Machine Head fait définitivement tout sauf acte de présence.