Après une première tournée française de trois dates fin 2015, Ghost revenait pour un vrai tour de France en huit étapes afin de célébrer son “Black To The Future Tour”. C’est dans la capitale historique de l’Aunis, à La Rochelle, que nous sommes allés constater l’évolution scénique d’un des groupes les plus prometteurs de sa génération.
Le concert de La Rochelle affiche complet, comme dans toutes les villes. Pour cause, l’ascension de Ghost a été fulgurante, ce qui est d’autant plus frappant dans le contexte musical actuel. Alors qu’en 2010 ils cumulent que trois concerts dans leur carrière, les Suédois se voient programmer au Hellfest l’année suivante. Il faut dire qu’avoir le même manager que Slayer ça aide. Mais l’heure n’est pas aux spéculations, Ghost en live a toujours été digne d’intérêt ne serait-ce que pour ses performances visuelles et c’est la raison qui nous pousse à le revoir une nouvelle fois sur scène.
Pour cette date 100% suédoise et tout comme en décembre dernier c’est DEAD SOUL, projet barré du duo (trio à la scène) Anders Landelius (aka Slidin’ Slim)/Niels Nielsen, qui ouvre la cérémonie. Signé sur le label d’Anders Fridén (In Flames) Razzia Notes Records, la formation originaire d’Östergötland est un subtil mélange de Nine Inch Nails/ Nick Cave/Johnny Cash qui s’aventure dans un blues doomesque aux ambiances indus trippantes à souhait. Si cette association est captivante la surprise réside également dans la mise en scène minimaliste. Seuls deux guitaristes accompagnent le chanteur, relayant les parties de basse et de batterie à des samples, ce qui procure une certaine froideur à l’ensemble. Entrainant, facile à retenir, le public qui pour la plupart les découvre joue le jeu. Certes Dead Soul ne laissera pas indifférent, mais la complexité des influences nous laissera emplit d’un sentiment de confusion et de perplexité qui ne pourra être levé que lorsqu’on aura dompté sur album “The Sheltering Sky”, le dernier projet sorti en octobre dernier.
Quelques minutes de latence, le temps de mettre en place l’imposante scénographie de GHOST et nous voilà directement plongés dans la liturgie avec le “Miserere Mei, Deus” de Gregorio Allegri. Notre impatience se fait ressentir, Quinze minutes d’introduction ça fait long, d’autant plus qu’elle s’enchaine sur une seconde, la coutumière “Masked Ball” de Jocelyn Pook extraite du film “Eyes Wide Shut” de Stanley Kubrick. L’encens de Nazareth embaume désormais jusque dans la salle du bas où a eu lieu quelques heures auparavant la présentation du livre du Hellfest. Le chœur est planté, le Clergé peut enfin se dévoiler sous un sublime jeu de lumière. L’audience est en voix, l’attente l’a chauffé à blanc.
D’entrée, Ghost attire l’audience avec les excellents “Spirit” et “From The Pinnacle To The Pit” tout deux extraits de “Meliora“. S’ensuit deux des trois extraits de l’occulte “Opus Enonymous”, “Stand By Him” et le mystique “Con Calvi Con Dio”. Taillés pour être joués en live, grâce à des refrains fédérateurs et surtout un sens mélodique incroyable, les morceaux captent l’attention. Le son est d’une pureté incroyable, cependant contrairement à beaucoup qui sont subjugués par ce dernier, nous aurions préféré avoir un rendu moins peaufiné afin de découvrir ces prières sous un nouveau jour. La perfection du son fait nettement ressortir l’aspect pop des albums, d’autant qu’une grande partie du set est consacrée à “Infestissumam” (“Per Aspera Ad Inferi”, “Body And Blood”). Depuis déjà quelques titres, le Pape a ôté sa chasuble et sa mitre au profit d’un costume et d’un maquillage noir et blanc de dandy décadent. L’enchainement tant attendu de “Cirice” repris à l’unisson par les enfants de chœur et “Year Zero” fait des émois. L’incantation “Belial, Behemoth, Beelzebub, Asmodeus, Satanas, Lucifer” est scandé par tous les adeptes.
La surprise de ce soir ne réside pas dans la setlist qui est en tout point similaire aux autres dates mais dans le fait de voir que tout n’est pas centré sur l’aura de Papa Emeritus III. Les Nameless Ghouls ont désormais une mission bien définie et font preuve d’une précision et d’une cohésion démoniaque. Par sa gestuelle, sa voix angélique et cristalline sa sainteté envoûte ses adeptes qui boivent les prières de leur prophète sans mot dire. Il prend désormais le temps de blaguer comme pour mieux nous endoctriner, et ce n’est pas l’excellente mise en scène, ni même l’acoustique “He Is” qui feront retomber cette ambiance cathédralesque. L’émotion quelque peu mièvre est au rendez-vous avec l’interprétation débranchée de la reprise “If You Have Ghosts” de Roky Erickson. Alors que jusqu’au bout on espérerait un “Elizabeth” ça sera “Ritual” qui lui volera la vedette et “Monstrance Clock” qui mettra fin au rituel.
La réalité refait brutalement surface lorsque les lumières se rallument. Encore sous les effets de l’hypnose, l’assemblée se dirige lentement vers la sortie. L’heure est déjà au constat, et une légère déception se fait ressentir. Effectivement il y a parfois des formations qui vous échappe, et c’est bien le sentiment majeur que nous aurons ce soir-là. Non pas que les Suédois aient été mauvais, bien au contraire, mais Ghost est devenu une machine, et c’est probablement comme cela qu’ils ont envie d’être perçu. Avec des influences désormais plus proches des Beatles que d’un King Diamond, Ghost rallie aujourd’hui un public très large de metalleux avertit mais aussi de curieux. Il faut ajouter qu’on regrette le chemin de croix moins blasphématoire que le groupe a pris avec son second album et qui se ressent désormais dans ses prestations. Cependant, nous nous sentons tout de même bénis par ce rituel cathartique précis et cette facilité horrifiante que le combo a de captiver l’auditoire à renfort de messes noires originales, soigneuses et atypiques.
Setlist :
Spirit
From The Pinnacle To The Pit
Stand By Him
Con Clavi Con Dio
Per Aspera Ad Inferi
Body And Blood
Devil Church
Cirice
Year Zero
He Is
Absolution
Mummy Dust
If You Have Ghosts
Ghuleh/Zombie Queen
Ritual
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Monstrance Clock