Foo Fighters – But Here We Are

En 2022, la mort soudaine de Taylor Hawkins laissait Foo Fighters dans une douloureuse incertitude quant à son avenir. En 2023, un nouvel album sort, une tournée mondiale est annoncée et Josh Freese rejoint le groupe derrière les fûts. Comment aborder la mort de proches à travers la musique ? C’est le délicat défi que propose Foo Fighters.

La mort comme héritage

Les deux derniers albums de Foo Fighters manquaient cruellement d’inspiration. La formation semblait s’être installée dans une zone de confort qu’elle n’arrivait plus à dépasser. Avec But Here We Are, Dave Grohl et ses acolytes renouent avec leurs premières amours. Cela commence avec “Rescued”, qui ouvre le disque avec des paroles percutantes. “It came in a flash/It came out of nowhere” (Cela est arrivé comme un éclair/Cela venait de nulle part). Alors que Grohl a l’habitude de construire des titres avec des envolées lyriques et des variations d’octaves pour exprimer vocalement la progression d’une chanson, ici il emprunte un chemin différent. Sa voix exprime une forme de résignation plaintive, mêlant parfois optimisme et douleur. C’est une façon plus nuancée de transmettre les émotions liées à son deuil. Un autre retour aux sources se trouve dans “Under You” avec ses airs enjoués et son énergie faussement naïve, rappelant The Colour And The Shape (1997).

“The Teacher” se positionne comme la pièce maîtresse dédiée à Virginia Grohl. Durant les dix minutes de ce morceau, le chanteur emmène l’auditeur dans un voyage introspectif au cœur d’une relation parent-enfant confrontée aux défis de la mort. Il se questionne sur la transmission, l’après, l’annonce de sa propre mort à venir et celle des êtres qui lui sont chers. “The Teacher” se présente comme une sorte de chevauchée épique. Il débute de manière planante, avec des riffs incisifs soutenus par une batterie galopante, puis laisse place à un abandon et se conclut avec une émotion contenue sur le mot “goodbye” (au revoir). Le groupe évite de sombrer dans des passages larmoyants et trouve une douceur, une excitation et une forme d’apaisement. C’est un morceau plutôt inattendu dans la discographie de Foo Fighters, soulignant brillamment sa capacité renouvelée à composer en dehors des sentiers battus.

Accepter pour avancer

Cependant, l’album manque de titres un peu plus énervés. Des traces de colère, souvent ressentie après une perte aussi soudaine et inexpliquée, auraient pu ajouter du piment. Il y a une certaine résignation dans le titre éponyme “But Here We Are”. Dave Grohl pousse sa voix sur certains mots, atteignant presque le cri pour donner plus de force au message. Cependant, il reste dans un contrôle (trop ?) rigoureux. “Nothing At All” séduit au début avec sa basse groovy et la mélodie de son pré-refrain, mais perd en qualité dans un refrain trop formaté. “Show Me How” peine à convaincre car il manque de dynamisme. Quant à “Beyond Me” et “The Glass”, elles offrent deux ballades dans des styles bien différents. Si la première manque légèrement le coche, “The Glass” bénéficie d’une introduction poignante et d’un minimalisme réussi.

L’ensemble se conclut avec “Rest”, un titre qui met en avant le sentiment d’acceptation et de calme. La chanson crée une atmosphère mêlant légèreté et lourdeur, avec une touche psychédélique. C’est une belle façon de dire au revoir. D’ailleurs, si l’album est dédié à Taylor Hawkins et Virginia Grohl, il est difficile de ne pas penser que le groupe s’est formé à la suite d’une tragédie. L’ombre de Kurt Cobain plane ainsi tout au long des morceaux. Dave Grohl a traversé de manière très publique et très pudique des épreuves douloureuses qu’il semble canaliser à travers cette magnifique chanson et cet album.

But Here We Are résonne comme un renouveau créatif au milieu du deuil.