Après Nancy, Bordeaux, Lyon et avant Marseille, Muse, l’un des groupes britanniques les plus connus au monde, faisait un arrêt à Saint-Denis. Un show glam, un show rock, un show explosif qui ne déroge pas à la réputation du groupe. Retour sur cette soirée ébouriffante.
C’est sous un cagnard éreintant que l’attente se fait dans l’enceinte du Stade De France. Certains patientaient à Saint-Denis dès la matinée, d’autres ont peut-être campé là la veille. Une habitude pour certains fans bien rodés à l’exercice. Moins d’une heure avant le début des hostilités, la fosse est déjà remplie à plus de la moitié de sa capacité. Il en est de même pour les gradins. Le public est venu en masse et tôt pour assister à ce show.
Un rock plus que OK
Il est 19h lorsque le premier groupe foule la scène du Stade De France. Il s’agit du quatuor japonais ONE OK ROCK, qui compte déjà près de dix-huit ans de longévité et dix albums à son actif. Le set est court (trente minutes) mais suffisamment long pour évaluer l’efficacité des morceaux du groupe. La majorité provient du dernier album, Luxury Disease (2022). Sans trembler, le frontman Takahiro Moriuchi occupe l’espace de la scène comme s’il s’était déjà produit à Saint-Denis plusieurs fois. Le charisme est au rendez-vous. Le public semble apprécier, bien que les premiers rangs se montrent plus enthousiastes que le reste de la foule.
Royal bass
Il est 20h et c’est ROYAL BLOOD qui monte ensuite sur scène pour la seconde première partie. Habitué des scènes de festivals, le duo attaque son set en confiance avec un “Out Of The Black” massif.
Malgré un mix un peu noyé au début, la voix laisse bien résonner la lourdeur des riffs de basse de Mike Kerr. Que ce soit dans la fosse ou dans les gradins, on peut voir des têtes hocher. Quelques moshpits éclatent déjà à l’avant, laissant présager de bons moments pour les plus énervés. Le groupe passe en revue ses trois albums ainsi que celui à venir avec le single “Mountains At Midnight”, avant de finir sur un “Figure It Out” incendiaire. Un final qui ne peut que nous faire regretter l’annulation du concert au Zénith parisien l’année dernière.
Muse 2.023
Cela fait sept fois que MUSE investit le Stade De France depuis le début de sa carrière. Après un show en 2019 mitigé, où la scénographie millimétrée prenait le pas sur la spontanéité, on attend le trio avec quelques appréhensions.
Les dates de 2022 et 2023 ont montré que le groupe ne s’était pas détaché de toute cette machinerie, certes spectaculaire, mais trop bien huilée. Heureusement, elles ont également montré que les trois musiciens avaient revu la grandiloquence à la baisse pour cette tournée. Pas de beaucoup, tant l’on sait que la grandiloquence fait partie de l’ADN du groupe depuis ses débuts. Mais finis les danseurs sur scène. Si Matthew Bellamy, Chris Wolstenholme et Dominic Howard voient toujours les choses en grand et en spectacle, le groupe semble revenir à une certaine forme de simplicité.
Les quatre musiciens (en comptant Dan Lancaster, recruté pour cette tournée) occupent seuls la scène. Seuls ou presque, car la scénographie évolue tout au long de la soirée, avec quelques surprises en prime. Le groupe propose en effet un concert avec un peu de storytelling. La setlist est ainsi parsemée d’interludes qui reprennent en partie les thèmes et l’iconographie de l’album Will Of The People paru en août dernier.
Le sens de la fête
Le bémol de l’installation pour cette tournée est la taille des écrans censés permettre aux spectateurs au fond des gradins de voir un minimum de ce qui se passe sur scène. Les écrans sont là, certes, mais trop petits. On peut critiquer autant qu’on veut la scénographie du Simulation Theory Tour, mais sur ce point, elle ne décevait pas.
Sur scène, une installation enflammée reprenant les initiales du titre du disque rejoint le trio dès le début du show. Du Muse pur jus. Le public a également droit aux jets de flammes sur les moments épiques et plus rocks (“Won’t Stand Down”, “Kill Or Be Killed”), ainsi qu’aux éternels jets de confettis et rubans (“Verona”) qui ne manquent jamais de faire réagir le public.
Et puis il y a Will et Bath. Qui ça ? C’est ainsi que les deux figures géantes qui se dressent derrière Bellamy et compagnie ont été baptisées pour la majorité du concert. Un gimmick déjà vu sur la tournée précédente et que l’on espère ne pas revoir lors de la prochaine. Même s’il faut avouer qu’il fait toujours un petit effet lors de sa première apparition.
Ici c’est Muse France
Étonnamment, c’est du côté des gradins qu’il faut se tourner pour voir une démonstration spectaculaire. Comme à son habitude, le fan club Muse France a organisé un TIFO gigantesque dans l’enceinte du stade. Pour saluer le groupe, et aussi montrer que c’est en France que l’on trouve les meilleurs fans. Un commentaire totalement subjectif, mais que le groupe n’a jamais vraiment nié lui-même.
Les gradins situés à l’opposé de la scène sont ainsi chargés d’afficher le titre de l’album, ainsi que des flammes géantes après le morceau d’ouverture “Will Of The People”, pour accueillir la formation. Un groupe tellement pris dans le fil de son show, déjà prêt à enchaîner avec le furieux “Hysteria”, que l’on se demande s’il a bien vu le TIFO. Heureusement, il a été repartagé quelques heures plus tard sur les réseaux sociaux.
Soirée best of
Ce manque apparent de réaction et cette faculté à enchaîner les morceaux sans un seul accroc montrent à quel point la mécanique est bien huilée. Trop peut-être, car autant d’organisation pour assurer un show exemplaire laisse peu de place à la spontanéité. La preuve en est ce qui s’est passé quelques jours plus tôt au festival Rock Werchter. La performance de “Knights Of Cydonia” a dû être écourtée en raison de problèmes techniques. Mais le groupe a compensé en jouant l’un de ses morceaux phares et particulièrement aimé des fans hardcore, “Showbiz”. Certains espéraient même que les Britanniques en profitent pour revoir un peu leur setlist pour la suite de la tournée. En vain.
Muse a taillé cette tournée pour la scène et pour son public. Et avec quatre-vingt mille spectateurs ce soir-là, la proportion de fans connaissant même les B-sides les plus obscures ne représente sûrement pas la majorité du public. Alors, même si l’on regrette que le groupe n’injecte pas plus de variété dans ses setlists (“New Born”) et privilégie ses singles ultra-connus, force est de constater que ce choix fonctionne à merveille.
Les singles majeurs de la discographie sont toujours là, éternels. La basse de “Hysteria” fait trembler d’excitation, le riff de “Plug In Baby” fait sauter tout le monde. Sans parler de la pléthore de refrains ultra fédérateurs, taillés pour les stades, que les quatre-vingt mille spectateurs reprennent en chœur (“Starlight”, “Time Is Running Out”, “Uprising”, etc.). Le groupe réserve également quelques surprises sorties du chapeau, comme “Resistance” ou encore “Bliss”, extraite de Origin Of Symmetry (2001). Ceux qui connaissent les setlists sur le bout des doigts regretteront que ces chansons aient pris la place d’autres encore plus rares. Mais pour un concert de cette envergure, le choix n’est pas vraiment frustrant.
Mission accomplie
D’autant que c’est toujours un réel plaisir de voir le public réagir comme il le fait et de simplement sauter et hurler les paroles à tue-tête. Jusqu’à en faire craquer sa voix. Cela prend une saveur toute particulière lorsqu’arrive “Knights Of Cydonia”, avec son refrain plus que fédérateur et son outro à ranger au panthéon des meilleurs riffs de guitare de l’histoire. Un final d’une efficacité redoutable, qui ne se dément pas depuis 2008.
Si l’on devait comparer avec son homologue de 2019, ce passage de Muse au Stade De France gagne en qualité ce qu’il perd (un peu) en grandiloquence et en kitsch. Muse fera toujours du Muse, c’est aussi pour cela que chaque concert est un petit événement en soi et que l’on en ressort en général avec un beau sourire aux lèvres. Et parfois quelques litres d’eau en moins.