Alcest en 2014. Anathema la même année. Deux groupes qui ont déjà tourné ensemble aux Etats-Unis. Mais surtout deux groupes qui avaient foulé la salle mythique du Bataclan un an avant la terrible tragédie. Ce soir, il ne s’agit pas de ressasser le passé mais plutôt d’aller de l’avant. Quoi de mieux qu’un dernier album intitulé “The Optimist” pour cela ?
A peine 19h passée, “Onyx”, instrumentale sombre et ambiante qui clôture “Kodama” (2016), résonne avant qu’ALCEST n’entame la chanson éponyme devant un Bataclan timidement rempli. Les machines à fumée et les superbes jeux de lumières s’en donnent à cœur joie pour couvrir la prestation d’une aura et d’une atmosphère particulière. Toujours à l’aise avec l’exercice du live, les musiciens font corps avec leurs instruments et s’emparent de la scène avec une aisance unique. Les longues pistes s’enchaînent et ne se ressemblent pas, au rythme de titres anciens et fédérateurs (“Là Où Naissent Les Couleurs Nouvelles”) mais aussi de morceaux plus récents qui sont tout aussi ravageurs (“Eclosion”). Point commun surprenant de ces morceaux : Neige nous offre sa voix criarde sur la quasi-totalité des titres ! Le musicien explique que chaque concert “à la maison” est spécial mais que celui-ci l’est encore plus pour des raisons évidentes. Après un “Percées De Lumières” dantesque, le traditionnel final sur “Délivrance” résonne comme un long flottement, où les arpèges éthérés et les voix angéliques semblent résonner sous un jour nouveau. Le titre prend ce soir une toute autre dimension. En une heure, Alcest livre un set compact, professionnel et, une fois n’est pas coutume, émouvant.
20h30. le Bataclan est maintenant plein à craquer et l’instrumentale “San Francisco”, point de départ de notre voyage sonore, lance le concert. Les membres d’ANATHEMA investissent chacun leur tour la scène pour entonner “Untouchable pt. 1 & 2”. Dès le début, les voix de Vincent Cavanagh et Lee Douglas font communion avec le public et l’invitent à chanter à cappella, quitte à se mettre en retrait derrière le micro. La joie du chanteur est palpable lorsqu’il s’exclame dans un français parfait : “Paris vous êtes beau !”. Complice, souriant et énergique sont les trois adjectifs qui pourraient décrire au mieux le groupe sur scène. L’émotion est authentique, vibrante et à mesure que les titres de “The Optimist” s’enchaînent sous des lumières et un son cristallin parfaitement équilibrés, on comprend que l’histoire qui se cache derrière l’album est transposable à celle qui s’est déroulée en ces lieux le 13 novembre 2015.
En 2001, Anathema sortait “A Fine Day To Exit”, dont la pochette montre une voiture accidentée sur une plage : un homme a perdu sa femme et son enfant. En 2017, “The Optimist” nous montre une voiture dont les phares, presque aveuglants, reflètent la détermination de son conducteur à se débarrasser de ses vieux démons lors d’un voyage initiatique. C’est exactement cette expérience que propose de vivre Anathema ce soir, à travers un fil conducteur et des morceaux tantôt électriques et acoustiques, tantôt sombres et hésitants (“Springfield”, “Can’t Let Go”) tantôt bardés de lumières (“Dreaming Light”, “Thin Air”). Et quand la voix de Lee se mêle à celle de Vincent, l’émotion est à son comble et notre corde sensible n’a jamais été aussi aiguisée et sollicitée.
Les Anglais font tout de même un bond en arrière avec l’électronique “Closer” avant de quitter la scène pour revenir déclarer une énième fois leur amour à Paris sur “Distant Satellites”. Alors que la fin se fait sentir, Daniel Cavanagh demande à tout le monde de brandir son téléphone avec la lumière orientée vers le plafond. Anathema se lance dans une magnifique version de “A Natural Disaster” avant d’afficher sur l’écran derrière, “nous n’oublions pas”, mention très vite rejointe par le nom des victimes de la tragédie.
Si l’hommage est touchant, c’est aussi la sincérité du groupe qui émeut : les frères Cavanagh ne cachent pas leurs larmes et observent longuement l’assemblée dans une communion des regards. Et alors que résonnent les dernières notes après deux heures de concert, Vincent remercie infiniment l’audience d’être venue : “Vous êtes courageux Paris, merci d’être venu dans cette salle historique. J’ai vécu sept ans à Paris et vous représentez le Paris que j’ai toujours aimé. Nous n’avons pas peur”.
Il y a des musiciens professionnels. Il y a des êtres pourvus d’une grande humanité. Et quand il y a une synergie parfaite entre les deux, il y a Anathema. Un concert qui restera gravé dans les mémoires et qui prouve que la magnifique salle du Bataclan a encore de beaux jours devant elle.
Setlist :
San Francisco
Untouchable pt. 1
Untouchable pt. 2
Can’t Let Go
Endless Ways
The Optimist
Thin Air
Lightning Song
Dreaming Light
The Beginning And The End
Universal
Closer
—-
Distant Satellites
Springfield
Back To The Start
A Natural Disaster
Fragile Dreams