KYO fête les vingt ans de son album culte Le Chemin avec une réédition et une pléthore de bonus. RockUrLife a pu échanger avec la moitié du groupe autour de ce disque, cette réédition et les deux décennies traversées.
Benoît Poher (chant) : Bonjour, c’est Ben du groupe KYO.
Nicolas Chassagne (guitare) : Et c’est Nico du groupe KYO. J’ai essayé de prendre la même voix que toi. (rires) Tu verras, ma voix est légèrement plus haute que celle de Ben, qui est plus grave. Là cela ne se voit pas mais dès que je vais répondre à une question (prend une voix plus aiguë) j’ai plus du tout la même voix. (rires)
(rires) Entrons dans le vif du sujet dès maintenant : il y a deux ans, vous fêtiez vos vingt ans de carrière et maintenant c’est à l’album Le Chemin de souffler vingt bougies.
Benoît : On ne fait plus que des anniversaires !
(rires) C’est pas encore tout à fait cela, non ! Mais justement, quel est votre regard sur les deux décennies qui sont écoulées ?
Benoît : Il y a beaucoup de souvenirs, mais je pense que c’est justement cette longévité dont on est le plus fier, je dirais. Parce que c’est sûr que c’est un métier qui peut être un peu précaire. Et on a vu tant d’artistes, à l’époque où on faisait des plateaux multi-artistes ou des festivals, pour qui aujourd’hui tu ne sais plus trop ce qu’ils font. Et c’est vrai que nous, on a cette chance de repartir en tournée dans des Zéniths qui vont être complet -qui le sont pour la plupart-. Autant à l’époque quand on était tout jeunes, on était juste en mode kiffance, c’est-à-dire : “C’est extraordinaire, c’est trop cool, on s’éclate“, autant là, avec le poids des années, on a vraiment conscience de cette chance qu’on a de pouvoir encore faire ce truc qu’on aime le plus au monde et de le faire encore vingt ans après.
Nicolas : Oui, c’est vingt années bien remplies, comme dit Dave : “J’aimerais pas faire le chemin en arrière“. (rires)
Benoît : (rires) Dave maintenant !
Nicolas : Oui. C’est mon maître à penser.
Benoît : Alors en fait c’est pas à la voix que tu vas le reconnaître, c’est aux réfs ! (rires)
Nicolas : Non attends, qu’est-ce que je voulais dire ? Parce que j’avais une idée… Ah si ! S’il fallait refaire ces vingt années, je crois que je ne changerais rien. Justement, je trouve qu’il y a très peu d’erreurs dans ces vingt années. Il y en a. Mais en même temps, ce sont des erreurs qui nous ont amenés là où on est aujourd’hui et je trouve que c’est un beau parcours.
S’il y avait pas eu ces erreurs, vous ne seriez peut-être pas à ce stade non plus.
Benoît : C’est toujours ce truc où tu te dis : tu changes un petit truc et c’est une autre trajectoire.
Tu parlais de longévité juste avant. Comment vous l’expliquez ?
Nicolas : (réfléchit) Le talent, je ne sais pas. (rires)
Benoît : Le talent d’Achille ! (rires) Moi, je pense que, au départ, pour que cela marche, en tout cas quand, justement avec l’album Le Chemin on a commencé à rencontrer ce succès qui nous a un petit peu dépassé. Je pense qu’il y a trois facteurs. Déjà, il faut un minimum de talent.
Nicolas : Tu veux dire pour tout le courrier ? (rires)
Benoît : Tu vas faire la blague sur la poste ? Oh putain, c’est pas possible ! Eh les gars, c’est la fin de journée, je crois qu’il est chaud. (rires)
Nicolas : Je pensais qu’il y ait trois facteurs. Maintenant j’ai aperçu qu’il y en avait un quatrième (éclate de rire) Et depuis j’en vois plein d’autres.
Benoît : Il y a combien de Pères Noël tu crois pour tous les petits ? (rires)
Je pense qu’il faut avoir un truc, en tout cas une singularité, qui fait que tu vas te différencier des autres artistes. Il y a du taf, c’est-à-dire qu’on a bossé vraiment comme des fous, surtout à l’époque du Chemin où il y avait plus de quatre-vingt morceaux. Je crois que j’en rajoute dix à chaque interview. (rires) Mais je crois qu’il y en avait à peu près quatre-vingt !
Nicolas : Il y en avait mille deux-cent ou mille trois-cent en fait.
Benoît : Et le facteur chance, qui est quand même un truc qui est présent. C’est faire la musique au bon moment, quand les gens ont envie et sont réceptifs à cela. Et cela, c’est un truc que tu peux pas calculer.
Et après, pour répondre à la question de la longévité, on va plus être sur l’aspect travail, bosser sans arrêt, essayer de se renouveler, essayer d’améliorer tout : que ce soit les arrangements, les textes. D’essayer d’être très curieux aussi de ce qui se fait autour. Parce qu’à la fois, le but n’est pas de déstabiliser les fans et de perdre ce qui fait notre singularité, justement. Mais on a toujours écouté beaucoup de choses, tous les trucs qui sortent, on est toujours curieux de cela. Pour essayer de rester pertinent et de faire une musique qui touche même les nouvelles générations.
On parle de succès et de longévité. Vous pensiez atteindre ce niveau de réussite avec Le Chemin ?
Benoît : On espérait beaucoup. On pensait avoir des morceaux forts, mais clairement, on n’avait pas imaginé un succès pareil. Et surtout, discuter avec vous, vingt ans après encore, de cet album-là.
Vous étiez dans quel état d’esprit quand vous l’avez enregistré il y a vingt ans ?
Benoît : On sortait d’une loose, quand même, hein !
Nicolas : Oui. Oui, c’est cela. L’album d’avant : très excité, à peu près sûr que cela allait marcher. Et putain cela ne marche pas. Et on n’était pas non plus désespérés. Je trouve qu’on était entre les deux, dans l’idée de penser à l’album puis de voir ce qui se passe après. Avec quand même une sensation de se dire qu’on était quand même en train de faire un truc chouette. Après, des fois, tu fais des trucs chouettes, cela ne marche pas, tu fais des trucs moins bien, cela marche. Ce n’est pas forcément lié, mais…
Benoît : Oui, c’est vrai qu’on avait une grosse marge de progression. On savait très bien qu’on apprenait le métier. Moi, je me suis toujours posé la question. Qu’est-ce qui est le plus cool entre faire un premier album énorme, qui cartonne et qu’après, toute ta vie, les gens te disent : “Le premier album, c’est le meilleur, machin, tout cela“. Et nous, ce n’est pas le cas. On a appris petit à petit, on s’est amélioré. Et puis, l’autre truc aussi, c’est que tout simplement on habitait encore chez nos parents et on avait à manger, on avait un toit et on faisait pas cela pour survivre. On n’avait pas ce stress-là, on était jeunes en fait.
Est-ce qu’il y a beaucoup de fans qui vous disent encore que c’est justement cet album-là qui est le meilleur pour eux ?
Benoît : Un truc qui nous fait plaisir -mais vraiment- ,qui est une grande satisfaction, c’est que, il y a Le Chemin, évidemment, mais il y a aussi beaucoup La Part Des Lions, qui est le dernier. Il y a pas mal de gens qui nous disent : “Ce sont mes deux albums préférés de KYO“. Donc cela c’est hyper satisfaisant parce qu’il s’est passé justement vingt ans entre les deux et cela fait plaisir.
Nicolas : Après on a la chance d’avoir un public qui est quand même super content à chaque fois qu’on sort un album et qui voit le travail qu’on a essayé de faire et les messages qu’on a essayé de faire passer. Et quand même, je pense qu’en concert, on voit bien qu’ils ont un affect particulier avec certaines chansons de l’album Le Chemin, parce que cela, c’était vraiment un moment donné de leur vie. Mais c’est vrai que même le dernier album, en effet, il a reçu un super accueil en concert, sur les commentaires, tout cela.
Benoît : Après on n’en a pas vendu un million cinq comme à l’époque, mais en tout cas, les fans l’ont adoré. De temps en temps, je sors cette anecdote où on est sur scène et je regarde et puis je me dis qu’ils ont quand même l’air assez jeune ceux qui sont aux premiers rangs. Et je me dis : “Mais quel âge ils avaient quand Le Chemin est sorti ?“. Je les vois pas réactif à fond et là on lance “Le Graal” et ils pètent un câble. Et je me dis que ce sont des gamins qui ont découvert KYO avec “Le Graal”, c’est le morceau qui les a ambiancé. Et je me suis dit que c’est incroyable, qu’ils connaissent peut-être même pas vraiment les débuts du groupe ou beaucoup moins bien.
C’est vrai que nous les vieux on est souvent à l’arrière maintenant.
Benoît : Il y a de cela, tu n’as pas tort, tu n’as pas tort. Mais tu dis vieux, vous êtes pas vieux vous. (rires)
Avec le temps on n’a plus forcément envie d’être en barrière et devoir quitter sa place pour chercher à boire.
Benoît : Et cela fait bien longtemps que nous non plus ! On ne va plus au premier rang.
Vous avez passé plusieurs mois à bosser sur la réédition. Comment vous sentez-vous maintenant qu’elle est dans la nature ?
Benoît : On est contents que ce soit terminé, parce que c’est vrai qu’on a bossé quand même pas mal dessus.
Nicolas : Oui, et puis, un moment donné, tu as l’impression que cela ne va jamais finir, parce qu’il y a mille questions, mille choses à régler, à gérer. C’était vraiment un boulot assez intense.
Benoît : C’était presque plus dur que de faire un nouvel album.
Nicolas : Pas loin, oui. Et du coup, on est assez contents d’avoir réussi à tout boucler dans les temps qu’on s’était donné. Et surtout contents du résultat parce qu’il est, je trouve, supérieur à ce que moi, j’en attendais au tout début quand on s’y est mis. Je suis vraiment super content de l’objet qu’on propose.
En quoi c’était peut être peut-être plus difficile que de produire un nouvel album ?
Benoît : Parce qu’il y a plein de questions qui se posent que tu te poses pas quand tu fais un nouvel album. Quand tu fais un nouvel album, tu essayes de faire les meilleures chansons, avec les meilleurs textes et les meilleurs arrangements, et c’est tout. Ta mission, c’est cela. Sur ce truc, si on s’éloigne trop de la version originale, les fans vont crier au scandale. Faut trouver les bons featurings. Nous, on s’est toujours dit qu’on ne voulait pas faire de faux feats arrangés, où on n’avait pas d’affect avec les artistes ou eux avec les morceaux. Donc on a que, sur cette réédition, des gens qui étaient impliqués et qui avaient vraiment envie de le faire et pour qui c’était important de le faire. Cela aussi, cela prend du temps. Et après, il a fallu faire le tri dans les vieilles maquettes pour choisir celles qu’on assumait de mettre telles quelles parce qu’on les a pas retouchées. C’est cela qui était fun, de se replonger dans l’époque. Donc tu as pas mal de temps consacré à cela alors que quand tu fais un album, tu as une mission qui est plus simple, c’est faire le meilleur album possible.
Puisque vous parlez des maquettes justement, elles sont toutes très sympathiques, en particulier “Le Pire”. Pourquoi celles-ci n’ont été retenues sur l’album il y a vingt ans ?
Nicolas : Elles auraient pu. On se dit souvent qu’on avait beaucoup de chansons à ce moment-là. Et volontairement, on voulait pas faire un album trop long. En tout cas, nous, dans les albums qu’on écoutait, on aimait bien le côté pas trop long d’un album. Et puis, peut-être que sur le coup, on s’est dit qu’elles faisaient un peu doublon avec d’autres. Et donc elles n’ont pas été sélectionnées. Mais elles auraient peut-être pu l’être le jour d’après si on en avait discuté.
Benoît : Je crois que, pour “Le Pire”, elle est pas arrivée juste un peu trop tard ? Je crois qu’elle est juste arrivé un peu trop tard. Mais Flo [Florian Dubos, guitariste du groupe] la chantait sur la tournée.
Oui en effet, il y a même un enregistrement qui a été mis en ligne sur YouTube. On entend surtout le public, donc c’est bien de la voir ressortir proprement sur la réédition. Toute à l’heure tu parlais des cinq morceaux que vous avez retravaillés avec des invités. Comment ces collaborations se sont faites ?
Benoît : À chaque collaboration sa petite histoire. On a fait “Dernière Danse” avec Cœur De Pirate. On l’avait quasiment jamais rencontrée avant cette collaboration mais c’est une artiste qu’on a toujours appréciée. Et on nous avait envoyé une vidéo d’elle qui reprenait “Dernière Danse” sur l’une de ses tournées et cela nous a paru naturel. Si elle aime cette chanson au point de la reprendre sur sa tournée, on va la contacter et cela s’est concrétisé.
Après, il y a le chemin avec Stéphane. C’est pareil, l’anecdote est marrante parce que j’entends pour la première fois son titre, qui s’appelle “Douleur Je Fuis”. On était dans un taxi et j’entends ce morceau-là puis j’entends : “Morceau de Stéphane, artiste qui monte” et tout. J’ai adoré le morceau. En sortant du taxi, je tombe sur un manager que je connaissais et qui dit : “Salut les gars, je vous présente Stéphane, artiste que je manage”. C’est incroyable. Coïncidence de ouf. Et je lui ai dit que je venais d’écouter son morceau pour la première fois et que j’avais trouvé cela trop bien. Après cela, elle a fait des premières parties pour nous sur La part Des Lions Tour. Du coup on a fait “Le Chemin” avec elle.
Après tu as “Je Cours” avec Nuit Incolore. Cela s’est fait un peu différemment. Je pense qu’on a des univers qui se rejoignent à plusieurs niveaux. Le côté darkness des paroles, ce truc là, on a cela en commun. Et là il nous dit un truc marrant. Parce qu’il est suisse et qu’il habite en haut d’une montagne dans un chalet, il nous a dit que sur la seule radio qu’il captait il y avait que KYO qui passait. C’était la radio KYO. Donc oui, je pense qu’il a entendu pas mal de KYO quand il était tout jeune.
Nicolas : Et puis cela a été assez rigolo de travailler avec lui. On a travaillé chez Flo [Florian Dubos], dans son salon. On s’est bien marrés.
Benoît : Pour le coup, [on a travaillé] sur un morceau de son album. On est en featuring avec lui sur son disque. Et le truc qui est aussi très rigolo, c’est que mes parents, ils m’ont quand même fait le coup de : “Mais quand est-ce qu’il chante Nuit Incolore ?” Je leur réponds qu’en fait son couplet venait de passer. Et ma mère qui me dit c’est pas possible, qu’on fait pas du tout la différence. J’envoie un message à Théo [Marclay, alias Nuit Incolore], il me répond : “Mec, il vient de m’arriver exactement la même chose. Mes parents n’arrivent pas à différencier nos deux voix !“
On doit avouer qu’on s’est fait la même réflexion sur ce morceau.
Benoît : D’accord, donc on a des voix similaires. Incroyable. Et il nous reste qui… CLOUD, qui a fait “Je Saigne Encore” avec nous. Moi, j’avais découvert son univers en festival. Tu sais, quand on a un festival, je regarde la programmation, je regarde qui joue en journée, voir si je peux aller regarder un petit concert sur le côté qui me plaît. J’avais vu CLOUD, mais ce n’était pas le même jour, et j’avais été voir ce qu’elle faisait. J’avais fait : “Wow, OK, super univers“. Jocelyn [Moze, batteur du groupe depuis 2018] l’avait rencontrée pendant le festival. On l’a invitée et on est partis au Japon tourner ce clip à Tokyo avec elle. Et vu que c’est une énorme fan de l’univers japonais, de manga, de jeux vidéo, l’histoire était parfaite, c’était super de faire cela avec elle.
Et puis, tu as Suzane, avec qui on a fait pas mal de festivals ces deux dernières années, dont un où, je ne sais pas si c’était avec toi [se tourne vers Nicolas], on était allés voir le concert sur le côté de la scène. On a été assez bluffés par la présence et le charisme de cette fille et on l’a contactée pour savoir si cela la chauffait de faire “Tout Envoyer En L’Air”. Et là encore, un truc assez ouf, parce que généralement, les gens viennent plus nous parler de “Dernière Danse” ou de “Je Saigne Encore” et elle dit : “Moi, je suis trop chaud de faire “Tout Envoyer En L’Air”, c’était le morceau que j’écoutais le matin quand j’étais ado rebelle, et que j’avais envie de d’exulter un peu“. Et pareil, c’était trop cool de le faire avec elle, parce qu’elle avait un affect avec ce morceau en particulier.
Vous avez aussi travaillé avec deux producteurs sur ces réinventions, Marsö et Prinzly. Est-ce que c’était dû à une volonté de moderniser un peu les morceaux ?
Benoît : Déjà, parfois, on a besoin d’aide et, justement, on s’ouvre aussi avec le temps. On s’est dit que potentiellement on ferait appel à eux sur le prochain album, parce que cela nous permet de nous concentrer vraiment sur le songwriting. Et puis, il y a des gens qui ont du talent.
Nicolas : Puis des fois on a besoin d’avoir un regard un peu plus neutre, un peu extérieur, qui va nous aider à trancher sur pas mal de choix à faire. Et c’est vrai que là, par exemple, on a travaillé avec Valentin Marceau, avec qui on s’est vraiment bien entendus. C’est vraiment quelqu’un de…
Benoît : L’homme le plus gentil de la Terre !
Nicolas : C’est probablement l’homme le plus gentil de la Terre et il est super fort. On est vraiment sur la même longueur d’onde. C’était un vrai plaisir de travailler avec lui.
Benoît : Il nous envoie des messages vocaux WhatsApp qui sont savoureux. Il est là : “Ouais les gars ! J’suis trop chaud ! J’suis trop chaud ! C’est en train de partir ! J’ai le truc, j’ai le truc ! Je vous rappelle tout à l’heure !” Il nous met des teasers de fou. Il est incroyable. Prinzly aussi, qui a bossé sur “Je Saigne Encore” et “Je Cours”. Pareil, c’est aussi un mec super cool et avec qui je pense qu’on va travailler à nouveau par la suite.
Avec la réédition anniversaire, vous en avez aussi profité pour remastériser l’album aussi au passage. Est-ce que c’était pour vous l’occasion de découvrir ou corriger des détails qui vous auraient échappé il y a vingt ans ?
Benoît : Alors à titre personnel, je ne me suis pas du tout occupé de cela.
Nicolas : Découvrir des détails, non, mais pouvoir éventuellement apporter de toutes petites corrections sur certaines choses avec du recul, oui. Découvrir non, parce qu’au moment de l’album Le Chemin, on a vraiment suivi chaque petite note. Alors on était peut-être pas toujours tous les quatre, parce qu’on tournait pour qu’il y en ait qui puissent dormir. Mais ce que je veux dire, c’est qu’on a bien suivi toute l’évolution et chaque petite note. On les connaît les coins et les recoins de cet album.
Benoît : Si tu veux, c’est plus un petit coup de polish, quoi.
Nicolas : C’est plus ça, oui.
Et du coup, est-ce que cela fait remonter des souvenirs particuliers de cette époque de travailler sur ce remaster ?
Nicolas : Moi, c’est peut-être plus le fait de les travailler en répétition, de se les réapproprier avec les instruments, parce que cela faisait vingt ans qu’on les avait pas joués. Mais par contre, cela ne faisait pas vingt ans que je les avais pas écoutés. Donc je me suis déjà remémoré il n’y a pas très longtemps les souvenirs qui sont accrochés à la période de cet album.
Et vous avez des anecdotes de composition, d’enregistrement de l’époque ?
Benoît : Alors l’anecdote de “Dernière Danse”, je pense que maintenant, je l’ai tellement racontée, vous l’avez peut être entendue ? Je vous la raconte ? En fait, j’avais écrit que le couplet avec la guitare acoustique. On avait déjà bien avancé sur l’album. J’avais, je pense, une chanson extrêmement gênante, avec le recul, où, sur la mélodie du couple de “Dernière Danse”, je remerciais tous les gens qui avaient cru en nous : notre entourage, le projecteur, notre manager, notre éditeur. En essayant de faire des rimes pourries. (rires) Mais c’était hyper important pour moi de témoigner du soutien de ces gens-là. Notre manager et notre éditeur m’ont dit : “Alors écoute on est très, très touchés, mais tu vas rentrer, tu vas faire un refrain, tu vas faire un vrai texte, parce que la mélodie elle défonce, c’est on n’est pas à l’abri que ça fasse un morceau important de l’album“. Donc je suis rentré chez moi un petit peu vexé, j’ai fait un vrai refrain, j’ai fait un vrai texte et c’est devenu “Dernière Danse”. Enfin “c’est devenu “Dernière Danse“, non. Il y a eu un sacré boulot d’arrangement. Je pense que c’est l’un des titres où il y a eu plus de d’essais, d’arrangements. Tu sais, le fait de commencer voix/batterie c’est quelque chose qui est arrivé à la toute fin. Mais en fait c’est original, cela marche. Donc oui, il y a eu beaucoup de travail, mais à la base cela devait être un morceau caché.
Vous parliez de répétitions un peu plus tôt. La tournée a déjà commencé avec une première date à Lyon le 18 novembre, mais on voulait savoir justement comment cela s’était passé de se réapproprier ces morceaux.
Nicolas : Cela s’est bien passé. Il y a pas eu de difficulté particulière sur cela. On manque toujours de temps parce qu’il y a plein d’idées dans tous les sens. Tu aimerais mettre plein de choses en place. Et puis, il faut quand même du temps pour chaque chose. Tu es obligé de faire une croix sur certaines idées et puis d’en privilégier d’autres.
Benoît : Franchement, on a quand même beaucoup transpiré, je trouve.
Nicolas : Elles étaient intenses.
Benoît : Tu as évidemment toute la musique donc faut qu’on joue des morceaux qu’on n’avait pas joués depuis quinze, vingt ans. Tu as tout l’aspect visuel dont on s’occupe aussi. Il faut que tous les corps de métiers fonctionnent ensemble. Tu es dans un truc beaucoup plus lourd que ce qu’on faisait sur La Part Des Lions Tour. On était dans des salles de mille deux-cent personnes, deux mille, mille cinq-cent max. Et là, on est dans un truc beaucoup plus gros et qui dit plus gros, dit plus grosse équipe. Il faut coordonner tout cela. Et tu as vite fait de te dire : “Sur ce couplet là, est-ce qu’on le double ? Est-ce qu’on fait une fin plus longue ? Oui, mais la vidéo, il faut la couper à ce moment-là“.
Nicolas : C’est un show très long, donc cela multiplie encore tout cela.
Benoît : C’est le show le plus long de notre vie alors que nous sommes, évidemment, les plus vieux que nous avons jamais été. Donc oui c’est un petit peu plus de deux heures de show et généralement, on faisait pas cela avant. Donc on est bien, bien rincés quand même !
On en vient justement à cette première date de la tournée qui a eu lieu à Lyon le 18 novembre dernier. Comment cela s’est passé ?
Nicolas : Très bien !
Benoît : Incroyable au niveau du public. Après nous, on a plein de petits trucs à se reprocher. On a fait un débrief direct, d’ailleurs un peu trop tôt. J’aurais voulu célébrer plus longtemps et faire le débrief un peu plus tard, mais on n’arrive pas à s’en empêcher. Il y a eu une petite erreur, là, moi, j’ai fait une connerie sur un texte. Ce qui est raisonnable, cela aurait pu être pire !
Nicolas : Sur ce genre de choses cela va en vrai.
Benoît : Toi, tu as eu des petites galères d’ampli.
Nicolas : Oui. C’est marrant comment, pendant quinze jours tout marche bien. Répétition l’après-midi : cela marche bien. Va savoir pourquoi, au moment où tu commences, cela ne marche plus. C’est peut-être le petit test du destin.
Benoît : Il y a Flo qui a pété sa sangle. Je crois que c’est la première fois de sa vie qu’il pète sa sangle.
Nicolas : Et il faut y aller ! Pour déchirer une sangle. Cela sent le sabotage. [rires, imite le son de ciseaux]
Benoît : Donc de toi, l’autre guitariste, forcément !
Nicolas : Ah bah cela ne peut être que moi ! [rires]
Benoît : Eh ben je pense qu’il t’a bien plus saboté ton concert que toi avec sa sangle ! (rires)
Nicolas : Cela a mieux marché en tout cas oui.
Vous aimez bien retravailler vos morceaux pour les arranger différemment une fois sur scène. Est-ce que vous avez prévu ce genre de petits changements pour les morceaux du Chemin ou d’autres plus récentes ?
Benoît : Honnêtement, très peu, parce que le concept étant vraiment de célébrer l’anniversaire de cet album, en tout cas les morceaux du Chemin, on a voulu les rendre hyper fidèles à ce qu’ils sont sur le disque, ou du moins à la façon dont on les jouait à l’époque du Chemin Tour. Et après, sur les autres, il n’y en a pas trop. C’est plutôt des fins qu’on va faire durer, des moments qu’on va partager avec le public, mais en arrangements purs différents, il y en a pas tant que cela.
Nicolas : Il y en a mais… est-ce qu’on dévoile un petit peu les choses ? C’est presque un peu dommage de pas garder un peu de surprise. Il y a une ou deux petites choses sympa, oui.
Benoît : Tu me le diras dans l’oreille, je ne me souviens plus.
Nicolas : Tu veux que je te le dise dans l’oreille ?
Benoît : Oui… Ou après l’interview !
Nicolas : Je peux le dire maintenant mais… on ne va peut-être pas dévoiler, parce que c’est toujours sympa mais il y a l’intro du “Graal”, la fin du concert.
Benoît : Ah oui, oui, oui ! Ah si ! Il a raison. Il a raison. Si, si, c’est vrai. Des trucs qui ont d’ailleurs vachement bien marché et où il y a eu beaucoup d’émotions. J’avais complètement oublié. Mais oui, c’est vrai qu’il y a des petites surprises… inattendues. Et je pense que le public a été surpris qu’on fasse ce truc là. Donc on ne le dévoile pas, mais effectivement, c’est moi qui me trompe, c’est Nico qui a raison.
C’est peut-être s’avancer un peu trop mais l’année prochaine, vous fêtez aussi les vingt ans d’album 300 Lésions. Est-ce que vous êtes déjà pensé à quelque chose pour l’occasion ?
Benoît : On en parle – Il y a plein de trucs. Parce qu’il y a aussi, si je ne me trompe pas, les dix ans de L’Equilibre. Donc… [soupire] Ce qui est sûr, c’est que je ne peux pas te répondre. Je ne sais pas du tout ce qu’on va faire.
Nicolas : On ne pourra pas fêter tous les anniversaires.
Benoît : Oui, on ne pourra pas faire tous les anniversaires. Le seul truc que je sais, c’est qu’à l’époque de L’Equilibre il y a énormément de morceaux cools qu’on n’a pas mis sur l’album et, pour le coup, qui étaient assez avancés dans la production. Moi, c’est l’un des albums où j’ai eu plus de frustrations de me dire : “Ah putain, celle-là elle est pas dessus, elle n’a pas eu les quatre croix, elle n’a pas fait l’unanimité”. Donc moi je serais assez chaud de sortir ces titres un jour ou l’autre. Il y en a même deux qu’on a produits entièrement qui sont jamais sortis et qui sont des bons titres. Est-ce qu’on va faire une réédition ? En tout cas, évidemment, on ne fera pas tout le truc qu’on est en train de faire là avec Le Chemin.
Nicolas : Cela serait aussi l’occasion peut-être de trouver une autre manière de célébrer les vingt ans, mais un petit peu différemment que sous forme d’une réédition.
Benoît : Peut-être juste lâcher les inédits de l’époque ou des trucs comme cela.
Nicolas : De les clipper ou… On a un an pour s’organiser.
Qu’auriez-vous envie de dire aux personnes, peut-être plus jeunes, qui découvrent Le Chemin en 2023 ?
Benoît : Un truc qui nous attriste, c’est qu’il y a des sujets dont on parle dans cet album, qui sont justement un peu dark, et qui sont toujours d’actualité. Je pense beaucoup à “Je Cours” où, heureusement, on parle beaucoup plus du harcèlement scolaire maintenant qu’à l’époque mais c’est très triste de voir que ce texte résonne encore dans les oreilles des jeunes d’aujourd’hui. Mais je pense que c’est la raison pour laquelle les gens écoutent encore ces morceaux et que les jeunes qui les découvrent, cela les touche. C’est que, finalement, les thèmes qui sont abordés, ce type de souffrances-là, cela n’a pas énormément évolué, malheureusement.
C’est assez universel.
Benoît : Et c’est assez universel. Je pense que cela a encore une résonance aujourd’hui.
C’est déjà la fin, merci à vous pour votre temps. Il reste une dernière question, c’est la petite routine de RockUrLife : qu’est-ce qui rock vos life ?
Benoît : Là forcément, c’est la scène. La scène et l’after.
La grosse fête ?
Benoît : On a quand même ce petit problème de ne pas arriver à être très, très raisonnables. J’ai une photo, que je n’ai pas moi d’ailleurs, de notre bassiste et de moi en haut d’une armoire de chambre d’hôtel. Par défi.
C’est récent ?
Benoît : Cela date de samedi. Peut-on rentrer à deux au-dessus de cette armoire ?
Nicolas : Et la réponse… Dans le prochain album. (rires) Mais oui, c’est vrai que c’est une vie qui permet quand même de pas t’endormir, de ne pas avoir l’impression de vieillir. Les gens avec qui on travaille, l’ambiance générale, la vie dans le bus, la vie dans le studio. J’ai l’impression qu’on n’a pas vraiment notre âge. Quand je vois la vie qu’on mène, je me dis que c’est quand même encore assez rock n’roll. Et je vois même des gens plus jeunes que nous qui ont une vie moins rock n’roll que nous à vingt-cinq ans, parce qu’ils sont très sages ou très rangés, déjà, et c’est assez rigolo.
Benoît : Après, tous les six mois on se fait changer notre sang.
Nicolas : Ah bah on nous vide l’intégralité de notre sang et de nos neurones ! Ce qui permet de continuer.
Benoît : En fait depuis six mois on s’échange notre sang. (rires)
Nicolas : Cela ne sert à rien mais c’est psychologique.
Ce qui est intéressant c’est qu’il y a deux ans, on vous posait la même question et vous mentionniez plutôt votre vie de famille.
Nicolas : Ah mais les deux. Je pense que la vie de famille “rock” nos nuits et notre vie professionnelle “rock” nos jours. Mais c’est vrai que les enfants, c’est un sport à part entière.
Benoît : Avec les enfants on se marre aussi beaucoup. Parce que là, ils grandissent. Cela commence à être bien fun, cela commence à être bien rigolo.
Nicolas : Non, mais je dis cela, c’est vrai que c’est pas dans un sens négatif, c’est plutôt que, de toute façon, il faut que tu sois assez énergique avec eux parce qu’ils ont besoin de plein de choses qu’il faut être là. Après c’est toujours plus compliqué le lendemain de concert, quand tu rentres à la maison.
Benoît : C’est vrai. Après… vous, c’est RockUrLife, je vous cache pas que mon fils, c’est quand je lui ai dit qu’on allait probablement faire un festival avec Ninho qu’il m’a le plus respecté de sa vie entière, je pense. Mais en revanche, le plus jeune, il est fan de Nuit Incolore, mais à un point. Il connaît toutes les paroles par cœur, c’est trop cool.
Est-ce qu’il a su différencier ta voix de celle de Nuit Incolore [dans le featuring] ?
Benoît : Grave ! Lui, il a dit : “Attends, je comprends pas, papa, c’est évident que c’est toi”. (rires)
Merci à tous les deux en tout cas, et bonne tournée !
Benoît : Merci à vous les gars.
Nicolas : Avec plaisir.
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