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Cage The Elephant – Neon Pill

Concilier succès public et critique n’est pas chose aisée dans l’univers indie. Pourtant, Cage The Elephant semble l’archétype du groupe qui a dépassé toutes les attentes pour s’affirmer comme l’un des plus dignes représentants de la scène rock alternative moderne. Auréolés de deux Grammy Awards pour leurs deux dernières livraisons, réaliseront-ils la passe de trois avec le successeur de l’excellent Social Cues (2019) ?

Évolution organique

Par le passé, les Américains se sont beaucoup inspirés des groupes qu’ils affectionnaient. L’arrivée à la production de la moitié de The Black Keys, Dan Auerbach, avait notamment transformé leur son garage proche de The Hives en un blues rock sophistiqué, au tempo ralenti. Pour ce disque, pas de révolution, Neon Pill s’inscrit dans la continuité de ses prédécesseurs. Vocalement, on découvre avec plaisir que le chanteur Matt Schultz n’a rien perdu de sa verve, après les nombreuses épreuves qu’il a traversées. Le morceau-titre est ainsi l’occasion de se confier sur ses difficultés de santé mentale, amplifiées par une mauvaise prescription de médicaments. L’épisode de psychose qui en a découlé a ainsi mené à son hospitalisation post-détention illégale d’arme à feu (“C’est un délit de fuite. Double-traversé par une pilule de néon. Comme un pistolet chargé, mon amour, j’ai perdu le contrôle de la roue“).

Musicalement, ce premier single éponyme prolonge la morosité pleine de nuances entrevue sur Social Cues. Cette retenue mâtinée de précision est le dénominateur commun de ce disque. Les couplets sont collants, les riffs scintillants. Du Cage The Elephant pur jus ! Si le groupe dispose d’une identité instantanément reconnaissable, il a l’intelligence d’insérer de nouvelles sonorités pour éviter le sentiment de déjà-vu. On passe par des éléments funk (“Ball And Chain”) et atmosphériques, à l’image de la fin de “Float Into The Sky” tendant vers du Pink Floyd. Le titre “Metaverse” semble, lui, échappé du catalogue de The Strokes, tant les similitudes rythmiques et vocales sont criantes.

Groovy et nostalgique

Quiconque ayant assisté à un live de Cage The Elephant a pu constater que la formation est une véritable tornade. Pourtant, vous ne trouverez pas ici d’envolées up-tempo façon “Shake Me Down” ou “In One Ear”. Seul le jam-rock “HiFi (True Light)” semble être une réminiscence de son identité initiale. Le dynamisme repose désormais sur quelques titres au groove irrésistible. L’addictive “Rainbow” respire ainsi le soleil californien avec son flow millimétré. Il est de même assez compliqué de ne pas hocher la tête sur “Same”. Directement inspiré du hip hop West Coast (ou du AM d’Arctic Monkeys, c’est selon), ce morceau est une parfaite bande-son pour un road trip estival.

Pourtant, cet album n’est pas fondamentalement un disque joyeux. L’un des temps forts de cette sortie, “Out Loud”, est un hommage inspiré des regrets et non-dits vécus par le père décédé de Matt et Brad (guitariste). “J’ai vraiment foiré maintenant. J’ai trop peur pour le dire à voix haute. Je peux à peine respirer, qui j’essaie d’être ? J’essaie encore de comprendre. Suis-je trop fier pour le dire à voix haute ?” Ce piano-voix prolonge l’atmosphère entrevue sur “Goodbye” du précédent disque, permettant de mettre toutes les tessitures de Matt au service de l’émotion du propos.

A consommer sans modération

La clôture participe de fort belle manière à ce sentiment. Slide guitare et batterie sonnant comme du The Lumineers, “Over Your Shoulder” est la conclusion parfaite à cet album. Délicieusement nostalgique, sa simplicité en fait un morceau plus facile à apprécier. Une vraie singularité sur ce disque qui nécessite plusieurs écoutes pour donner sa pleine mesure. On pense notamment aux titres doux-amers “Float Into The Sky” et “Silent Picture”, qui nous ramènent à l’âge d’or de l’indie rock du début des années 2010. Ces morceaux gagnent vraiment en consistance écoute après écoute, diffusant un indicible parfum de nostalgie.

On reste en revanche plus circonspect face à quelques morceaux moins marquants sur la seconde partie du disque (“Shy Eyes”, “Ball And Chain”). Particulièrement décevant, le single “Good Time” fera certainement le bonheur des publicitaires mais semble trop générique pour résister à l’épreuve du temps.

Les deux derniers albums mettaient du temps à provoquer l’adhésion, avant de devenir irrésistibles. Ce Neon Pill ne déroge pas à la règle. Doté d’une cohérence particulièrement forte, cet ensemble est dénué de titres évidents qui le propulseraient immédiatement au rang de classique. Il n’en reste pas moins que Cage The Elephant a réussi à concevoir une œuvre dont le potentiel est amené à se bonifier au fil des écoutes.

Informations

Label : Sony Music / RCA Records
Date de sortie : 17/05/2024
Site web : www.cagetheelephant.com

Notre sélection

  • Rainbow
  • Silent Picture
  • Out Loud

Note RUL

 3,5/5

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