Au lendemain d’un combo fête de la musique/Euro de football, Royal Blood propose de jouer les prolongations, avec non pas un, mais deux Olympia. Une belle façon de se rattraper pour un groupe qui n’avait plus tenu le haut de l’affiche à Paris depuis 2017 ! Le duo de Brighton saura-t-il se montrer à la hauteur de l’attente ?
Crawlers
En entendant le tube des Queens Of The Stone Age, “No One Knows” retentir, on pourrait croire à un clin d’œil amusant vis-à-vis de ce qui va suivre. Malgré de bonnes critiques outre-Manche, les Anglais de CRAWLERS ne rencontrent en effet qu’une notoriété confidentielle dans nos contrées. Contrairement à la tête d’affiche, ce groupe majoritairement féminin se présente dans une formation plus conventionnelle batterie/basse/guitare/chant. Les similitudes sont plutôt à chercher du côté de la lourdeur du son, particulièrement massif. Peut-être un peu trop, la voix de Holly Minto se retrouvant malheureusement trop en retrait dans le mix. Qu’à cela ne tienne, la frontwoman déploie une énorme envie, ne semblant pas le moins du monde impressionnée. Visiblement séduit, le public accueille de plus en plus chaleureusement cette volonté de communiquer l’énergie de ce rock alternatif très incarné.
On appréciera un rythme allant crescendo, ponctué de jolies ruptures de tempo faisant battre les têtes. La belle power ballad “Come Over (Again)” est l’occasion pour la foule de mettre en lumière son adhésion à la lueur des smartphones. Certains murmures appréciateurs reconnaîtront ce morceau, qui a largement squatté les playlists des plateformes. Le public parisien ira même jusqu’à sauter à l’unisson au détour d’un break particulièrement enthousiasmant. À l’issue du set, les applaudissements nourris ont remplacé les interrogations initiales. Un groupe à suivre !
Royal Blood
En y réfléchissant, il est assez vertigineux de réaliser l’influence que peut avoir une première partie de Muse sur une carrière. Biffy Clyro ou Nothing But Thieves ont par exemple acquis une belle renommée dans nos contrées grâce aux ouvertures de leurs plus grandes scènes. Un formidable booster pour le genre, que certains contemporains semblent avoir perdu de vue (coucou Coldplay). Présents sur la dernière tournée des stades de la bande à Matt Bellamy, ROYAL BLOOD sont pourtant tout sauf des débutants. Cela fait désormais dix ans que les Britanniques réchauffent les cordes vocales des fans de rock alternatif du monde entier.
En guise de célébration, la formation vient justement de boucler trois dates anglaises où elle a pu jouer l’intégralité de son mythique premier album éponyme. Et il faut croire que cette parenthèse leur a donné des idées, puisque le set s’ouvre sur la doublette “Out Of The Black” / “Come On Over”, à l’image de ce fantastique disque. Si la setlist ne passe pas en revue l’intégralité du premier album, ce sont tout de même sept titres qui seront interprétés ce soir. On retrouve même une rareté avec “One Trick Pony”, électrisante B-Side du méga-hit “Ten Tonne Skeleton”.
Une complicité toujours au rendez-vous
Cette décennie passée a permis de faire émerger une aura scénique digne des plus grandes rockstars. C’est désormais un duo sûr de sa force qui mène la foule avec maestria. On retrouve ainsi Mike Kerr jouer de sa basse en étant adossé aux premiers rangs, avant que son comparse ne délaisse un instant sa batterie pour séparer la foule en deux dès le premier morceau.
La formation ne se répand pas en discours, ce dont semble parfaitement s’accommoder son public. Néanmoins, les marques d’affection sont légion. De nombreux jets de baguettes et autres médiators complètent les sourires et signes de main entrevus régulièrement. Et comment ne pas évoquer l’alchimie au sein du groupe ? Il y a quelque chose de touchant chez Kerr dans sa façon de mettre systématiquement en avant la performance de Ben Thatcher derrière les fûts. Cette complicité est également palpable, à la vue des sourires partagés lors des quelques notes précédant le lancement d’une déflagration sonore.
À noter que le binôme est accompagné d’un claviériste, véritablement mis en valeur sur les morceaux plus calmes (à l’image de la soyeuse “Pull Me Through”). De quoi enrichir une belle texture sonore dont bénéficient notamment les extraits des deux derniers albums.
Un public Royal
Ce passage au live est ainsi l’occasion de rehausser l’appréciation faite à certains titres, particulièrement ceux issus de Typhoons (2021). La très dansante “Limbo” en profite pour faire son apparition sur cette tournée, tandis que “Trouble’s Coming” et “Typhoons” se révèlent ultra-efficaces pour faire jumper la foule.
Cette dernière se révèle être la troisième star du show. Majoritairement composée de millennials, elle ne cessera de démontrer son enthousiasme et sa connaissance des paroles. À tel point que les accompagnants, moins familiers du répertoire, auront toutes les peines du monde à discerner les nouveautés des classiques. On savourera néanmoins la fan’s favorite “Loose Change”, dont l’incroyable accélération créera un maelström d’enthousiasme débridé. Visiblement ravi, le chanteur confiera le soin à l’auditoire de s’époumoner sur la reprise de “Little Monster”. Toujours un triomphe !
Seule exception dans cette playlist équilibrée, How Did We Get So Dark? (2017) est très peu représenté. On regrettera l’absence de son meilleur morceau “Hook, Line & Sinker” au profit de “Lights Out” se prêtant, il est vrai, particulièrement bien à une reprise à plein poumons.
De l’oeil du tigre à l’oeil du cyclone
La salle a beau être dominée par l’immense backdrop à l’effigie du tigre du groupe, ce sont bien des lions en cage qui composent sa fosse. Avides d’en découdre, le rappel est énorme, et ininterrompu. Le sol vibre, les mains claquent, les “Royal Fucking Blood” sont repris à l’unisson. Un concert avec un grand C !
Juste avant de consumer nos ultimes forces, le duo revient avec un guitariste additionnel pour proposer une ultime facette du show. Les Anglais nous gâtent avec la récente ballade “Waves”, l’un de nos favoris du dernier album Back To The Water Below (2023). Ce moment suspendu n’aura en rien entamé l’enthousiasme ambiant, qui se déchaînera sur l’enchaînement d’anthologie “Ten Tonne Skeleton” / “Figure It Out”, théâtre de pogos dantesques.
Satisfait du chaos provoqué, les artistes finissent par saluer l’audience bras dessus bras dessous, soulevant leurs instruments comme des trophées. Un engouement général auquel a pris part un spectateur un peu particulier en la personne de YUNGBLUD, partageant en tribune l’effervescence de cet Olympia chauffé à blanc.
Des sonorités garage chaotiques aux sensibilités pop, Royal Blood a une nouvelle fois démontré qu’il excellait dans de nombreux domaines. Mais le plus remarquable est certainement ce sentiment de symbiose des deux côtés des barrières. Quelle meilleure sensation que de se retrouver au sein d’un collectif de presque trois-mille personnes, scandant à l’unisson des paroles connues de tous ? Pour le savoir, ne manquez pas les dernières dates de cette tournée française, qui passera par Rouen, Lille sans oublier le Hellfest.