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The Jesus Lizard – Rack

Si on fait abstraction du T-shirt que porte Keke Palmer dans Nope (2022) de Jordan Peele, pas un signe de vie en onze ans. Une reformation ratée en 2013, et la dernière sortie remonte à vingt-quatre ans avec la compilation d’inédits et de démos, Bang. Et là, calembour oblige, c’est la résurrection ! The Jesus Lizard est de nouveau en studio pour bénir ces temps incertains. Après une écoute religieuse de Rack, est-ce que la messe est dite par les enfants terribles du noise rock ?

Shelve angry men

Après une courte période de fascination pour la pochette, il est temps de lancer Rack à plein volume. Le quatuor de Chicago n’est pas connu pour faire dans la dentelle. Ils sont de nouveau à la hauteur de leur réputation dès l’introduction de “Hide & Seek”. Le trio qui compose la rythmique démolit tout sur son passage avant d’accompagner le chant de David Yow. Duane Denison donne le ton sur sa six-cordes tandis que Mac McNeilly est d’une précision chirurgicale derrière la batterie. C’est lourd, c’est fort, et c’est sacrément entraînant. Un véritable terrain de jeu pour David Wm. Sims qui ancre véritablement le quatuor avec ses ritournelles de basse percutantes. Sans compter la présence d’une écriture décalée au possible. “She’s not an idiot, just a witch.

En effet, toujours à peindre une galerie de personnages avec un sens de l’humour à la limite de l’absurde, camouflé par des tournures cryptiques et morbides, à l’image d’autres vétérans d’Ipecac Recordings comme Faith No More ou The Melvins. De plus, la formation a une chiée d’atouts dans sa manche. Outre les relations dysfonctionnelles décrites, il ne faut pas longtemps pour que les musiciens pètent aussi les plombs. Les decrescendos vertigineux de “Grind” à l’appui, les violents changements de tempo, personne n’est épargné. Chacun maîtrise son art sans camoufler les autres, une symbiose dont beaucoup ont pris de la graine au fil des décennies. Succession d’arpèges et de riffs groovy sont à l’honneur avec cette atmosphère qui s’amuse de la dissonance. David Yow offre un panel de voix hallucinantes qui confère à son rôle de maître de cérémonie une aura qui bascule entre la fascination et l’inquiétude.

Pure LP

Certes, le quatuor a enjambé plus de deux décennies. La plus grande peur était politique : est-ce que les jeunes prodiges des années 90 allaient devenir les vieux cons du jour en un claquement de cymbale ? Car vieillir mal, c’est facile et rapide. Les onze titres de Rack n’ont heureusement rien à envier aux plus jeunes formations, sur la forme comme sur le fond. N’ayant rien perdu de sa verve, une forme de mélancolie se dégage par moments, mais The Jesus Lizard a pleinement conscience que ce n’était pas mieux avant. Ce qui nous évite des virages à l’extrême-droite et des réformations navrantes. Et même s’il s’agit uniquement de parer au coût de la vie, on ne boude pas son plaisir. De toute façon, personne n’a plus jamais embrassé le côté cynique des retrouvailles sous motif financier avec le brio des Pixies en 2004.

Si on devait chercher la petite bête, ce serait de mauvaise foi. Regretter quelque chose ? Probablement l’absence de feu Steve Albini à la production. Lui qui a contribué sur plus de la moitié de la discographie du groupe dès ses débuts, sa touche acide manque toujours d’une certaine manière. Mais Paul Allen a fait un travail remarquable pour ce retour en grande pompe. Que ce soit à l’écoute au casque ou sur des enceintes, il est bluffant de constater que ce nouvel album est séparé par vingt ans avec le magnifique Down (1994), dont le mixage est le plus similaire.

King Lizard & The Jesus Wizard

Donc, quelle leçon retenir de tout ça ? Peut-être ce simple sermon : si un personnage porte un T-shirt de groupe dans un film de Jordan Peele, allez poncer sa discographie sans inquiétude.

Avec Rack, The Jesus Lizard répond à nos prières avec un album de tous les diables. Tout ce que nous pouvons souhaiter de plus pour l’heure, c’est un retour dans l’Hexagone, comme cet incroyable concert de réunion en 2009 à la Villette Sonique. Voir un groupe s’éclater ensemble, on ne fait pas mieux.

Informations

Label : Ipecac Recordings
Date de sortie : 13/09/2024
Site web : linktr.ee/thejesuslizard

Notre sélection

  • Grind
  • Lord Godiva
  • Swan The Dog

Note RUL

 4/5

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