Un peu moins d’un mois après la parution de Coming Up To Consciousness, dernière production en date, le prog rock majestueux de Pure Reason Revolution est de passage à Paris pour une soirée immersive et chaleureuse.
Lesoir
Pure Reason Revolution aurait difficilement pu élire meilleur candidat pour ouvrir le bal. Tant dans les ambiances que les sonorités, LESOIR, tout droit issu de la scène prog rock néerlandaise, évoque l’univers de son hôte de tournée. Alternant entre des atmosphères apaisantes et des passages bien plus heavy, les cinq musiciens et musiciennes déroulent avec tranquillité, offrant à l’audience parisienne une setlist variée démontrant toute l’agilité de leur composition. Les textures des guitares se font tantôt épurées et mélancoliques, tantôt saturées et agressives. Celles-ci sont parfois rejointes par des solos de flûte traversière assurés par Maartje Meessen, également chanteuse, troisième guitariste et claviériste. Son puissant vibrato s’harmonise élégamment avec les aigus délicats d’Eleën Bartholomeus, dont le jeu de guitare, agrémenté de touches de bottleneck et d’e-bow, se marie parfaitement avec celui de son compagnon de scène et d’instrument, Ingo Dassen.
La setlist se concentre principalement sur les chansons du dernier album du groupe, Push Back The Horizon, paru dix jours plus tôt. Si la mélodie des arpèges et la lourdeur des riffs accompagnés par une batterie effrénée sont mises à l’honneur, le groupe s’autorise quelques passages plus électro et parfois plus groovy, voire funky. Lesoir a tout le loisir d’immerger progressivement ce public de plus en plus attentif, puisqu’il dispose d’une heure complète de concert. Le lien avec l’audience se crée aussi à travers les interventions souriantes de Maartje Meessen, qui s’amuse de sa tendance à se tromper dans la setlist ou de la capacité du groupe à reproduire des chansons peu répétées. Quoi qu’il en soit, l’opération de séduction est réussie.
Pure Reason Revolution, entre rupture et accessibilité
À peine une demi-heure plus tard, Jon Courtney (chant/guitare/clavier) prend possession de la scène, accompagné d’Annicke Shireen (assurant le chant et le clavier depuis le départ de Chloë Alper), Andrew Courtney (batterie) et Ingo Jetten (bassiste de Lesoir, remplaçant temporairement Greg Jong à la guitare). Il ne faut que quelques minutes pour que la magie progressive de PURE REASON REVOLUTION opère.
En ouvrant le concert avec “Silent Genesis” et “Dead Butterfly”, le groupe expose immédiatement sa principale force : sa capacité à entrelacer des mélodies flottantes et des arrangements légers avec des riffs dévastateurs, appelant irrésistiblement au headbang. La triplette “Apprentice Of The Universe” / The Bright “Ambassadors Of Morning” / “Bullitts Dominae” confirme ce goût pour les rebondissements tout en mettant à l’honneur The Dark Third, (2006) tout premier disque de la formation. Le riff final de la deuxième figure parmi les meilleurs moments du concert, tant sa progression est lourde et intense. Le jeu de lumières accompagne efficacement les nombreux moments de rupture musicale, où guitares et batterie sèment un chaos immersif et irrésistible. Le son est impeccable, la performance est au rendez-vous, et malgré un taux de remplissage de la salle relativement faible, le public semble captivé : le tour est joué.
Les arrangements sont magnifiés en live. On retrouve les textures soignées et typiques de chaque ère stylistique du groupe, mais aussi les mélodies efficaces de certains refrains (“Dead Butterfly”, “Bullitts Dominae”, “Useless Animal”). Jon Courtney rend hommage à la scène French Touch en mentionnant l’influence de Justice avant de basculer sur la partie plus électro du set. Celle-ci se structure autour de deux pièces maîtresses de la discographie de Pure Reason Revolution, présentes sur Amor Vincit Omnia (2009), deuxième album de la formation et petite révolution sonore pour le groupe puisqu’il a vu ses compositeurs s’adonner à des expérimentations électro très franchement assumées. Ainsi, le synthé gras et dansant de “Deus Ex Machina” élargit l’univers musical proposé sans le dénaturer, et l’audience entonne les “Amor vincit omnia” solennels de “AVO” sur ses lignes de synthé baladeuses pour clôturer le set principal.
Avec la présence de “Ghosts & Typhoons” et “Black Mourning”, tous les albums du groupe ont droit à leur moment de gloire. Tous, à la quasi-exception de… Coming Up To Consciousness, pourtant vieux de trois semaines. Seule “Useless Animal” est jouée en rappel, prolongeant l’état de transe avec son riff fédérateur. Jon Courtney justifie la marginalisation des (pourtant excellents) morceaux du dernier album par l’absence de Greg Jong et des opportunités de répétitions limitées. Ce passage à Paris ne s’inscrit donc pas vraiment dans une tournée de promotion pour le disque, et ressemble davantage à des retrouvailles chaleureuses et pleines d’allégresse.
Fermer les yeux et se laisser porter par les variations d’intensité addictives de Pure Reason Revolution était la meilleure façon d’apprécier ce concert express (seulement une heure dix de set). L’exaltation face à la parfaite réalisation de certaines des meilleures chansons du groupe compense la frustration de ne pas avoir pu entendre le rendu live de ses dernières productions.