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Jake Bugg – A Modern Day Distraction

Porté aux nues à la sortie de son premier album éponyme à dix-huit ans, Jake Bugg a par la suite alterné le bon (Shangri La, 2013) avec des livraisons moins populaires, mais détenant leur lot de titres imparables. Désormais trentenaire, l’Anglais revient avec un disque sonnant comme un retour aux sources, tant sur le fond que sur la forme.

What’s The Story? Working Class Glory

S’il ne faut pas juger un livre à sa couverture, impossible d’ignorer le parti pris choisi par l’artiste pour illustrer sa nouvelle livraison. Cette pochette noir et blanc, cette éternelle frange recouvrant son front… Tout semble fait pour nous rappeler son premier succès, acclamé par la critique. Au-delà de ce clin d’œil graphique, A Modern Day Distraction renoue bel et bien avec les jalons musicaux des débuts. Il faut dire que le premier single, “Zombieland”, avait annoncé la couleur. Celle d’un rock poisseux, typiquement britannique, tendance working class. On découvre en effet quelques velléités sociales, dénonçant le manque de perspectives ressenti par toute une frange des travailleurs britanniques (“Un autre jour sans rêve / Il travaille dur / Juste pour alimenter le compteur / Et il fait si sombre quand il rentre à la maison / La seule vie qu’il ne connaîtra jamais / Un homme brisé au pays des zombies“).

La thématique est filée à plusieurs endroits. “Et si cela ne tenait qu’à moi, je souhaiterais que toute l’avidité disparaisse – de combien avons-nous vraiment besoin ?“, réfléchit-il sur “Instant Satisfaction”. Ce morceau est également l’occasion de s’en prendre à l’échappatoire artificielle des réseaux sociaux qui “ont détruit mes espoirs et nourri mes peurs“.

Cette filiation populaire se retrouve un peu plus loin avec “Never Say Goodbye”. Cette ballade vibrante est taillée dans l’étoffe des hymnes qui ont fait la gloire des frères Gallagher (dont il a souvent assuré les premières parties). Un magnifique hommage à deux de ses proches disparus.

Retour au(x) source(s)

S’il porte en lui l’ADN d’Oasis, Jake Bugg est tout autant un apôtre du folk narratif de Dylan. “I Wrote The Book” explore ce savoir-faire de conteur, qu’on projette aisément dans un bar miteux du Midwest américain. “Un vieil homme s’est assis à côté de moi avec des années gravées sur son visage. Il a dit : “Tu ferais mieux d’y aller doucement, fils, ou tu ne quitteras jamais cet endroit.” “All That I Needed Was You” renoue également avec son affection pour les ballades dépouillées aux ingrédients simples. Prenez une guitare folk, saupoudrez-la d’un storytelling éprouvé et enrobez le tout d’une voix nasillarde envoûtante. Autant de composantes qui ajoutent un nouveau moment suspendu à sa discographie.

Car si sa hype a connu des hauts et des bas, Jake Bugg ne s’est jamais départi de sa signature vocale si singulière. Il y a quelque chose d’incroyablement réconfortant dans cette voix reconnaissable entre mille, qui s’aventure occasionnellement dans les aigus (“Got To Let You Go”).

Véritable fenêtre sur le rock n’roll vintage, Bugg est également capable de savoureux coups de pied sur l’accélérateur avec “Waiting For The World”. Ravivant le souvenir de “Slumville Sunrise”, le dynamisme du morceau le rend instantanément addictif, servi par un riff imparable. Sa vista guitare en main est d’ailleurs soulignée à de nombreuses reprises. Que ce soit à travers des passages 100 % britpop (“Still Got Time”) ou sur des incursions flamenco (la réussie “Breakout”), le jeune homme s’autorise des improvisations bienvenues. Attention tout de même à ne pas lasser par excès d’enthousiasme. L’aspect tonitruant de “Keep On Moving” ou les chœurs de “Beyond The Horizon” pouvant, à ce titre, se révéler légèrement indigestes.

Sur A Modern Day Distraction, le natif de Nottingham reprend les choses là où il les avait laissées avec Shangri La (2013). Toujours habité par les songwriters de part et d’autre de l’Atlantique, l’Anglais livre ici un disque varié dans sa forme mais qualitativement homogène. Jake Bugg montre qu’il a su digérer cette décennie d’expérimentations pour retrouver une constance faisant atterrir l’album sur le podium de ses meilleures livraisons à ce jour.

Informations

Label : Sony Music
Date de sortie : 04/10/2024
Site web : www.jakebugg.com

Notre sélection

  • Zombieland
  • Never Said Goodbye
  • Waiting For The World

Note RUL

 3,5/5

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