L’univers dystopique, perturbant et cinématographique de STARSET a rencontré mercredi soir son public parisien au Bataclan pour une épopée alliant rock et science-fiction à l’occasion de sa tournée IMMERSION: THE FINAL CHAPTER.
STARSET, bien plus qu’un concert
Un seul coup d’œil à la scène une fois le rideau du Bataclan tiré, et l’absence de première partie s’explique immédiatement : avec la quantité de décors, voire même d’infrastructures occupant l’espace, il est parfaitement impossible qu’un autre groupe se produise ce soir. C’est Dustin Bates lui-même, chanteur de la formation, qui en plaisantera plus tard dans le concert.
Un concert ? Est-ce le meilleur mot pour décrire la soirée proposée par STARSET ? Le groupe et ses fans ont plutôt tendance à parler de “démonstration“. De fait, le lore des Américains se manifeste par plusieurs effets visuels : au premier plan de la scène trône une sorte de structure montée d’hélices tournant à toute vitesse, sur lesquelles sont projetées des images et des textes, offrant un effet 3D aussi original qu’obsédant. Derrière, d’autres échafaudages enrichissent la scénographie, tandis que les quatre membres du groupe, auxquels s’ajoutent deux musiciennes de tournée, sont vêtus de costumes comme tout droit tirés d’un jeu vidéo, avec leurs capuches et leurs armures à LED. Enfin, un grand écran en fond de scène constitue une seconde surface de projection visuelle.
Ce n’est qu’après une introduction justement très visuelle que Bates et ses compagnons de scène lancent les hostilités avec “Unbecoming”. Mais à peine a-t-on le temps de s’échauffer la nuque et les cordes vocales que la troupe quitte la scène pour laisser place à un nouveau passage vidéo. En fait, pendant les trois premiers quarts du spectacle, toutes les chansons seront entrecoupées de cinématiques retraçant l’histoire d’une rébellion face aux industries New East ayant développé une sorte de puce cérébrale (également dispositif de surveillance et de contrôle) permettant à ses usagers de revivre leurs souvenirs ou d’accéder à leurs fantasmes. De quoi rappeler sans grande peine la dystopie glaciale proposée par Le Meilleur Des Mondes d’Aldous Huxley. Ainsi, on ne sait plus très bien si les transitions sont à trouver dans les passages visuels ou dans les passages musicaux, et cela affecte inévitablement le niveau d’intimité proposé par le show, mais aussi son rythme.
En même temps, les chansons de STARSET dégagent une telle puissance que chaque reprise après ces courts passages vidéo (dont l’intérêt s’accroît au fil du concert) marque un contraste d’intensité délectable. D’autant que la fosse est particulièrement bruyante et fine connaisseuse de la discographie des Américains, entonnant vieux et nouveaux refrains avec la même ferveur (même si “My Demons” et “Monster” explosent naturellement le record sonore de l’audience). Il faut dire que les albums du groupe regorgent de ces mélodies épiques, largement mises à l’honneur (“Carnivore”, “It Has Begun”, “TRIALS”, “TELEKINETIC”, “ECHO”, «DIE FOR YOU”…). Mais aussi, et ce sont ces passages qui propulsent l’expérience à un tout autre niveau, STARSET nous fait profiter des expérimentations les plus heavy de sa discographie : “MANIFEST”, “TELEKINETIC”, et surtout, les excellentes “Brave New World”, “DEGENERATE” et “TokSik”, toutes récemment sorties en single et semblant marquer une volonté claire de creuser cette facette de son “rock cinématographique” qui revêt de plus en plus des allures de metal alternatif tirant sur le djent, sans oublier la prééminence des cordes frottées (avec la présence d’une violoncelliste et d’une violoniste sur scène) et d’inspirations plus électro.
Peu de temps avant la fin du set, alors que l’histoire défilant sur l’écran touche à sa fin, que la rébellion est parvenue à se débarrasser du contrôle du New East (le public aura joyeusement scandé à de multiples reprises : “FUCK NEW EAST!“), un groupe de techniciens vient démonter la structure à hélices, permettant aux musiciens d’occuper davantage l’espace et de se rapprocher de leur public, qui mérite amplement les remerciements de Dustin Bates. “My Demons” joue le rôle de catharsis émotionnelle et nostalgique, tandis que “TokSik” conclut le set avec panache et voit ses interprètes se munir de masques à gaz tandis que les lumières virent au vert.
Malgré quelques défauts de son (Bates n’était pas toujours parfaitement audible), la prestation de STARSET est fidèle aux attendus, avec une grande partie du concert consacrée au lore du groupe et un rendu musical live explosif et sensible.