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Pixies – The Night The Zombies Came

Durant leurs trois derniers concerts parisiens, le quatuor de Boston a révélé un nouveau morceau pour ouvrir chaque rappel, “The Vegas Suite”. Le plaisir d’un nouvel album des Pixies n’est alors pas boudé, mais à force de sorties que l’on peut qualifier de sympathiques, l’enthousiasme s’estompe peu à peu ces dernières années. The Night The Zombies Came, le cinquième disque en dix ans, débarque dans les bacs. Tendons l’oreille tout en gardant les doigts croisés.

Sheen of the dead

Guitare acoustique et basse ronde constituent la douce ballade pastorale d’ouverture, “Primrose”. La voix du chanteur-guitariste Frank Black ne bouge pas d’un iota, toujours renforcée par les chœurs d’une bassiste. Emma Richardson (Band Of Skulls) a remplacé au pied levé Paz Lenchantin à la quatre cordes, un choix qui s’est révélé être une surprise pour la principale intéressée. Une habitude pour celles et ceux qui connaissent le leader et son propre mercato musical. La nouvelle recrue n’est heureusement pas reléguée à l’arrière-plan dès les premières notes de l’album, et cela sur toute sa durée.

À la batterie, David Lovering tient bon la cadence et se permet de rouler des mécaniques. Après tout, il est le magicien du groupe au sens propre comme au figuré. Les notes de guitare de Joey Santiago versent discrètement dans la complainte tout en flirtant avec son amour pour la surf music. En tant que soliste, il est pourtant le membre le plus en retrait durant tout l’ensemble.

“You’re So Impatient” est là pour réveiller les esprits et attirer l’attention. C’est le moment où les riffs deviennent cinglants, où la foule commence à scander le refrain en sautant sur place. Sauf que non. Le titre est hélas beaucoup trop fade et manque singulièrement de dynamisme. Tom Dalgety, à la production depuis un bon bout de temps avec les trois quarts des membres fondateurs, confond peut-être production léchée et produit aseptisé. Même le déploiement d’énergie représenté par “Oyster Beds” ne suffit pas à marquer nos tympans.

Trompe le monde

Quant aux paroles de Frank Black, on est plus proche d’un étudiant découvrant le concept du cadavre exquis que des moments de poésie qu’il a pu nous offrir dans un passé pas si lointain. Que ce soit “Chicken” avec sa note d’ouverture rappelant “Caribou” ou “Hypnotised” qui aurait pu figurer dans la discographie de Pulp, le manque de cohérence derrière une familiarité évidente est à déplorer. Le morceau le plus intéressant demeure “Jane (The Night The Zombie Came)”, dont les harmonies dénotent encore un sursaut d’inventivité. Mais, malgré tout l’amour porté au groupe et après plusieurs écoutes répétées, la frustration s’est installée.

Pour comprendre cette frustration, remontons le temps. 15 juin 2004, alors que l’iTunes Store fonctionne encore à fond les ballons. Les Pixies ont annoncé quatre mois plus tôt une tournée de reformation. Une nouvelle chanson vient agrémenter le tout ce jour-là sur la plateforme, “Bam Thwok”. On apprendra plus tard qu’il s’agissait d’une composition rejetée par Dreamworks pour le long-métrage Shrek 2. Mais le mal est fait : à l’écoute de cette mélodie, le monde s’est dit “We are SO back!“. Et c’était tout à fait justifié. Le son, le rythme, les paroles, plus de deux minutes de folie qui nous font subitement oublier le fossé creusé par dix ans de rupture. Sauf que, en regardant les crédits, on se rend compte que le mérite revient à Kim Deal.

Oh, come on pilgrims!

La même année, les déclarations de Frank Black sur le fait que la vénalité était sa seule force de motivation pour reformer le groupe ont prêté à sourire. Si encore le but du leader était de mettre en lumière sa carrière solo, qui propose toujours des albums de qualité allant de bonne à excellente, il serait plus facile de passer l’éponge. Mais à regret, ce n’est pas le cas. Pas quand il s’agit de dépenser plus pour une place de concert que ce qu’un étudiant dépense pour se nourrir en une semaine. Et pourtant, même si c’est le disque de trop, on y retourne gaiement. Parce que capitaliser sur les sentiments et les gloires passées, c’est un art.

Que retenir de ces nouvelles pierres ajoutées à l’héritage des Pixies ? Un ou deux morceaux par disque où l’on se demande si nous ne sommes pas biaisés par la nostalgie ? Est-ce que vous vous souvenez vraiment du nom de ces chansons sans vérifier la pochette ou Spotify ? En soi, il n’y a rien de grave à ce qu’un groupe régresse en qualité ou change totalement de direction artistique. C’est même quelque chose qui doit être encouragé et encourageant.

Sauf qu’il est légitime de se demander si l’anecdotique n’est pas un sort plus douloureux que le catastrophique. Chaque sortie depuis Indie Cindy (2014) nous propose un mince échantillon de ce qui reste du talent de ses membres fondateurs et des femmes qui succèdent à celle qui a envoyé paître le petit roi des fées de Boston. Sois belle, joue de la basse, et fais les chœurs.

La la love you

Malgré des résonances d’anciennes chansons et des albums plus ou moins qualitatifs, les Pixies se perdent dans leurs propres échos et leur manque de prises de risque. Le groupe est passé de pierre angulaire du rock alternatif à cale-porte du mainstream fade. Parce qu’on en a marre du “C’était mieux avant“. Mais quid du “Ça pourrait être bien maintenant” ?

Après cette démonstration d’effort minimum des Pixies, la leçon à retenir de The Night The Zombies Came, c’est qu’il faut se dépêcher de brûler le capitalisme et la société patriarcale. Faites comme Kim Deal : si vous avez un mec dans votre vie avec un ego mal placé qui ne rate pas une occasion pour vous les briser, partez réussir de votre côté.

Informations

Label : BMG
Date de sortie : 25/10/2024
Site web : www.pixiesmusic.com

Notre sélection

  • Jane (The Night The Zombies Came)
  • Hypnotised
  • Oyster Beds

Note RUL

 1,5/5

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