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KYO – 300 Lésions – 20 ans

Après une réédition de son album phare, Le Chemin (2003), KYO propose désormais de réexaminer son successeur, 300 Lésions (2004). Écoulé à 500 000 exemplaires, ce disque compte notamment les singles “Contact”, “Ce soir” ou la poignante “Sarah”. Une belle façon de juger, vingt ans plus tard, si cette œuvre a su résister à l’épreuve du temps. Et pourquoi pas, en sortir grandi…

Un tournant plus brut dans une plume douce

Alors qu’ils auraient pu se reposer sur leurs lauriers à la suite du succès gigantesque de leur second album, il n’aura fallu que moins de deux ans pour livrer son successeur. Un sentiment d’urgence qui se transpose aussi musicalement. On retrouve en effet des sonorités moins mainstream que les hits qui les ont fait connaître. L’entame “Contact” donne le ton, martelant des riffs puissants à la Rage Against The Machine. L’onde de choc se propage sur de nombreux titres, beaucoup plus proches du rock alternatif que du pop rock FM. “Sad Day” est ainsi particulièrement percutant, en inversant leur recette pour aboutir à des couplets énergiques sublimant des refrains calmes. De même, on saluera l’intensité de titres comme “Dans Ma Chair” ou “L’Enfer”, ainsi que le caractère hymnique du très réussi “Qui Je Suis”.

Mais derrière la façade maussade des thèmes, on note aussi une volonté d’apporter de l’espoir. La raison du succès de KYO réside dans le fait d’enrober de poésie des constats lourds, parfois douloureux, mais dans lesquels surgit une connexion avec son audience. La formation y aborde des thèmes comme la solitude, la désillusion amoureuse ou la quête de sens. La combinaison vocale et l’écriture de Benoît Poher sont, en ce sens, un remarquable vecteur d’émotion. Sa plume se fait particulièrement juste pour décrire ses turpitudes (“Qui Je Suis”) ou celles des autres, à l’image de la fan favorite “Sarah”. Cette capacité à toucher les âmes a consacré le hit générationnel, “Ce Soir”.

Heavy is the crown

Par moments, la jeunesse des auteurs (vingt-cinq ans à l’époque) fait que le curseur n’est pas poussé suffisamment loin pour transcender certains morceaux. Le refrain de “Respire” ne concrétise ainsi pas complètement les promesses entrevues durant des couplets à l’énergie addictive. Pourtant, on peut également être bluffé par la maturité dégagée par le groupe pour imposer certaines orientations. On retrouve ainsi une volonté de varier les plaisirs vocaux, avec la présence du guitariste Florian Dubos au chant (“Révolutions”, “Je Te Rêve Encore”, “L’Assaut Des Regards”). Cette alternance confère une facette “chanson française“, porteuse de rêverie et de légèreté.

Symbole de son époque, le rayon expérimentation se garnit d’une étonnante piste instrumentale scratchée façon Linkin Park sur l’interlude “Omega”. On relève même quelques traces menant à Deftones dans la façon de finir certains morceaux (“Ce Soir”, “Respire”). Une puissance éthérée que l’on retrouvera quelques années plus tard dans le side-project Empyr (dont on continue de déplorer la fin prématurée).

D’influencé à influenceur

Mais la principale influence de l’album est à chercher au sein de nos frontières. À l’image de “Sarah”, l’ombre de l’autre figure majeure du rock français des années 2000 plane sur l’ensemble, en la personne de Saez. Ce constat est particulièrement flagrant à l’écoute des nombreuses démos d’époque injectées pour cette réédition. “Sous Ses Vils” ou “Trop Tard Pour Pleurer” évoquent le phrasé et la sensibilité exacerbée qui caractérisent la période Jours Étranges / God Blesse. On retrouve également “Ma Religion Dans Son Regard”, que Poher a offert l’année suivante à Johnny Hallyday. Les puristes remarqueront enfin que le titre “300 Lésions” n’est finalement pas la maquette du morceau “Poupées Russes”, qui ouvre magistralement l’album L’Équilibre (2014), également réédité pour ses dix ans, en citant ces fameuses “300 lésions“.

Bien que lié à son époque, on se rend compte que l’universalité des émotions présentes dans cet album transcende les années. Si le succès commercial de KYO a jadis détourné certains puristes, sa réécoute permet de rendre justice au talent de composition de ses jeunes auteurs. On néglige trop souvent le rôle essentiel de passeur joué par les artistes à succès. Vingt ans plus tard, 300 Lésions joue toujours ce rôle, permettant de retrouver l’essence même du rock des années 2000. Un disque comme on en fait trop peu aujourd’hui, qui aurait largement sa place parmi les meilleurs albums de la scène rock française actuelle. À noter que si vous avez un peu perdu de vue le groupe depuis cette époque, on ne peut que conseiller le récent “Margaux, Omar, Marlow”, magistral point d’entrée d’une formation qui n’a pas terminé de nous surprendre.

Informations

Label : Sony Music / RCA Records
Date de sortie : 08/11/2024
Site web : www.kyomusic.com

Notre sélection

  • Qui Je Suis
  • Sad Day
  • L’Enfer

Note RUL

 4/5

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