Pire mois de l’année appuyé par les résultats de l’élection présidentielle aux États-(Dés)Unis, c’est dans un froid sec de novembre qu’un public vêtu de noir s’approche de l’Olympia. En ce samedi soir, on tente de faire abstraction des actualités pour se faire séduire par un concert particulier. Une triple séance très bien pensée se profile. Voici le Fall Tour 2024 de Pallbearer, Baroness et Graveyard.
Arkansas appetizer for destruction
Les comptoirs de bar sont pris d’assaut et il y a encore beaucoup d’affluence à l’entrée quand PALLBEARER monte sur scène sous des acclamations enthousiastes. La fosse et le balcon sont à trois quart remplis pour cette première partie. Cela fait maintenant seize ans que le quatuor de doom américain arpente les scène, et le rodage se fait sentir dès le premier morceau instrumental. Sans compter que c’est l’occasion pour promouvoir le dernier venu dans leur discographie cette année, Mind Burns Alive. Chaque nouveau morceau fonctionne à merveille. La salle étant un parfait écrin pour le son à tendance cristalline teinté d’élans brutes. Le public écoute religieusement avec quelques têtes secouées par-ci par là. Un tour d’échauffement qui se révèle une bonne surprise pour ceux qui n’était pas familier avec le travail de ces derniers.
(S)tone deaf georgia on my mind
La salle ne désemplit pas beaucoup durant l’entracte, car bon nombres veulent conserver une place de choix pour BARONESS. Curieusement en seconde position pour jouer ce soir, le groupe ouvre les hostilités avec du neuf. Avalanche à la batterie et pluie de riffs lourds, “Last Word” que l’on retrouve sur Stone (2023) fait un effet monstre. John Dyer Baizley maîtrise sa six-cordes tout en enveloppant la salle de sa voix puissante et émotive. Chaque variation dans ses tonalités, du cri presque primal aux moments plus apaisés, témoigne de la profondeur émotionnelle qu’il insuffle à ses compositions.
Un an de plus de longévité que Pallbearer, et surtout une discographie sans faute ont su asseoir la réputation de Baroness. Une réputation amplement méritée qui aujourd’hui remplit des salles de plus en plus conséquentes. D’ailleurs, chaque album est représenté durant le set. Toutes les palettes d’une œuvre basée sur les couleurs est au service d’un style de metal parfaitement appropriée par le quatuor. Cependant, à l’inverse de ses dernières prestations françaises, la salle demeure plutôt statique. Loin d’être un mal en soi, mais définitivement une surprise quand on se remémore les concerts passés du quatuor. Que cela ne tienne, la sélection des dix titres est magnifique, et d’autant plus savourée.
À l’est de la Suède, du nouveau
Dernier entracte, et puis s’en vont. Mais pas avant d’avoir goûté au groove des suédois de GRAVEYARD. Le riff de “Twice” retentit, et la chaleur monte de nouveau d’un cran. Chaque groupe avait du nouveau contenu dans sa besace, et le quatuor ne fait pas exception avec 6( 2023). La chanson est accueillie comme un classique avec son groove de pure rock n’roll. Mais chassez le naturiste, il revient au bungalow. Le stoner n’est jamais loin et infuse le reste de la playlist. De l’art de l’alchimie qui mélange les époques, ancrée dans le présent avec le passé ayant un pied dans la porte, c’est une réussite totale. Entre riffs ensorceleurs, une énergie époustouflante et un soupçon d’incantation, la section rythmique ancre le tout dans une dynamique solide et hypnotique.
En tout cas, le public parisien semble se laisser envoûter avec plaisir. Les musiciens sont en grande forme, et n’hésitent pas à faire trembler la scène. Ce dernier concert demeure la quintessence d’un genre présent durant toute la soirée, le blues. Et c’est là l’exercice d’un excellent ordre de programmation. Une succession chromatique rondement menée pour finir en beauté. Cela dit, le rare inconvénient est qu’on en redemande très facilement et qu’il est possible d’éprouver de la frustration envers tel ou tel set. Une dizaine de morceaux, cela reste un rythme de festival.
Les joies de l’Olympia
Les lumières se rallument, et les sourires se lisent sur les visages. Cette immersion dans des univers sonores qui se rejoignent était salutaire. Le vent s’engouffre dans le couloir de sortie de l’Olympia, tandis que des lèvres commencent à gercer. En effet, le petit nuage sur lequel beaucoup se trouvent ne va pas s’évaporer avant demain. Une façon de dire que nous sommes finalement peu de choses, et qu’il faut savoir agir à notre échelle face à un monde un peu plus cruel chaque jour. Si vous avez encore la chance de pouvoir jouir d’un concert, alors ne culpabilisez pas et profitez en. Pour celles et ceux qui n’en ont plus la force, nos pensées et notre soutien indéfectible vous accompagnent.