Pour la première date européenne de son The Final Nights Of Six World Tour, You Me At Six a rendez-vous avec une audience parisienne survoltée, déterminée à y laisser toute son énergie pour faire de cette dernière rencontre une soirée inoubliable.
Mouth Culture
Mieux valait ne pas arriver trop tard au 50 Boulevard Voltaire ce soir : le programme étant chargé, c’est à 19h précises que les Britanniques de MOUTH CULTURE lancent les hostilités. Pour son premier passage en France, la formation originaire de Leicester combine l’énergie et la simplicité de la pop punk avec une influence hip hop sur le style vocal. Le set est fluide, bien ficelé, et offre des variations d’intensité et de couleurs : “No Shame” allie groove et heavy (mention spéciale à l’utilisation, toujours satisfaisante, d’un bloc par le batteur Maximilian Nicolai), tandis que Jack Voss (chant) exhorte les spectateurs à brandir les lampes de leur téléphone sur la belle “Johnny Cold Shoulder”. Peu avant de quitter la scène, Voss indique qu’il a grandi en écoutant You Me At Six et qu’il partage la tristesse du public face à l’annonce de la séparation. L’accessibilité et la teneur émotionnelle de la performance de Mouth Culture donnent un bon avant-goût du mélange de festivité et de nostalgie qui va dominer tout au long de la soirée.
The Xcerts
À 19h45, un vent de fraîcheur écossais emplit soudainement le Bataclan. Dans un registre plus indie que son prédécesseur, THE XCERTS prend le relais. Son pop rock décomplexée laisse la part belle à la puissance emphatique de la voix de Murray Mcleod, dont la bonne humeur contagieuse n’est pas sans rappeler la présence scénique d’un Conor Mason (Nothing But Thieves). La performance brille autant par sa simplicité que par les surprises qu’elle apporte : la piste de saxophone sur “Drive Me Wild”, le refrain a cappella que Mcleod fait entonner au public à la fin de “Feels Like Falling In Love”, et la clôture, “GIMME”, qui prend le contre-pied de l’atmosphère proposée jusqu’ici en adoptant un rythme plus saturé et saccadé. Après avoir à leur tour insisté sur l’impact personnel et professionnel que les hôtes de la soirée ont eu sur leur vie, les Écossais saluent un auditoire souriant et réchauffé.
You Me At Six : Long live the Underdogs
Entre pogos, hurlements et larmes, la prestation de YOU ME AT SIX a constitué un moment de décharge émotionnelle haut en couleurs et en intensité, marqué par une synergie parfaite entre le groupe et ses fans. Avec 1h45 de show, les Britanniques ont livré une performance généreuse, menée par la prestance impeccable de Josh Franceschi, qu’il est difficile d’imaginer loin des scènes.
Le quintette démarre fort avec un enchaînement de refrains plus entraînants les uns que les autres, largement repris par l’auditoire : “Room To Breathe”, “Loverboy” et “Stay With Me” lancent le concert avant que “Save It For The Bedroom”, présente sur le tout premier disque du groupe paru en 2009, Take Off Your Colours, stimule les élans nostalgiques des fans les plus anciens. La scène arbore en fond un immense néon en forme de “VI“, l’emblème du groupe, laissant toute sa place à la musique. Après une succession de refrains délicieusement pop comme You Me At Six a l’habitude d’en écrire (“Straight To My Head”, “Finders Keepers”, “Lived A Lie”) et des passages plus groovy (“Night People”), la deuxième moitié du set se décompose en plusieurs temps afin de laisser s’installer différentes ambiances. Le riff irrésistible de “SUCKAPUNCH” contamine la fosse de son énergie indomptable, énergie qui sera prolongée par le breakdown final de “No Future? Yeah Right” et l’agitation de “The Swarm” et de “MAKEMEFEELALIVE”.
À cet enchaînement intense répond un passage plus mélancolique, introduit par la cathartique “Mixed Emotions (I Didn’t Know How To Tell You What I Was Going Through)”, qui constitue le point d’orgue émotionnel de la soirée. Franceschi, incapable de retenir ses larmes, quitte la scène quelques secondes avant de rendre hommage à un ami décédé en juillet. La décharge sentimentale se prolonge avec la splendide “Give”, la performance acoustique de “Liquid Confidence” et, bien sûr, la célèbre “Take On The World”, que Franceschi dédie aux victimes des attentats du Bataclan, survenus il y a presque neuf ans jour pour jour. Au fur et à mesure que le set avance, le chanteur multiplie les interventions pour remercier le public, sa voix et son regard trahissant un mélange de tristesse et de gratitude.
Le groupe injecte une nouvelle dose d’énergie avec “Beautiful Way”, qui conclut le set principal. Avide de prolonger cet ultime rendez-vous aussi longtemps que possible, l’audience tape des pieds, hurle, supplie les Britanniques de lui offrir quelques derniers instants de partage musical. Son vœu est exaucé, et les musiciens répondent avec la mythique “Bite My Tongue”, qui voit Franceschi, aidé par l’assemblée, remplacer Oli Sykes sur le breakdown final. “Reckless” et “Underdog” donnent aux fans l’opportunité de se vider les poumons une dernière fois, cette dernière brisant sans doute le record sonore de la soirée.
Au-delà de la prestation, You Me At Six a à cœur d’interagir avec son audience parisienne tout au long du show, et celle-ci le lui rend bien en reprenant avec force nombre de refrains et en se laissant aller à plusieurs pogos et circle pits (“No Future? Yeah Right”, “The Swarm”, “Underdog”) ainsi qu’à des sessions de crowdsurf (“Lived A Lie”, “Bite My Tongue”). Franceschi remplace les paroles de “No One Does It Better” par “Paris does it better” et insiste à plusieurs reprises sur les qualités d’écoute et de réaction des fans français. À plusieurs reprises, il lève des yeux émus vers son père, assis en gradins, qui lui a transmis la nationalité française, et brandit un drapeau corse pendant “Bite My Tongue”. Une fois le concert terminé, il prolonge les adieux en retardant sa sortie de scène.
Seize ans après son premier passage parisien en ouverture du concert de Fall Out Boy à La Cigale, You Me At Six tire sa révérence avec classe et gratitude. À la tristesse liée à la séparation des Britanniques se mêle un sentiment de satisfaction face à la générosité de cette dernière rencontre, placée sous le signe de la mutualité, de la nostalgie et de la célébration.