En 2014, le groupe américain Steel Panther dévoile une pochette audacieuse signée David Jackson : une réinterprétation de La Cène de Léonard de Vinci, où le détournement des codes classiques célèbre les excès assumés de la scène rock.
L’album
Steel Panther, quatuor incontournable de la scène glam metal moderne, s’est imposé avec une esthétique extravagante, des riffs ravageurs et des paroles irrévérencieuses. Formé en 2000 à Los Angeles, la formation est menée par le charismatique Michael Starr (chant), Satchel (guitare), Spyder (basse) et Stix Zadinia (batterie). Leur style musical rappelle les heures de gloire des années 80, avec des influences marquées par Mötley Crüe, Van Halen et Def Leppard. Leur album All You Can Eat (2014) s’inscrit parfaitement dans cette veine parodique et décomplexée du glam.
L’artiste
David Jackson est un photographe américain spécialisé dans l’industrie de la musique et proche de la scène rock et metal. Basé à Los Angeles, Jackson est aussi connu pour avoir photographié des groupes tels que Limp Bizkit, Asking Alexandria ou encore pour avoir réalisé des portraits de figures de ce milieu.
À la croisée des chemins entre l’hyperréalisme et le portraitisme à la Ross Halfin, l’artiste privilégie une photographie stylisée, souvent retouchée avec précision, jouant sur l’effet de contraste des couleurs vives.
La cover
La pochette de All You Can Eat est une réinterprétation moderne de La Cène, l’œuvre de Léonard De Vinci, peinte entre 1495 et 1498. Cette fresque, qui représente le dernier repas du Christ avec ses apôtres, est l’une des images les plus célèbres et les plus reproduites de l’histoire de l’art. La version de Steel Panther en propose une lecture totalement subversive.
Visuellement, la composition photographique reste fidèle à l’agencement des personnages de l’original. Michael Starr, dans le rôle du Christ, occupe le centre de la scène. Il arbore les couleurs rouge et bleu du vêtement du Christ, symbolisant la dualité de sa nature : le bleu pour le divin et le rouge pour l’humain. Entouré par ses “apôtres” incarnés par les membres du groupe, on retrouve également dans la composition des figures stéréotypées de la culture glam, comme des strip-teaseuses ou encore des personnages en état d’ébriété. La table est remplie de nourriture extravagante et de boissons, évoquant une orgie moderne, dans une parodie de la sobriété biblique de De Vinci.
Techniquement, David Jackson utilise des retouches pour créer une ambiance kitsch mais léchée. L’éclairage met en valeur les couleurs saturées et les expressions grotesques des personnages. La composition de l’image met ainsi en avant les excès de cette scène alternative. En filigrane, c’est une réflexion ironique sur la décadence de la culture moderne, sur l’adoration des plaisirs terrestres et sur l’image même du rock comme symbole de l’hédonisme. David Jackson s’inscrit, à travers son approche satirique, dans une lignée d’influences issues du mouvement Dada et du Pop Art. Il s’approprie des références culturelles pour les détourner, à l’image de Marcel Duchamp transformant la célèbre Joconde de De Vinci dans son œuvre L.H.O.O.Q., ou encore d’Andy Warhol et de l’esprit Pop Art qui suivront cette démarche en explorant la recontextualisation des icônes culturelles.
En cela, la pochette de All You Can Eat pousse le spectateur à s’interroger non seulement sur l’image elle-même, mais aussi sur son statut, sa portée symbolique et la manière dont elle est perçue et recontextualisée dans un univers où la culture visuelle joue un rôle central.