Après nous avoir survoltés au Main Square Festival avec son groupe, la chanteuse d’Against The Current nous a tout autant enthousiasmés avec son premier EP solo, VII. Ce lundi soir est donc l’occasion d’attester de sa qualité, à l’occasion de cette tournée commune avec le duo Voilà. Retour sur une soirée au format particulièrement singulier.
Courant alternatif
Après la démesure de Sum 41, nous voici donc de retour dans une salle à taille humaine. Et à l’écoute des conversations, on devine qu’ils étaient nombreux à avoir assisté à l’adieu des Canadiens quelques jours auparavant. Misant sur cette proximité stylistique, une voix off invite l’audience à s’échauffer les cordes vocales sur des hits pop punk. Hélas, ces extraits ne sont ni les plus aisés à chanter (“I Write Sins Not Tragedies”), ni les plus connus. D’autant que, si l’on peut clairement rattacher Chrissy Costanza au genre, il n’en est pas de même pour Voilà. Ces derniers s’inscrivent plutôt dans un courant pop rock, assez radiophonique.
Ce mélange des genres se poursuit dans l’architecture du set. Alors qu’on pouvait s’attendre à une première partie assurée par les garçons, suivie du set principal de Chrissy, cette tournée a pris le parti de multiplier les aller-retours entre leurs répertoires. Nous comprenons donc la première signification de l’appellation “Spin The Bottle Tour“. Passé le morceau d’introduction interprété en commun (“Caught It”), la jeune femme ne revient que trois morceaux plus tard. On ne le sait pas encore, mais ce schéma est un avant-goût des deux prochaines heures. Les seuls éléments immuables sont la présence continue du guitariste de Voilà ainsi que celle d’un batteur additionnel, chargés d’accompagner les deux entités.
Intimité et surprises
Si la tournée est destinée à soutenir son premier EP, VII (2024), Chrissy Costanza glisse également avec parcimonie quelques clins d’œil à son groupe de toujours. Les aficionados retrouvent avec plaisir “Wildfire” et le classique “Legends Never Die”, tiré de League Of Legends. D’ailleurs, sa seconde collaboration avec cet univers ne sera pas oubliée, avec son titre solo “Phoenix”. On retrouve également “weapon”, intégré au sein d’un medley incluant notamment sa récente reprise de “A Whole New World” d’Aladdin.
Poussant la thématique du Spin The Bottle Tour, les maîtres de cérémonie proposent à un fan tiré au sort de faire tourner une véritable roue, chargée de désigner un titre surprise. C’est donc sous l’impulsion d’une spectatrice nommée Lucie que la flèche s’arrête sur la case “Chrissy mystery cover“. Une reprise des Goo Goo Dolls, “Iris”, devient l’heureuse élue de ce happening. Et il faut dire que le choix est excellent, puisqu’il nous permet d’être subjugués par la poignante interprétation de la jeune femme. La performance guitare-voix est magnifique et met particulièrement en valeur ses capacités vocales hors normes.
VII, à la maison
Mais naturellement, un point restait à définir : celui du rendu live de ses nouvelles compositions ! On retrouve cette capacité à allier une formidable énergie à des tenues de notes extraordinaires. La bombe mélodique “Some Like It Hot” fera ainsi jumper la fosse. Rien de surprenant pour quiconque a déjà assisté à une performance de sa formation d’origine. En revanche, il est plus rare d’entendre ce concentré d’énergie interpréter un titre acoustique. Introduit par un discours touchant sur son insouciance sacrifiée très jeune dans sa quête artistique, “I Tried to Act Your Age” nous transperce par son interprétation à fleur de peau. Sortant également des sentiers pop punk, la pop vénéneuse de “You’d Be Right” fait un carton parmi les deux fanbases.
Cerise sur le gâteau : nous avons également droit à un intriguant inédit, “What If Sin Could Save Me”. De quoi annoncer une possible suite sous les meilleurs auspices ! Même si Chrissy a précisé que ce projet ne condamnait pas Against The Current, on ne sait pas encore à quel point cette escapade solo sera pérenne. Le caractère exceptionnel de cette date a donc poussé un certain nombre de fans à prendre leur billet à l’aveugle, avant même que les nouvelles compositions ne soient révélées.
Voilà, voilà, voilà qui nous sommes
Toutefois, les adeptes de Voilà ne sont pas en reste et sont même les plus vocaux ce soir. Dès les premières notes du duo, l’atmosphère est électrique. Les fans scandent avec enthousiasme les paroles de leurs morceaux phares comme “Drinking With Cupid” ou “Therapy”. Les compositions ne transpirent pas l’originalité, mais Gus Ross chante avec une telle passion qu’on passe un agréable moment. Le guitariste (et véritable mannequin) appuie les paroles par quelques mimes explicites (cornes, téléphone). Il multiplie également les gestes d’affection envers des spectatrices aux anges. Et ce ne sont certainement pas sa chemise déboutonnée ni quelques gestes suggestifs (comme le fait de lécher son manche de guitare) qui contribueront à faire baisser leur engouement. Ni la température…
Il est indéniable que cette tournée marque une étape importante dans la carrière du duo, jusqu’ici marquée par un hit TikTok. Ce mélange a permis de s’ouvrir à une audience plus importante et de s’exporter au-delà de leurs frontières. Toutefois, il faut reconnaître que ce parti pris ne présente pas que des avantages. Il est par exemple assez difficile de s’immerger dans un univers en l’espace de trois chansons pour repartir ensuite vers une autre énergie. Tous les spectateurs n’étant (logiquement) pas au fait de tous les répertoires, les moments de communion générale sont, finalement, assez rares.
En revanche, la soirée se finit en apothéose lors de l’interprétation commune de “7 Minutes In Hell”. Le fruit de leur première collaboration remporte ainsi tous les suffrages, grâce à ce mariage entre voix éraillées et cristallines. Originale et truffée de bonnes idées, on ressort de cette performance plutôt satisfait. Les deux formations dégageaient un indéniable plaisir de partager l’affiche, même si le mélange était sans doute trop poussé pour être pleinement efficace.