
Le post rock onirique de God Is An Astronaut s’est invité au Trabendo le temps d’une soirée printanière pour célébrer son dernier disque à date, Embers (2024), et nous inonder de sa grâce musicale et poétique.
Jo Quail
Lorsque JO QUAIL prend position face à son violoncelle électrique peu avant 20h, elle est en terrain connu : le public l’a déjà rencontrée via ses collaborations avec God Is An Astronaut, y compris sur le dernier album des Irlandais (“Realms” et “Prism”). Mais sa partition prend une toute autre dimension en live. Pendant une demi-heure, la musicienne accumule et enchevêtre des boucles de violoncelle tout en s’amusant avec les sonorités de celui-ci, qui, sous l’emprise des pédales à effets, prend tour à tour le son du rugissement saturé d’une guitare électrique ou celui du fracas sombre d’une percussion. Si la réalisation technique est impressionnante, la fascination opère davantage par l’ambiance que sa prestation impose dans le Trabendo, la stéréo du système son de celui-ci conférant au rendu une profondeur sonore ennivrante. Les morceaux revêtent une envergure cinématographique, à mi-chemin entre la bande son de Game Of Thrones et celle de Pirates Des Caraïbes. De la menace à l’extase, sa musique fait varier les couleurs et surplombe complètement l’audience, qui, enchantée, lui offre en retour son silence le plus respectueux.
God Is An Astronaut, odyssée spatiale
La musique de GOD IS AN ASTRONAUT se passe volontiers de mots pour opérer sa transmission émotionnelle : guitare, basse et batterie se chargent de nous parler, invoquant une communication plus mystique et interprétative. Pendant près d’une heure et demie, les jumeaux Kinsella accompagnés du batteur Lloyd Hanney déversent riffs enragés et passages plus atmosphériques, proposant un show coloré au sens propre et figuré du terme : sur chaque chanson, le lightshow inonde la salle de vert, de rose, de bleu, de jaune, s’assurant d’éblouir nos yeux en même temps que nos oreilles (au point que cela devient presque indigeste par moments, certains assemblages de couleurs laissant un peu à désirer).
Les Irlandais ayant opté pour une setlist dynamique, les explosions rock s’enchaînent, trouvant une traduction live à la hauteur de leur férocité : “Odyssey”, en première position, ouvre le bal, tandis que “Echoes”, “Seance Room”, “Suicide By Star” et “Oscillation” reprennent le flambeau en proposant des riffs hachés et saturés, dont la lourdeur contraste poétiquement avec les passages les plus flottants de “All Is Violent, All Is Bright” ou de la splendide “Fragile”, qui entame le rappel. Comme l’on pouvait s’y attendre, God Is An Astronaut fait varier les plaisirs et les intensités, comme sur “Seance Room”, dont la structure complexe et contrastée prend un nouveau coup d’éclat en live en accentuant les qualités sonores de chacune de ses parties. Le groupe n’aurait plus trouver meilleure candidate que la délectable “Embers” pour clôturer le set principal, avec son riff menaçant et impétueux, poussant le curseur du heavy encore plus loin.
La setlist met à l’honneur le dernier album à date, Embers, en lui réservant cinq places sur un concert de douze chansons. Torsten Kinsella, à la guitare, profite de la délicate “Falling Leaves” pour rendre hommage à son père décédé en 2023. En-dehors de ces quelques mots, les musiciens restent silencieux, laissant leur musique prendre possession de la salle et de ses occupants. Déjà volumineuse, la masse musicale est amplifiée par un niveau sonore suffisamment élevé pour faire regretter aux plus imprudents de ne pas s’être munis de bouchons d’oreille. Sur les quatre dernières chansons, Jo Quail rejoint la scène pour le plus grand bonheur de tous, enjolivant la fin de concert de son jeu de violoncelle.
“From Dust To The Beyond”, du premier album The End Of The Beginning (2002), clôture la soirée en rappelant tout à la fois l’ancienneté de ses auteurs et leur constance dans le temps. Instruments et lumières s’affolent pour une ultime montée d’adrénaline stroboscopique laissant le public étourdi et prêt à prendre le chemin du retour.
God Is An Astronaut réussit à transporter l’auditoire dans la richesse de son univers musical, sa performance mettant en valeur les moments les plus aérés et les plus orageux de sa discographie pour un rendu intense, varié et élégant.