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Spiritbox – Tsunami Sea

Moins d’un mois après son passage à l’Olympia, Spiritbox nous livre son deuxième album, Tsunami Sea, quatre ans après Eternal Blue (2021) et deux après l’EP The Fear Of Fear (2023). Fidèle à ses sonorités, le groupe mené par Courtney LaPlante confirme sa place d’incontournable de la scène metalcore contemporaine en réaffirmant avec une audace décuplée les fondamentaux de sa patte artistique.

Submersion par tsunami

Là où “Sun Killer”, l’ouverture de Eternal Blue, nous plongeait en douceur dans le metal progressif de ses auteurs, Tsunami Sea démarre en trombe avec l’explosive “Fata Morgana”, à laquelle l’écrasante “Black Rainbow” répond de sa rage folle. Peu de place pour les cleans de LaPlante, noyés dans ce déferlement metallique, le premier rôle revient à ses cris parfaitement éraillés. Nous voilà prévenus : Spiritbox embrasse ses penchants les plus radicaux sans une once de timidité.

Les passages les plus heavy du disque laissent entrevoir les inspirations djent de Mike Stringer, à la guitare, qui multiplie les riffs dévastateurs et minimalistes (“Fata Morgana”, “Keep Sweet”, “Soft Spine”, “No Loss, No Love”). Mais aussi, les prouesses de Zev Rosenberg, dont le jeu de batterie parfois débridé devient moteur de dynamisme et de créativité, nous surprenant au détour de quelques placements rythmiques imprévisibles, comme sur les refrains de “Black Rainbow”. Après avoir laissé d’autres inspirations moins brutales prendre le relais, “Soft Spine” explose brutalement en proposant l’un des meilleurs refrains de l’album et un excellent solo de guitare.

Les passages de saturation poussée à l’extrême revêtent une couleur plus menaçante que la rage ouverte des rouleaux compresseurs de Eternal Blue (“Silk In The Strings”, “Holy Roller”). “Soft Spine” utilise instruments et paroles pour déverser sa haine, et à celle-ci se conjugue un sentiment d’appréhension latent et persistant recouvrant la chanson d’une aura autrement sombre. Sur “Black Rainbow” et “No Loss, No Love”, lorsque LaPlante n’est pas en train de se vider les poumons, sa voix se dote d’un revêtement robotique et inquiétant. Cette dernière et “A Haven With Two Faces” proposent aussi leur dose de riffs ravageurs, intercalés entre des sections radicalement différentes, rappelant la versatilité de Spiritbox. L’impression de submersion imposée par un tiers du disque se marie à la perfection avec les thèmes abordés : à coup de métaphores maritimes, alternant entre le clean et le scream avec justesse, LaPlante chante ses démons et son désespoir, sa voix se retrouvant elle-même noyée par des vagues instrumentales indomptables.

Courants contraires

Ni Tsunami Sea ni Spiritbox ne se résument à leurs aventures musicales les plus saturées. Comme sur Eternal Blue, ce nouvel album regorge d’influences et de sonorités diverses, rendant l’écoute aussi imprévisible qu’intéressante.

Si les chansons les plus énervées retiennent plus facilement notre attention, il serait regrettable de ne pas s’attarder sur les autres couleurs musicales que Spiritbox nous offre. A la menace orageuse de certains morceaux répondent des morceaux plus lumineux, équipés de mélodies que la voix clean de LaPlante élève au-dessus de la mêlée d’instruments. “Perfect Soul” permet ainsi de faire descendre la pression avec ses agréments vocaux éthérés. “Keep Sweet” alterne ses pré-refrains agités avec des couplets posés sur des percussions synthétiques, évoquant les inspirations électroniques déjà présentes sur Eternal Blue (“We Live In A Strange World”) reprises sur “Tsunami Sea” et “No Loss, No Love” et poussées à l’extrême par “Crystal Roses”.

“A Haven With Two Faces” est la pièce maîtresse de ce mélange de genres en proposant la meilleure mélodie de l’ensemble, promenée sur un riff explosif tandis que pétillent en arrière-plan des synthés enrichissant la matière sonore. Pour notre plus grand plaisir, LaPlante troque soudainement ses cleans pour un scream nous prenant au dépourvu. Après nous avoir laissés reprendre notre souffle, une grimpée vocale sublime enclenche un second emballement. Longue de plus de cinq minutes, son dynamisme et la fluidité de ses transitions démontre toute la maîtrise de ses auteurs, qui, à la façon d’un Nothing More, ne se contentent pas de mettre bout à bout des sections différentes, mais de les marier avec précision et intelligence pour proposer des morceaux variés capables d’aller au bout de leur ambition.

A mesure que l’album déroule ses titres, les nuages se retirent et l’atmosphère s’éclaircit : les progressions se font plus épiques que menaçantes, les arrangements plus texturés, le chant plus rarement crié, comme si LaPlante se débarrassait progressivement de ses tourments. “Crystal Roses”, “Ride The Wave” et “Deep End” concluent ainsi le disque en proposant des ambiances radicalement différentes de leurs prédécesseuses, la seconde se démarquant par sa petite guitare mystérieuse et sa montée en intensité débouchant sur les derniers screams de l’ensemble, la troisième par son élan cathartique.

Difficile de trouver meilleur nom que Tsunami Sea pour décrire l’album, tant celui-ci nous inonde d’informations et de sonorités aussi contraires que complémentaires, flattant le talent artistique des compositeurs. Sans l’ombre d’un doute, il permet à Spiritbox de garder sa place à la table des grands.

Informations

Label : Rise Records
Date de sortie : 07/03/2025
Site web : www.spiritbox.com

Notre sélection

  • A Haven With Two Faces
  • Black Rainbow
  • Soft Spine

Note RUL

 4/5

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