Splinn. – Becoming Ourselves

Splinn. est un groupe français de rock progressif qui propose la plupart du temps des paroles chantées en anglais. “Encore un autre ?!” réagit déjà la forte voix d’Inspecteur des Travaux Finis du Rock qui sommeille en chacun de nous. Eh bien figurez-vous qu’en dépit des informations données dans notre présentation sommaire, Splinn. n’a rien d’un énième groupe à oublier. Son premier album n’est sorti que depuis un mois et le groupe jouit déjà d’une bonne réputation. A travers le système de reconnaissances que représentent les concours et scènes/tremplins(comme le Fallenfest), les membres de Splinn. ont progressivement révélé leur talent au monde, jusqu’à composer “Becoming Ourselves”, premier opus composé de dix titres agréablement surprenants de maturité.

“Becoming Ourselves” est un corpus de compositions modernes au fort potentiel mélodique, complétées par des paroles poétiques. Il est assez difficile de ne pas penser à Empyr (période “The Peaceful Riot”) ou à Adema (période “Planets”). Pourtant, il y a dans ce disque un je-ne-sais-quoi qui captive l’auditeur. En fait, Splinn. dispose d’une arme de choix : la très belle voix de Laurent et la sensibilité qui en émane. Problème : son manque d’énergie sur la première chanson, “Resign”. Il en est de même sur d’autres titres. Outre un sentiment de frustration, cela provoque un certain déséquilibre : l’intensité des musiques est parfois étouffée par le manque de puissance du chant. Les morceaux sont susceptibles de perdre leurs auditeurs au bout de leurs 45 premières secondes. Néanmoins, les curieux écouteront les quelques performances live qui traînent sur la Toile, objectivement plus satisfaisantes de ce point de vue. Dérouté par “Resign”, l’auditeur obstiné passera au deuxième morceau, “Memory (We Won’t Sail Away”, particulièrement éclatant, étrange et original. La suite est plus encourageante; mais la grande surprise de “Becoming Ourselves”, c’est le sublime et addictif “Stranger”, porté par un ensemble acoustique avec violon(s) au sein duquel la voix du chanteur s’intègre parfaitement. La magie opère également sur “26”, dans un registre différent, frôlant l’emo sans la rage et la désolation adolescentes et les voix fooooortes pour ponctuer les appels au secours. Ici, le spleen prend une dimension bien plus mûre et non bêtement romantique. Certaines chansons sont sombres, comme la paradoxale “Euphoria”, très complexe et catchy, mais jamais négatives. Les créations de Splinn. sont efficaces, cathartiques et lumineuses. Elles envoûtent l’auditeur, le captivent, le prennent aux tripes… le tout avec subtilité.

Pour un premier essai, “Becoming Ourselves” est plus que correct; les trois membres de Splinn. se donnent sur dix morceaux au style indépendant, hors norme, dans le paysage du rock français. Cela dit, en bons amateurs de bonne musique dont le professionnalisme ne peut être corrompu par la sensualité d’une voix et la qualité d’une pochette de CD (n’est-ce pas ?), nous nous permettons d’émettre une réserve : le risque que le registre de Splinn. ne soit trop limité pour évoluer et s’épanouir, bien qu’à l’écoute attentive des morceaux de “Becoming Ourselves” nous puissions imaginer la quantité de travail et la réflexion ayant accompagné leur élaboration. Quoiqu’il arrive, la révélation de cet album est sans doute l’une des plus belles surprises de la saison; c’est pourquoi nous vous conseillons vivement d’évacuer tout préjugé et de vous mettre à jour. Au pays du rock progressif français où ça chante en anglais, Splinn. a considérablement relevé le niveau.