Chroniques

SuperHeavy – SuperHeavy

Le 20 mai dernier, Mick Jagger levait le voile sur un projet de supergroup inédit. SuperHeavy est la collaboration du chanteur des Rolling Stones avec la jeune et surdouée Joss Stone, Dave Stewart (connu pour avoir été la moitié de Eurythmics, l’autre moitié étant incarnée par Annie Lennox), l’héritier Damian Marley et le grand compositeur indien Allah Rakha Rahman (auteur de la musique du film “Slumdog Millionaire”). Ce casting imposant réunit des personnalités issues d’horizons (très) différents, et nous livre une compilation de seize titres éclectiques et surprenants.

Si beaucoup de morceaux sont construits autour de rythmes reggae et des textes du fils de Bob Marley, certaines chansons peuvent être classées dans la catégorie pop rock (“I Can’t Take It No More”), voire dans des genres vaguement définis et pourtant bien acceptés (catégorie world). Il s’agit donc de titres très différents les uns des autres dont le principal intérêt est de découvrir des faces inédites d’artistes renommés. Par exemple, on remarque que la voix de Jagger paraît rencontrer des difficultés à se poser sur les rythmes urbains, tels que celui de “Miracle Worker”, premier single séduisant. Néanmoins, le phrasé direct du sexagénaire explose sur le deuxième couplet du prévisible “Energy”. En parlant d’énergie, toutes les idées du groupe ne se mêlent pas tout le temps avec finesse. A cet égard, la caution féminine de la formation éphémère pose problème : dotée de capacités vocales qu’elle n’a plus à prouver, Joss Stone s’exprime parfois plus fort que nécessaire, s’adonnant à des démonstrations aussi artistiquement intéressantes que les hurlements de Fergie des Black Eyed Peas (le “Yeaaaah, what the fuck is going on ?!!!”, qui ouvre “I Can’t Take It No More” est carrément horripilant). De même, le quintette se fourvoie dans des clichés avec le larmoyant “World Keeps Turning”. Pourtant, malgré leur lourdeur, les créations de notre petite famille musicale présentent un je-ne-sais-quoi désarmant. Rendons nous à l’évidence : bien que les paroles ne soient pas toujours très originales et les airs plutôt lourds, certaines compositions sont extraordinaires. La balade pop rock “Never Gonna Change” et l’intervention de l’incroyable violoniste Ann Marie Calhoun (joli poids lourd de la musique classique que l’on a notamment vue jouer avec Foo Fighters sur “The Pretender” à la 50ème cérémonie des Grammy Awards) sur “I Don’t Mind”, dégagent une harmonie et une sensibilité rares. Seuls des musiciens expérimentés et maîtrisant le son comme A.R. Rahman et Dave Stewart peuvent retranscrire cela. Alors même si on ne comprend pas tout- sauf quand on a participé à l’enregistrement de l’album et/ou quand on parle l’indien et le sanskrit et/ ou qu’on a l’habitude d’écouter du reggae jamaïcain-, il est tout de même possible d’apprécier à leurs justes valeurs les morceaux les plus intéressants. Ainsi, le sublime “Mahiya” dont le refrain, un couplet et le pont sont interprétés par Rahman, rattrape avec brio les ratés de cet album inégal.

Produit d’un croisement culturel et intergénérationnel inattendu, “SuperHeavy” est une expérience musicale inédite mais inégale. Trop souvent, le nom du groupe trouve son sens, tant les protagonistes peinent à doser leurs investissements respectifs. Cependant, l’ensemble, qui met en valeur le talent de Sir Jagger et Cie dans un contexte nouveau, vaut nettement plus la peine de sacrifier une heure de sa vie que les âneries déclamées par Maroon 5 dans nos postes radio depuis cet été. Incohérent aux premiers abords, le projet SuperHeavy s’avère riche. “SuperHeavy” est à considérer comme un nouvel ovni à expérimenter, un voyage sensoriel et spirituel à travers les sons.

Informations

Label : Universal Music / Label AZ
Date de sortie : 16/09/2011
Site web : www.superheavy.com

Notre sélection

  • Miracle Worker
  • Mahiya
  • Common Ground

Note RUL

3.5/5