L’imprévisibilité de l’année qui se termine doucement nous aura offert notre lot d’émotions. Bonnes ou mauvaises, nul doute que ces montagnes russes permanentes donnent du grain à moudre pour les artistes du monde entier. Ce monde percuté par une vague que personne n’a vu venir. Son nom a été sur toutes les bouches, tous impuissants face au raz-de-marée. Le choc a été tel que même les personnes les plus en marge s’y sont intéressées. On parle bien entendu de Taylor Swift, et de son album surprise “folklore“.
D’influenceuse à influence
Tandis que l’artiste américaine explorait depuis plusieurs années les recoins toujours plus cringies de la pop musique survitaminée, Swift a pris tout le monde de court avec un album acoustique, intime et terriblement bien écrit. La popstar est revenue à ses premiers amours. Des chansons simples, écrites avec une guitare. Et l’impact, au-delà du commercial, pourrait être énorme. La musique de demain sera faite par les ados d’aujourd’hui.
Par conséquent, en invitant son immense fanbase dans un univers, où il n’est plus question de clips dont les budgets dépassent celui du tout cinéma français des quinze dernières années, l’inception peut débuter. Combien de jeunes filles recevront une guitare acoustique ou un piano pour Noël ? Combien se mettront à écrire des chansons de rupture en écoutant les premiers albums de Bon Iver ? Combien iront désormais découvrir sur leur plateforme streaming préférée les standards folk auxquels Swift rend hommage via “folklore” ? Ces jeunes d’aujourd’hui vont créer la musique de demain et Taylor Swift va influencer une toute nouvelle génération de songwriter. Une génération qui se détachera petit à petit d’un monde Instagrammable décidément bien incompatible avec l’univers du rock.
Tout casser
Miley Cyrus, de son côté, n’en est pas à sa première tentative d’insertion dans un univers rock. Un univers qui la regarde encore avec méfiance, voire dédain. Après le succès planétaire de sa “Wrecking Ball”, la nièce de Dolly Parton avait tenté de se racheter une conduite avec deux albums. Plutôt passés inaperçus, ils s’avéraient pourtant plus intéressants que ce que l’héroïne de “Hannah Montana” avait pu nous proposer jusqu’ici. Sa récente prestation dans “Black Mirror”, et son hommage au monument Nine Inch Nails, enfonçait le clou d’une direction de plus en plus assumée. Tantôt galopant sur le chemin de la rédemption, puis incarnant l’icône white trash de l’impertinence, Miley Cyrus nous envoyait le signal depuis quelques années que son ambition, c’est de devenir une rockstar.
Avec “Plastic Hearts“, son nouvel album, elle pourrait bien être en mesure de réussir son tour de force. Une production survitaminée et des titres fédérateurs aux accents pop et rock. Une sorte d’hommage monolithique à ce que la musique américaine produisait en masse dans les années 80. Cyrus convoque les fantômes du passé pour converser avec ses propres démons. Joan Jett, Stevie Nicks, Billy Idol, ces monuments de la musique ont leur carrière derrière eux. Mais par leur présence, ils jouent un rôle fondamental dans l’entreprise de Cyrus : le devoir de transmission. Terminé le temps où papa et maman condamnaient fermement que les fillettes de huit ans tirent la langue à tout bout de champ pour imiter leur chanteuse préférée. Désormais, les petites filles du monde entier pourront inviter leur maman à danser sur les nouvelles chansons de Miley Cyrus. Puisqu’en plus d’être sacrément catchy, l’idole de leur jeunesse s’y acoquine avec celles de papa et maman ! Et quand il s’agit de s’encrer dans l’actualité, Miley invite Dua Lipa pour un clip qui envoie le signal que les filles peuvent elles aussi s’amuser. Et être de véritables rock star.
Girl power
La véritable leçon dans tout cela, c’est que deux icônes que l’on prenait un malin plaisir à enfermer dans des personnages bien trop étriqués s’affranchissent enfin de leur carcan. Qui en ressort grandit ? La musique déjà. Que l’on aime ou pas, Swift et Cyrus sont des artistes qui méritent leur succès grâce à leur travail et à leur talent. Le rock ensuite. Quand ce talent est mis à contribution d’une culture qui nous est chère, qui est en claire perte de vitesse face aux mastodontes de la musique urbaine, c’est d’autant plus excitant.
Mais surtout, il s’agit de deux femmes. Après des années durant lesquelles une femme devait répondre à des standards bien établis, et souvent vulgairement réducteurs, pour pouvoir rencontrer son succès, des artistes mainstreams se libèrent de tout cela. Alors relativisons : les carrières de Taylor Swift et Miley Cyrus sont toujours calculées au millimètre près. Mais ce calcul s’effectue désormais avec l’idée révolutionnaire et jouissive que celles qui décident maintenant, ce sont elles.