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Cover Story #18 : Sex Pistols – God Save The Queen


En 1977, au cœur du mouvement punk britannique, une collaboration artistique unique entre le graphiste Jamie Reid et Sex Pistols a donné naissance à l’une des pochettes de disque les plus emblématiques de l’histoire de la musique : celle du single “God Save The Queen”. Plus qu’une création artistique, ce projet est un véritable manifeste.

Le single

À la fin des années 1970, le Royaume-Uni fait face à une crise économique et sociale profonde. Le chômage, les grèves et le mécontentement général alimentent une atmosphère de rébellion. Sex Pistols, avec son attitude provocatrice et ses paroles acerbes, est rapidement devenu le porte-parole de cette génération désenchantée. “God Save The Queen” est le deuxième single sorti de l’unique album du groupe, Never Mind The Bollocks (1977). Initialement hymne de la nation britannique, “God Save The Queen” a, dès son titre, planté le décor. Johnny Rotten et sa bande lancent une attaque frontale contre la monarchie anglaise et l’ordre établi. “God Save The Queen” plaît à la jeunesse et incarne parfaitement cet hymne alternatif, malgré le refus de certaines radios, dont la BBC, de diffuser le titre. Sorti à quelques jours du Jubilé d’argent, qui célèbre les vingt-cinq premières années de règne de la Reine Elizabeth II, Sex Pistols profite de cet arrangement de calendrier pour se hisser à la seconde place des charts avec cent cinquante mille singles vendus en une semaine seulement.

L’artiste

Jamie Reid est un artiste et graphiste britannique diplômé de la Croydon Art School. C’est à l’université qu’il rencontre Malcolm McLaren, futur agent artistique de Sex Pistols, grâce à qui Reid entre en contact avec le groupe. McLaren voit dans l’art de Reid une sorte d’extension artistique de la rébellion instaurée par Sex Pistols sur la scène musicale. Reid était déjà connu dans les années 1970 pour ses travaux inspirés du mouvement situationniste et du dadaïsme, deux courants artistiques qui prônaient la subversion des normes établies. Son travail peut également entrer en résonance avec l’art du photomontage, popularisé dans un premier temps par les dadaïstes, notamment Man Ray au début du XXe siècle, puis deux décennies plus tard par John Heartfield et ses photocollages politiques.


Ces différentes influences s’entrechoquent au sein du travail artistique de Reid et incarnent une réelle nécessité de secouer l’ordre social et culturel. L’esthétique de l’économie de moyens que promeut Jamie Reid par la pratique du collage et le réemploi d’images issues de journaux ou encore d’affiches publicitaires fait écho à l’esthétique de l’économie de moyens prônée par le mouvement punk. C’est l’avènement du “Do it yourself“, symbole d’indépendance face à l’industrie et à la société de consommation critiquée au sein du mouvement. Cette esthétique de la spontanéité est le mot d’ordre de la collaboration naissante entre Reid et Sex Pistols.

La cover

Afin d’en rajouter une couche après le titre choc du morceau, c’est une photographie de la Reine Elizabeth II réalisée par Cecil Beaton qui est choisie pour illustrer “God Save The Queen”. Le cliché en noir et blanc a été réalisé en 1968.


Imbriqué dans une sorte de médaillon, les contrastes du portrait de la Reine sont poussés au maximum. Ses yeux sont cachés par une bande de papier déchiré avec l’inscription “God Save The Queen” en lettres découpées, tandis que sa bouche est recouverte par le même procédé signé du nom de la formation : Sex Pistols. La juxtaposition de l’image royale avec des éléments graphiques violents et anarchiques tels que le découpage et le collage est une manière de détourner un symbole de pouvoir pour en faire un emblème de la rébellion. À la manière d’une lettre anonyme, les mots de Reid sonnent comme un message menaçant représentant une attaque directe à l’autorité britannique. Comme une extension du discours porté par l’œuvre musicale, l’illustration de Jamie Reid réussit à capturer et à amplifier le message subversif de Sex Pistols.

Cette image a joué un rôle crucial dans la diffusion de l’esthétique punk. Cette collaboration a démontré le pouvoir de l’art comme outil de protestation, collaboration qui aura duré toute la carrière du quatuor londonien, permettant à Jamie Reid de devenir le pionnier de l’art visuel punk.

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Kaithleen Touplain
Historienne de l'art et passionnée de musique rock à mes heures perdues.