Chroniques

Alcest – Kodama

Presque trois ans ont passé depuis la sortie de “Shelter”, petit bijou shoegaze qui dévoilait un Alcest plus lumineux mais toujours aussi spirituel. Avec “Kodama”, dont la sortie est prévue pour le 30 septembre, la spiritualité reste au cœur du projet mais quitte la mer ensoleillée de “Shelter” pour se tourner vers un autre refuge : le pays du soleil levant.

A la manière de “Ecailles De Lune Pt. 1 / 2”, le duo “Kodama / Eclosion” qui ouvre l’album agit comme un miroir l’un sur l’autre. Sur la chanson éponyme, la voix de Neige s’octroie des libertés et prend son envol alors que sur “Eclosion”, le chant est au contraire soumis à la souffrance de son géniteur, criant à l’agonie sur des envolées de guitare qui ne sont pas sans rappeler l’âge d’or du groupe.

On ne trouve que peu de réminiscences du dernier opus puisque les formats courts et les structures relativement simples de “Shelter” ont laissé place à des titres plus longs et aux ambiances plus variées.

De même, exit le shoegaze, ici les sonorités tournent plus autour d’un post rock lumineux et éthéré qui flirte avec quelques passages plus torturés. Le travail sur la production est impressionnant et permet de mettre en relief chaque instrument, mention spéciale à la batterie de Winterhalter, qui, à travers de nombreux changements de rythmes et certaines accélérations (le final scotchant de “Oiseaux De Proie”), propose ici les meilleures parties de batterie de la formation depuis ses débuts.

Mais c’est avant tout, c’est un Alcest plus mature et plus serein que l’on retrouve. L’univers déployé sur ces six chapitres a un réel potentiel cinématographique dans sa progression. Si les atmosphères et les structures sont parfois relativement complexes, le naturel et la spontanéité de la musique n’ont pas été perdus pour autant. Autre atout majeur : le concept japonais autour de l’esprit vivant dans un arbre (le Kodama) n’a pas été un simple prétexte pour justifier l’existence d’un nouvel album. Il mérite bel et bien sa place et, au-delà des paroles qui sont encore une fois d’une grande poésie, se matérialise à travers de nombreux arpèges cleans aux sonorités japonisantes qui insufflent un caractère singulier à l’ensemble. Pour la première fois, Alcest parvient à se saisir et s’emparer d’une sorte de sagesse qui n’a cessé de graviter autour de sa musique. Aujourd’hui, cette sagesse ne sommeille plus seulement en lui, elle lui appartient.

L’audace vocale est également à souligner tant Neige donne de la voix et utilise cette dernière “comme un instrument” supplémentaire (on note de somptueux arrangements vocaux), la modulant par exemple à travers certains aigus surprenants où le dialecte humain n’a plus sa place : c’est au fin fond de son âme que le Français est allé puiser ces mélodies. Et même si l’effort est à certains moments plus torturé que par le passé (le retour des voix hurlées n’y étant pas étranger), la lumière à l’horizon n’est jamais loin, noyant parfois l’auditeur dans un océan d’émotions : pas si éloignée d’un “Solar Song”, la contemplative “Untouched” ralentit la cadence et épluche le soleil pour nous distribuer des stries d’espoir. Seul l’énigmatique et court final, “Onyx”, boucle ambiante dont les sonorités de guitare laissent place à l’incompréhension, ne touche pas vraiment.

Ni trop sombre, ni trop lumineux, “Kodama” brille de ses qualités et nous offre un voyage bâti sur une terre de contrastes, où spiritualité et émotion se livrent un duel sans merci. En presque dix ans, l’enfant présent sur la pochette du premier album “Souvenirs d’Un Autre Monde” est devenu un adulte, et aussi atroce que cela puisse paraitre, la beauté qui résidait en lui ne l’a jamais quitté. Alcest est en phase de devenir ce groupe intemporel avec lequel une génération entière aura grandi et ce au gré des ambiances et des différents concepts qui ont fait de lui ce qu’il est aujourd’hui avec “Kodama”.

Informations

Label : Prophecy Productions
Date de sortie : 30/09/2016
Site web : www.alcest-music.com

Notre sélection

  • Je Suis d’Ailleurs
  • Kodama
  • Untouched

Note RUL

4.5/5