Comment faire face à la perte d’un être cher ? Ne pas tourner autour du pot est un leitmotiv qui jalonne autant cette chronique que la démarche artistique et humaine d’Architects depuis de le décès tragique de Tom Searle, guitariste fondateur, auteur et compositeur principal du groupe en août 2016. Nul doute que l’avenir de la formation n’était d’abord la priorité des membres, bien trop dévastés par cette injustice que la vie leur a mis devant les yeux. Et pourtant, il a fallu se confronter rapidement à la question. Allaient-ils retourner sur les routes ? Ils l’ont fait, même pas un mois après la disparition de leur leader. Allaient-ils trouver la force de défendre le dernier témoignage musical de Tom sur une tournée s’étalant sur plus d’un an et demi ? A force de larmes et de sang, l’affaire s’est conclue devant dix mille fans en février dernier à Londres. Et maintenant nous avons “Holy Hell” entre les mains. Bien que le groupe n’ait jamais chômé depuis le décès de Tom, il a quand même pris le temps de remettre de l’ordre dans ses idées et de s’isoler en novembre dernier pour enregistrer ce qui est le premier album sans l’âme du groupe. Face à la perte, on peut continuer à vivoter ou alors, affronter la réalité et tenter d’en tirer le meilleur.
Chaque note, chaque mot, chaque mélodie de ce “Holy Hell” est jouée pour Tom Searle, le groupe ne s’en cache pas. Mais il aurait pu tomber dans le piège de l’hommage permanent et ainsi, proposer une œuvre artistique à l’intérêt assez limité. Là où Architects tape fort avec ce nouvel album, c’est que l’ambition musicale du quintette se mêle au contexte. Ainsi, alors que les deux derniers opus forment presque un diptyque tant les similitudes sonores et thématiques sont fortes, ce nouvel effort studio s’ouvre à de nouveaux éléments pour enrichir encore plus la palette sonore des Anglais. L’apport de Josh Middleton, ex-Sylosis, apporte parfois une touche plus agressive et directe à Architects, comme sur la surprenante “The Seventh Circle”, brûlot de violence d’une minute trente.
Mais là où Architects excelle vraiment sur ce disque, c’est en simplifiant son propos légèrement par rapport à ses dernières productions. L’agressivité et l’émotion ressortent d’autant plus quand les mélodies sont accentuées par un travail de guitare assez inédit pour la formation. Tantôt aéré, tantôt brutal, l’instrument à six cordes est le pilier de cet album, comme pour rendre un dernier hommage stylistique au défunt Tom. La production est dantesque mais les instruments semblent sonner plus naturellement que jamais, procurant une chaleur à l’ensemble qui permet à l’auditeur de pouvoir, tout de même, supporter émotionnellement les paroles déchirantes, toutes écrites par Dan, batteur de la formation et frère jumeau de Tom. En témoigne les chefs d’œuvres que sont “Hereafter” ou “Holy Hell”, le groupe a mis toutes ses tripes dans un disque qui sert à la fois d’ultime hommage et nouvelle porte, ouverte sur le futur.
Dire que “Holy Hell” est un essai sombre serait simpliste. La tristesse et la douleur sont flagrantes mais, pouvait-il en être autrement tant la gestation fut douloureuse, on l’imagine. Cependant, les Britanniques d’Architects délivrent un message on ne peut plus humain. Et trouvent le juste milieu entre toutes les violentes émotions que les épreuves de la vie peuvent nous procurer. Tantôt désespéré, tantôt optimiste et plein de force, la formation originaire de Brighton nous livre un grand album, profond et marqué, et peut aborder l’avenir avec plus de certitudes désormais. Pour notre plus grand bonheur.
Informations
Label : Epitaph Records
Date de sortie : 09/11/2018
Site web : www.architectsofficial.com
Notre sélection
- Hereafter
- Holy Hell
- The Seventh Circle
Note RUL
4/5