Beck est un mec cool. Baigné dans l’art depuis son enfance, l’artiste greffe sa patte aux divers genres musicaux qu’il explore depuis plus de vingt ans. De l’album culte “Odelay” (1996) à des productions plus discrètes mais toutes aussi formidables comme “Mutations” (1998), il devient un personnage ancré dans notre culture, se payant le luxe d’une version animée aux côtés de Bender dans la série Futurama. Dans son soucis de découverte et de cohérence, il livre cette année “Colors”, treizième effort d’une solide discographie.
De la manière la plus décomplexée qui soit, “Colors” est en tête des onze titres avec un festival de pop FM. Atmosphère électronique, chœurs psychédéliques, c’est une direction radicale qui donne le ton pour le reste du voyage. La piste éponyme a tout du tube que nous pouvons entendre une fois notre radio allumée, passant sur toutes les stations que nous pouvons croiser au quotidien.
L’idée est de prendre son univers à contre-pied pour donner naissance à quelque chose de plus frais et de plus coloré. De couleurs nous ne sommes pas en reste, mais le spectre est cependant réduit entre les teintes sucrées de chansons comme “I’m So Free” et les nuances sombres de “Fix Me”. Nous ne pouvons cependant pas bouder notre plaisir devant la douce dissonance de “Dreams”, la démarche aérienne faisant mouche à pratiquement tous les coups.
Le moment de grâce est attribué à “Dear Life”, où nous pouvons déguster le travail de parolier et ressentir le fantôme de Elliott Smith alterner l’ambiance. Piano jazzy, guitare stridente, et flow percutant, la chanson détonne en étant la plus fidèle à lui-même. La mélancolie envahit les enceintes, laissant place à la réflexion folle qui hante sa discographie. C’est bête de simplicité, et cela fonctionne. “Colors” pose cependant une question avec le paradoxe qui fait que la musique pop a essayé de sonner comme Beck, et le fait que l’inverse se produit aujourd’hui. Pourquoi ?
Greg Kurstin, producteur du dernier Foo Fighters et collaborateur de longue date du compositeur, décèle le potentiel pop et le pousse à l’extrême. La conséquence est la diminution de l’impact des chansons de ce dernier et l’absence de cette folle diversité dont nous sommes habitués. Si le concept est de s’ancrer dans des sonorités contemporaines, l’objectif est certes atteint, mais loin d’être une entière réussite. Le producteur a fait ressortir les plus belles influences de Dave Grohl, mais il s’est focalisé sur les plus obscures de Beck, à savoir les instrumentales pop des années 80 à base de drum machine. Une pléiade d’artifices dont on peut aisément se passer, tant la force de ses paroles et de ses compositions ne sont plus à démontrer.
“Colors” est un album entraînant pourtant en dessous des attentes fixées au fil du temps. La cohérence de l’ensemble et les mélodies enchanteresses ne suffisent pas à cacher le pattern formaté de quarante cinq minutes. Aux antipodes de son œuvre, ce treizième effort studio demeure fort sympathique, mais il devient clair à force d’écoutes multiples qu’il n’est pas en passe de devenir le plus cité, encore moins le plus apprécié. Pour les jeunes générations qui découvrent Beck, la formule peut séduire. Pour les habitués, il est hélas facile de faire l’impasse et de se rabattre sur le passé. La liberté musicale des uns s’arrête où commence celles des autres non ?
Informations
Label : Caroline
Date de sortie : 13/10/2017
Site web : www.beck.com
Notre sélection
- I’m So Free
- Dear Life
- Dreams
Note RUL
3/5