Coldrain – Vena

S’il y a un nom qu’il faut commencer à retenir dans le milieu du rock japonais, c’est bien Coldrain. En plein essor ces dernières années, la formation a joué aux côtés de groupes tel que Papa Roach, Bullet For My Valentine, ou Volumes. Le dernier opus, “Vena”, sorti le 21 octobre dernier, est le quatrième album, et s’annonce être une étape décisive dans sa carrière. Pour cela, les Nippons ont reçu l’aide de Brandon Paddock, au lieu de l’habituel David Bendeth.

“The Revelation”, sorti un an et demi avant “Vena”, offrait à Coldrain sa première grande visibilité mondiale, avec ses titres metalcore accrocheurs, qui lui avait valu des critiques favorables. Aujourd’hui, c’est dans un style plus évolué que les musiciens reviennent, prêts à conquérir le monde. En effet, “Vena” se présente comme le parachèvement de leur carrière : on y retrouve les morceaux “Gone”, “Whole”, “Heart Of The Young”, “The Story”, plus doux, plus pop, avec plus de chant clair, comme ils l’ont fait par le passé (“Fiction”, “You”, “Just Tonight”), mais dans un genre bien plus mature et assuré. Mais ils ne laissent pas pour autant tomber les morceaux incisifs, punchy, plein de hargne, qui existaient déjà avec “Behind The Curtain”, “Aware And Awake, et que l’on retrouve ici sur “Wrong”, “Divine” ou “Fire In The Sky”. “Vena” apparaît, non seulement comme la synthèse de la carrière de Coldrain, mais aussi de lui-même. Bien que s’étant exportés, le combo reste attaché à ses racines japonaises, et au raffinement de sa culture, que l’on retrouve dans la structure des compositions. Probablement moins américanisé, Coldrain semble revenir sur des bases peut-être moins acquises pour le public mondial, mais lui ressemblant davantage.

A l’écoute du disque, il est aisé de voir à quel point les Japonais se sont forgés une identité qui leur est propre, mais enrichie de tout leur vécu récent, et “Runaway”, en featuring avec Jacoby Shaddix (Papa Roach) est très significative. Les voix se marient à merveille, et l’on ne saurait dire qui a le plus d’expérience entre les deux vocalistes. Masato a énormément progressé, et maîtrise bien mieux sa voix qu’il ne le faisait auparavant. Encore mieux que sur “The Revelation”. De même, on y retrouve les influences de The Used (avec qui Paddock a travaillé) sur “Pretty Little Liar” par exemple. Les Nippons ont pris des risques, en n’hésitent pas à faire intervenir un peu de fantaisie sur les morceaux, comme des clappements de mains au début de “Gone”, entre autres.

Mais ce n’est pas tout, les paroles aussi ont évolué. On y retrouve les thèmes précieux aux yeux du quintette : le besoin de s’exprimer, d’avancer, croire en l’Homme et sa capacité à prendre sa vie en main, devenir son propre dieu, ne pas se soumettre. Les paroles de “Pretty Little Liar” rappellent la chanson “You Lie”, pour n’en citer qu’une. Mais contrairement aux travaux précédents, “Vena” porte bien son nom, et nous offre des paroles en intraveineuse. Les textes sont emprunts de l’intériorité de Masato, plus personnels. “Heart Of The Young” le met en scène dialoguant avec lui-même enfant, son passé qu’il souhaite faire revivre. “Gone”, à son tour, porte sur une séparation, tout comme “Whole”, et trahit les sentiments du frontman. Ces nouvelles pistes, plus intimes, vont de paire avec la volonté d’offrir un essai honnête, qui ne cache pas les cinq membres. Car “Vena” a été composé à partir de ce qu’ils sont, et ont vécu. “Vena” est le sang qui coule dans leurs veines, les musiques qui ont traversé leurs corps. Et la pochette en dit long, puisque Masato y figure, tatoué des lettres du titre de l’album (devenues logo du groupe) sur le cou.

En définitive, “Vena” est un bijou qui s’apprécie d’autant plus que l’on connaît le passé de Coldrain. Ce disque est emprunt de son identité, de ses racines, mais c’est surtout l’arbre poussé à partir de ce qu’il a semé, et qui est voué à grandir encore. Si “Vena” n’est pas son entrée définitive sur la scène des grands, ce ne serait vraiment pas de veine, et nous ferait l’effet d’une douche froide.