Iron Maiden – The Book Of Souls

Iron Maiden sort son nouvel opus, “The Book Of Souls”, premier double-album des désormais légendaires heavy metalleux anglais. Le double disque a été enregistré au studio Guillaume Tell en région parisienne, avant que le chanteur Bruce Dickinson ne soit diagnostiqué de sa tumeur à la gorge, de laquelle il est désormais guéri.

Il ne fait nul doute que “The Book Of Souls” est un chef d’oeuvre. Il est même bien plus que ça, il est comme le book du groupe, une totalisation de toute la carrière d’Iron Maiden, de son œuvre musicale. En réalité, nous pourrions dire qu’il illustre parfaitement son titre, dans tous les sens possibles. En effet, quant à la carrière de la formation, il représente l’âme de Maiden. L’âme est quelque chose qui est au début et à la fin d’une vie, et subsiste à la mort, quelque chose de permanent. Et de fait, après autant d’années de carrière, des changements de membres, de la mort de Clive Burr, et même d’un album présumé être le dernier, la Vierge De Fer a survécu, et dépassé la mort. Cela faut d’ailleurs, ironiquement, pour le diagnostique de Dickinson : il a vu la mort, et l’a dépassée. Mais plus encore, “The Book Of Souls” témoigne de toutes les époques traversées par le combo, à l’instar du clip de la chanson “Speed Of Light”, montrant Eddie traverser quarante années de jeux vidéos, en même temps que quarante années de carrière.

Mais pas seulement, les chansons “Tears Of A Clown” et “Empire Of The Clouds” sont respectivement des hommages à Robin Williams décédé l’année dernière, et au crash aérien du R101 en 1930 qui a eu lieu en Picardie, à Allonne (60). En ce sens, les inscrire dans une composition permet de garder leurs âmes présentes, et ainsi continuer de les faire vivre, et survivre à la mort. C’est ici le second sens que revêt cet opus. D’autant plus que la pochette de celui-ci représente Eddie en maya, eux qui étaient spécialistes de la survie des âmes après le trépas. Il est vrai qu’Iron Maiden a toujours traité de ce sujet, par des morceaux tels que “A Matter Of Life And Death” ou “The Final Frontier”, mais là encore, “The Book Of Souls” est le disque qui a dépassé “The Final Frontier”, qui était supposé être le der des der. Il est l’essai qui continuera de faire vivre les Anglais et en cela se doit d’être magistral, d’être l’apogée de la bande. C’est pourquoi, même s’il fait parfois “m’as-tu-vu ?”, si les garçons ont tendance à trop en faire, comme sur les riffs de “The Red And The Black” par exemple, il est vrai que l’on souhaite toujours que l’on garde le meilleur souvenir possible de soi, une biographie vise souvent à garder le meilleur.

Et musicalement, c’est ce qu’ils ont fait : ils ont gardé le meilleur de leurs travaux précédents, afin de faire un album exaltant. Mais pas seulement. En plus de ça, ils ont ouvert une nouvelle page, ont pris un nouvel envol, et c’est la raison pour laquelle faire un double album était une image brillante. Lorsque l’on lit, il faut toujours tourner une page pour en ouvrir une nouvelle, il faut couper en deux, faire une pause, comme les deux parties du disque. Et c’est encore une fois la formule adoptée ici : bien que certains riffs ou parties instrumentales font penser à d’anciennes pistes, comme “The Red And The Black” rappelle parfois “Flight Of Icarus”, “Massacre”, ou encore “The Rime Of The Ancient Mariner” sous certains aspects, et beaucoup de morceaux retrouvent un esprit des travaux de la formation au milieu des années 80, ou parfois de “Brave New World”, Maiden ose la nouveauté, comme l’introduction psychédélique de “If Eternity Should Fail”, la longueur de “Empire Of The Clouds” (dix-huit minutes), ou tout simplement le fait que ce soit un double effort, qui était un pari risqué. Mais de façon générale, cet ensemble est beaucoup plus lourd, et peut-être profond que leurs derniers qui adoptaient plus facilement un instrumental épique que celui-ci sans pour autant renier cet aspect, que l’on retrouve notamment sur l’opéra metal que constitue la dernière piste. Cet album est grandiose, du grand Iron Maiden qui se livre à nous dans un format long que l’on ne verra pas passer comme ses années d’existence. “The Book Of Souls” est réellement l’incarnation de Maiden et de tout ce qui gravite autour du sextette.

Et si la thématique de l’aviation vient hanter sans cesse ce disque, y compris dans le fait qu’un livre ouvert puisse faire penser à un avion, il ne fait nul doute que ce nouvel envol, ce nouveau décollage, ne saura être parfait qu’en tournée, porté par le Boeing 747 de Dickinson. En tous cas, nous ne nous plaindrons pas que “The Final Frontier” n’ait pas été la frontière finale du groupe, puisque son âme subsiste, pour le plus grand plaisir de leurs fans. La Vierge De Fer nous a montré qu’elle l’était encore sur bien des aspects malgré ses longues années de carrière, et pour la suite : il s’agit d’y croire dur comme fer.