Luke, groupe phare de la scène rock française, revient cette automne avec son cinquième effort studio, “Pornographie”. En plus de quinze ans d’existence, ils n’ont pas été très prolifiques. Par contre, ils sont très présents en live et leurs prestations très énergiques sont très appréciées. Alors qu’ont-ils eu à nous dire cette fois ?
Nous avions quitté Luke en 2010 avec un album un peu plus doux et posé qu’à l’accoutumé (“D’Autre Part”). Pendant les cinq années suivantes, ils ont tourné, ils ont vaqué à d’autres occupations (Thomas Boulard (chant) a sorti un album solo “Shoot” (2013)). Le gang a tout de même trouvé le temps pour se réunir de temps en temps, en vase clos, dans un tout petit studio sans fenêtre pour composer et enregistrer de nouveaux morceaux. Les garçons nous avaient habitué à parler de la vie, de voyage, d’amour, de femmes ( “Faustine”, “Zoe”, “Stella”), à poser des questions poétiques (“D’Où Vient Le Vent”). Aujourd’hui, le discours a changé. Il est plus engagé que jamais, animé par “l’énergie du désespoir”. Pour cet opus, un seul mot d’ordre, selon le leader : improviser et sortir une bande son à base “des images, des choses entre “Akira” et “La Société Du Spectacle” de Guy Debord”.
Le résultat, onze titres très énergiques, de rock 2.0. On notera quelques nouvelles orientations dans les sons avec l’utilisation de samples et de synthés, plus marqué, ce qui rend l’ensemble assez dansant. Le chant est différent aussi. Thomas se met presque à rapper sur certains morceaux (“Pornographie”). On sent que le disque a été taillé pour le live, pour que le public puisse reprendre les textes en chœur. Pendant quarante-cinq minutes, Luke déverse une colère froide et établi un triste constat de la société moderne (“Des Marchandises”). Les mots choisis sont précis, simples pour avoir le plus d’impact et toucher un maximum de personnes. Les artistes s’engagent et veulent dénoncer la société de consommation, les magouilles de nos dirigeants ou encore les comportements absurdes de la jeunesse. Les refrains sont prenants et restent en tête. Ils sont balancés comme des slogans, comme des graphes que l’on voudrait laisser ici et là. Pour Thomas, “si un disque comme ça existe, c’est pour qu’on entende ce cri – que la musique d’en bas puisse atteindre les décideurs d’en haut. Jamais un disque n’aura autant été un bulletin de vote.”
L’intention est plutôt louable, touchante. Mais cet effort a tout de même un énorme défaut : il manque cruellement d’originalité. Ce “Pornographie” nous laisse perplexe tant il y a des similitudes avec les chansons de deux formations, connues pour être les fers de lance du rock engagé hexagonal de ces dernières années. Tout d’abord, Noir Désir, la base. “J’Veux Etre Un Héro” a des faux airs de “L’Homme Pressé”, “Rêver Tue” aurait pu être chanté par Cantat. Le pire reste tout de même les ressemblances avec l’œuvre de Saez. La façon de chanter, les rythmes, les textes, les riffs de guitare. Tout est tellement proche que l’on aurait pu croire à un nouvel album du Dijonnais. Au summum de la ressemblance, on pourrait citer “Quelque Part En France” qui résonne comme un mash up “Fils De France” (Saez) / “Un Jour En France” (Noir Désir). À ce niveau-là, ce n’est plus de l’inspiration.
“Pornographie” est un essai fort et engagé. Il faut le prendre comme une bonne gueulante sur la société d’aujourd’hui qui sera sûrement très plaisant à entendre en live. Sans revenir sur son manque d’originalité, on notera tout de même qu’à la longue il finit par lasser. On aurait aimé quelques variantes, peut être une pointe d’espoir, une touche de lumière ?
Informations
Label : Sony Music / Jive Epic
Date de sortie : 09/10/2015
Site web : www.luke.com.fr
Notre sélection
- J’Veux Etre Un Héros
- Des Marchandises
- C’est La Guerre
Note RUL
2.5/5